La Saint-Jean-Baptiste aura-t-elle une coloration particulière cette année en raison du conflit étudiant ? LES COMMENTAIRES DOIVENT ÊTRE SIGNÉS.

Jana Havrankova

Médecin endocrinologue



CARRÉ FLEURDELISÉ


Il serait regrettable que la Fête nationale soit instrumentalisée pour s'opposer à la hausse des droits de scolarité, ou plus généralement, pour malmener le gouvernement de Jean Charest. Bien entendu, de nombreuses critiques ont été formulées (et le seront encore) envers le gouvernement. Toutefois, durant cette fête, qui se veut inclusive, la présence des carrés rouges diviserait inutilement les gens. Même ceux qui pour toutes sortes de motifs prônent l'augmentation des droits de scolarité devraient pouvoir célébrer. Une discussion franche et argumentée sur le financement des études postsecondaires aura lieu ultimement. La Fête nationale célèbre la société québécoise dans son ensemble sans égard à la couleur des carrés. Et il y a de nombreuses raisons d'être fier de notre société: sa détermination à maintenir le français vivant en Amérique, son combat pour la reconnaissance de sa spécificité, son développement extraordinaire depuis quelques décennies, sa joie de vivre et sa tolérance, son accueil généreux des immigrants (la Fête nationale coïncide avec mon arrivée au Québec, il y a maintenant 43 ans.) Que la fête commence pour tous les Québécois! C'est le temps du carré fleurdelisé!

Jana Havrankova

Raymond Gravel

Prêtre dans le diocèse de Joliette



UNE VRAIE SAINT-JEAN-BAPTISTE


La Fête nationale du Québec a été marquée dans l'histoire par toutes sortes d'événements où les Québécois de tous âges ont manifesté, en même temps, leur fierté et leurs déceptions. Cette année, avec le conflit étudiant qui perdure, avec toutes les personnes qui ont la capacité de s'indigner par rapport à la corruption de nos gouvernants, la Fête nationale doit refléter ce ras-le-bol de la population qui ose espérer encore du changement. Si nous voulons être fidèles à nos traditions, nous devons exprimer notre écoeurantite aiguë par des manifestations pacifiques où des centaines de milliers de personnes marcheront dans les rues pour dénoncer les injustices et se solidariser avec nos jeunes qui sont l'avenir de notre nation. À la suite de Jean Baptiste, ce prophète du 1er siècle qui a vilipendé les dirigeants de son temps et qui a emprunté un chemin nouveau, il nous faut, nous aussi, ouvrir la voie à un Québec plus libre et plus responsable, plus juste et plus égalitaire. Avec les jeunes leaders étudiants, retrouvons notre capacité de nous indigner. Ce sera pour eux un appui et pour la société québécoise, un signe d'espérance. Bonne Saint-Jean à tous!

Raymond Gravel

Marc Simard

Professeur d'histoire au collège François-Xavier-Garneau de Québec

DES FESTIVITÉS SECTAIRES

Il y a belle lurette déjà que la Saint-Jean-Baptiste n'est plus la fête de tous les Québécois, mais celle des indépendantistes. Malgré l'inclusion de quelques représentants des minorités ethniques dans les célébrations, la mer de fleurdelisés qui déferle devant les estrades, les discours millénaristes des participants et les choix musicaux «engagés» des artistes en ont graduellement fait la célébration annuelle de l'interminable marche inachevée des Québécois vers la terre promise de la souveraineté, fondée sur la «mythistoire» nationaliste. Les événements du printemps 2012 aggraveront cette orientation: les carrés rouges, les souverainistes de toutes tendances ainsi que la gauche syndicale et politique, qui ont scellé leur alliance dans le tintamarre des casseroles et les manifestations nocturnes, en profiteront pour casser du sucre sur le dos de Jean Charest et de leurs ennemis idéologiques et médiatiques, pour dénoncer le néolibéralisme soi-disant dominant au sein de l'élite et pour appeler de leurs voeux un Québec «libre et solidaire» (quoiqu'endetté). Les citoyens du Québec qui n'ont pas le désir de voir leurs idées et convictions tournées en ridicule par des animateurs et des artistes teints en rouge ou en bleu pâle resteront sans doute chez eux.

Pierre Simard

Professeur à l'ENAP à Québec



SUBVENTIONNER LE SACCAGE



Il fut une époque où j'avais hâte à la Saint-Jean. Cette année, j'ai hâte au lendemain. La Fête nationale est devenue un événement hautement politisé. Elle s'est transformée, au fil des ans, en événement de propagande pour les souverainistes du Québec. S'inviteront également à la fête cette année : les carrés rouges, les « Occupons ... » et sans doute quelques casseurs professionnels. On a même prévu une période d'échauffement par une grande manifestation la veille. Plus que jamais, la table est mise pour un affrontement avec les forces de l'ordre. Déjà qu'à Québec, l'an dernier, l'événement avait donné lieu à un déploiement policier sans précédent : barrages routiers, périmètres de sécurité et fouille des participants. Imaginez cette année! On dira ce qu'on voudra, la Saint-Jean n'est plus la fête de tous les Québécois. Une majorité de citoyens resteront chez eux pour ne pas mettre en péril leur propre sécurité ou celle de leur famille. De nombreux élus les imiteront pour éviter de mettre le feu aux poudres. Bref, le Québec est manifestement une société distincte: on y subventionne même le saccage du bien public.



Pierre Simard

Jean Gouin

Directeur général de la Fédération des médecins résidents du Québec



NE PAS MÉLANGER LES GENRES



Difficile de prévoir à quoi ressemblera la Fête nationale des Québécois cette année. On aura possiblement droit à un concert de casseroles encore plus important. Mais le problème sera davantage axé sur les débordements qui pourront avoir lieu, surtout que les fêtards seront de la partie. Les corps policiers auront fort à faire et devront demeurer alerte. Le travail que les policiers ont accompli jusqu'à maintenant a été remarquable, vu les circonstances. Ils sont toujours sur la ligne de front. J'ose croire que les étudiants sauront mettre de côté leurs revendications et qu'ils participeront à la Fête nationale comme par les années passées. Il y a un temps pour se faire entendre et un temps pour célébrer. Cette fête en est une de réjouissances entre parents, amis, collègues et voisins. Un temps d'arrêt pour clamer notre fierté d'être québécois. Toute manifestation autre ne serait nullement la bienvenue, quels que soient les points de vue que nous défendons. C'est aussi le moment de se parler, de tenter de se comprendre. Les étudiants, j'en suis certain, ont compris qu'il fallait respecter la Fête nationale. Ils auront bien l'occasion de faire valoir leurs revendications au moment des élections dont les signes avant-coureurs ne sont plus subtils. Le choix qu'ils feront sera déterminant pour la suite des choses.

Jean Gouin

Caroline Moreno

Écrivain et comédienne



LA FÊTE DE L'INDÉPENDANCE



Les drapeaux du Québec et celui des Patriotes ont fait leur apparition dès le début du conflit opposant les étudiants et le gouvernement. Ils sont de toutes les manifestations. On les retrouve sur les voitures, les balcons, les t-shirts, aux fenêtres. Les Québécois se réapproprient le Québec et la Fête nationale sera l'occasion pour eux d'exprimer leur fierté retrouvée de même que leur différence. Les réjouissances prendront, cette année, des allures de jour de l'indépendance. Bonne fête Québec !

Caroline Moreno

Mélanie Dugré

Avocate



RAVIVER LA FLAMME



La crise étudiante a certainement offert une cure de vitalité revigorante au peuple québécois engourdi derrière son pilote automatique. Depuis plusieurs années, la connotation politique de la Fête nationale avait sévèrement pâli, cédant sa place à l'aspect festif de cette célébration. Rien de mal en soi quoiqu'on puisse avoir l'impression que le sens de la fête s'est dilué à même les litres d'alcool absorbés et les volutes de fumée des substances illicites consommées. Les derniers mois ont été les hôtes d'actes disgracieux, de paroles incendiaires, de débats houleux et de tintamarres de casseroles souvent joyeux, mais parfois agressifs. On peut être irrités, excédés et désabusés par l'impasse actuelle de cette crise, mais on ne peut rester indifférents devant le réveil collectif que la situation a provoqué tout en admettant qu'elle nous a extraits de notre mutisme maladif. Quelles que soient les raisons qui ont motivé les citoyens à réagir, contester, manifester et descendre dans la rue, la solidarité ambiante aura rallumé le sens de la communauté et redonné un certain éclat à notre société distincte. La Fête nationale a plus que jamais sa raison d'être et cette année, elle aura une intensité toute particulière qu'il conviendra de célébrer.

Mélanie Dugré

Jean Bottari

Préposé aux bénéficiaires



TEINTÉE DE ROUGE



Qu'on le veuille ou non, la Fête nationale du Québec sera inévitablement teintée de commentaires ayant pour cible le gouvernement Charest ainsi que l'adoption de la controversée loi 78. Les artistes seront sans doute nombreux à profiter de cette tribune afin d'émettre leurs opinions tout en démontrant qu'ils appuient le mouvement étudiant et ses revendications face à la hausse des droits de scolarité. Jamais un conflit étudiant n'aura été si long et si mobilisateur au Québec. Le gouvernement Charest a maladroitement tenté de régler ce conflit qui aura même valu le sacrifice d'une ministre compétente et dévouée au PLQ et à son chef. Il est donc tout a fait normal que les festivités du 24 juin soient teintées cette année non seulement du bleu traditionnel, mais aussi du rouge, symbole de cette quasi-révolution.

Jean Bottari