Après avoir annoncé la tenue d'une enquête interne au sujet de paiements mystérieux d'au moins 35 millions de dollars, SNC-Lavalin a vu le prix de ses actions culbuter de 20% mardi. Croyez-vous que, pour préserver son image, la haute direction de la multinationale québécoise aurait avantage à montrer plus de transparence et à lever le voile sur ces paiements occultes le plus rapidement possible?

LES COMMENTAIRES DOIVENT ÊTRE SIGNÉS.



Claude Blouin

Avocat

UN TEST POUR LA CRÉDIBILITÉ DE NOS INSTITUTIONS

Après Sino-Forest et autres Bre-Ex, c'est maintenant au fleuron québécois de l'ingénierie de voir sa réputation entachée et de faire l'objet de soupçons de corruption en lien avec le régime Kadhafi. Au-delà du destin de cette locomotive d'affaires, c'est l'efficacité de certains pare-feu et la crédibilité d'institutions de contrôle de l'intégrité des opérations d'affaires qui sont en jeu. Le Comité de vérification et les administrateurs indépendants de l'entreprise auront beaucoup à prouver. Si l'entreprise n'est pas en mesure d'identifier très rapidement la destination exacte des paiements camouflés  et de congédier tout son personnel relié de près ou de loin à la connaissance de l'existence de la tromperie et à la commission des actes répréhensibles, personne ne croira plus que les administrateurs puissent être à distance des dirigeants exécutifs, d'opérations et de finance au Canada. Les administrateurs indépendants sont pourtant la dernière ligne de défense contre le copinage abusif que notre société restreinte favorise malheureusement. Alors, finies les illusions. Et ce n'est probablement et très malheureusement pas terminé. Peut-on croire que l'entreprise sortira totalement indemne des travaux de la commission Charbonneau? Souhaitons-le, en croisant les doigts.

Photo: fournie par l'auteur

Claude Blouin

Jean-Pierre Aubry

Économiste et fellow associé au CIRANO

UN CHOIX À FAIRE

Il est certain que pour préserver son image de gestionnaire intègre, SNC-Lavalin a besoin de montrer plus d'empressement à faire le ménage dans le dossier libyen, notamment en levant le voile sur les paiements occultes liés à ce dossier.  Cette entreprise doit également prendre des mesures pour mieux suivre les projets qu'elle gère et pour communiquer d'une façon plus transparente avec ses actionnaires, les investisseurs et le public. Il n'est pas facile d'obtenir des contrats dans des pays où règnent la corruption et les passe-droits tout en suivant nos hauts standards en matière de gestion éthique et de transparence.   Suivre davantage les règles de la bonne gestion pourrait impliquer de perdre des très gros contrats et la visibilité qu'ils procurent. SNC-Lavalin devra décider jusqu'où  elle est prête à tordre les règles de bonne conduite dans le but de faire plus de profits à moyen terme et de se faire une place dans divers marchés pour de nombreuses années. Elle devra se demander, si en poussant les limites de ce qu'elle accepte de faire pour obtenir plus de profits à moyen terme,  elle ne risque pas de sacrifier à la fois sa réputation et des profits à plus long terme.

Jean-Pierre Aubry

Pierre Simard

Professeur à l'ÉNAP à Québec

DIGNE D'UN ROMAN POLICIER

La saga SNC-Lavalin est digne d'un roman policier : société fictive, pots-de-vin, lettre de dénonciation, arrestation d'une consultante au Mexique, départ précipité de deux vice-présidents, comptabilité douteuse et... mutisme des dirigeants. Quand le nom de SNC-Lavalin est associé aux plus tordus de ce monde - comme la famille Kadhafi - on ne peut pas dire que notre fleuron québécois transpire l'honnêteté et la transparence. Alors que des allégations de corruption et de malversation ont déjà été portées contre l'entreprise au Bangladesh, en Inde et au Laos, il faut craindre qu'un doute soit désormais installé dans l'esprit de plusieurs fournisseurs de contrats locaux et étrangers. Personne n'aime s'associer à une entreprise dont la probité est mise à mal à répétition! Il va de soi qu'on aimerait en connaître davantage sur notre géant du génie-conseil. Malheureusement, lorsqu'il est question de corruption, l'omerta s'applique. Saura-t-on un jour la vérité? J'en doute. Les histoires du genre se terminent trop souvent en queue de poisson : les dirigeants gagnent du temps, s'affairent à remettre la comptabilité en ordre et tentent de se faire oublier. La mauvaise nouvelle, toutefois, c'est que le silence des dirigeants est souvent considéré comme un aveu.

Jean Gouin

Directeur général de la Fédération des médecins résidents du Québec

GÉRER LA CRISE

On ne connaît de l'affaire SNC-Lavalin avec la Libye que ce que les médias nous rapportent. Les accointances qui se sont tissées au fil des années avec certains représentants de la Libye, dont est un des fils Kadhafi, sont choses courantes. Ce qui l'est moins cependant, ce sont ces fameuses enveloppes brunes qui, dans bien des cas, font partie des us et coutumes de bien des pays en voie en développement. Mais, ne jouons pas à l'autruche. Au Québec, l'enveloppe brune est aussi bien en vue, même si les bénéficiaires du moment le nient catégoriquement. Personne n'est dupe de ce stratagème. SNC-Lavalin a été prise à partie avec de mystérieux paiements et doit maintenant bien gérer cette crise pour se sortir de ce faux pas, car ce sont les actionnaires qui en paient maintenant les frais. On nous laisse entendre que ces paiements, qui s'apparentent étrangement à de la fraude, ont été mal comptabilisés. Les conséquences de ce mauvais calcul ternissent quelque peu l'image de ce fleuron québécois et c'est bien dommage. SNC-Lavalin n'aura d'autre choix que de dire ce qu'il en est, si les actionnaires le réclament. Autrement dit, SNC-Lavalin devra répondre à la satisfaction de ses actionnaires, car sa crédibilité pourrait être entachée pour un bon bout de temps.

Jean Gouin