D'après vous, les policiers s'adonnent-ils au profilage racial? Si c'est le cas, comment expliquez-vous ce phénomène? Avez-vous été témoin de profilage racial? LES COMMENTAIRES DOIVENT ÊTRE SIGNÉS. MAXIMUM DE 150 MOTS.





Francine Laplante

Femme d'affaires.



MON FILS EN A ÉTÉ VICTIME



Il est difficile de croire que le profilage racial n'est pas érigé en système à Laval! J'ai déjà raconté en lettre ouverte, en juillet 2011, comment mes deux fils, un blanc et un noir, tous deux jeunes conducteurs au volant d'un véhicule luxueux, ont été traités différemment par les policiers de Laval. En 2 mois, mon fils à la peau noire a été intercepté 9 fois pour des vérifications de routine, alors que mon fils à la peau blanche n'a jamais eu affaire à la police. Pourtant, les deux conduisent le même genre de voiture, dans les mêmes secteurs, avec prudence et maturité.  À la suite à la parution de cette lettre dans La Presse, j'ai reçu un appel du directeur de la police de Laval pour m'exprimer sa profonde désolation et m'offrir sa plus grande collaboration... Depuis ce temps, mon fils n'a plus été arrêté... Est-ce le hasard ou un message passé à l'interne mettant une lumière rouge sur les plaques d'immatriculations de nos véhicules? Je vous laisse faire vos propres déductions...

Raymond Gravel

Prêtre et animateur spirituel des policiers de Laval.



PLUS OUVERTS AUX IMMIGRANTS



Depuis plus de 15 ans, je suis animateur spirituel des policiers de Laval. Je les rencontre régulièrement sur leurs lieux de travail, dans les assemblées syndicales, dans les célébrations de mariage, de funérailles ou de baptême dans leur famille, et jamais je n'ai rencontré un policier ou une policière qui aurait fait preuve de racisme ou de discrimination à l'endroit d'un membre d'une communauté ethnique. Au contraire, en discutant avec eux, je me suis rendu compte qu'ils sont beaucoup plus ouverts aux immigrants que la majorité de la population du Québec. Alors pourquoi y a-t-il de ces drames qui surviennent comme dans l'affaire Mohammadi, ce sans-abri tué par des agents de la police de Montréal, au métro Bonaventure, la semaine dernière? Je pense qu'on oublie facilement que le travail d'un policier est d'intervenir dans des situations difficiles, souvent extrêmes, où des personnes en crise perdent complètement leur repaire et deviennent dangereuses. non seulement pour les gens qui les entourent, mais aussi pour les policiers eux-mêmes. Les agents de police ont beau avoir reçu une formation adéquate pour ce genre d'intervention, il n'en demeure pas moins qu'il y a toujours des situations imprévisibles où ils ont une fraction de seconde pour décider du mode d'intervention à utiliser. Et comme ce sont des êtres humains, il arrive souvent que la mort est au rendez-vous. Mais pourquoi ces événements dramatiques concernent davantage des hommes issus d'autres communautés culturelles?  C'est une question de pauvreté matérielle et sociale qui touche davantage les immigrants venus s'établir ici. Qu'on le veuille ou non, le Québec est une terre d'accueil pour les étrangers; cependant, on ne favorise vraiment pas leur intégration et leur développement, de telle sorte qu'il s'en trouve beaucoup, laissés à eux-mêmes, incapables de subvenir à leurs besoins de base...et c'est malheureusement les policiers qui doivent intervenir. Les policiers ne font pas de profilage raciale; ils écopent tout simplement des lacunes de notre société dite d'accueil.

Raymond Gravel

Jana Havrankova

Endocrinologue.



LES FACTEURS DE RISQUE



Le profilage racial est évidemment à proscrire. Mais avant de condamner les policiers qui interpellent plus de Noirs que de Blancs, laissez-moi utiliser une analogie avec la pratique médicale. Si le médecin procède au dépistage du diabète chez une personne obèse et sédentaire avec une histoire familiale de diabète, il se fie aux facteurs de risque. Cela est certainement justifié: le risque de diabète est plus élevé chez cette personne que chez un individu actif, mince, sans histoire familiale de diabète. Il semblerait que la délinquance et la criminalité soient plus élevées chez les Noirs que chez les Blancs, bien qu'il soit très difficile d'obtenir les données à ce sujet. Si cela est vrai, on pourrait conclure que les policiers interpellent les personnes en se fiant aux facteurs de risque. Malheureusement, on peut assister à la création d'un cercle vicieux: les Noirs étant plus stigmatisés deviennent plus rebelles. Bien entendu, il convient d'agir en amont : mettre en oeuvre une prévention efficace de la délinquance et de la criminalité, particulièrement chez les populations à risque. Avant de me tomber dessus, souvenez-vous qu'il s'agit ici d'un débat!



Jana Havrankova

Léo Bureau-Blouin

Président de la Fédération étudiante collégiale du Québec. 



LE FRUIT DE PRÉJUGÉS



«Non seulement les Noirs sont-ils plus surveillés et interpellés que les Blancs, mais ils le sont pour des motifs plus banals.» Cet extrait ne provient pas d'un livre d'histoire des années 1950, mais plutôt d'un rapport effectué en 2011 par la Commission des droits de la personne sur le profilage racial au Québec. Toujours sur le même sujet, une étude de Léonel Bernard et Christopher Mcall révèle que sur l'île de Montréal, les Noirs ont 2,5 fois plus de chance de se faire arrêter que les Blancs et 4,2 fois plus de chance de se faire interpeller. Pire encore, le Haut commissariat aux droits de l'Homme de l'ONU a ouvert une enquête sur le profilage racial à Montréal-Nord en octobre 2009. Donc, y a-t-il du profilage racial à Montréal? Oui. Le profilage existe et est le fruit de préjugés à l'égard de certains groupes ethniques. Une fois ce triste constat effectué, il faut sortir du déni et mieux outiller les corps policiers pour que ceux-ci assurent la sécurité sans pour autant agir de manière discriminatoire. L'inclusion d'un plus grand nombre de policiers issus de communautés culturelles serait un pas dans la bonne direction. Il s'agit d'une problématique certes complexe, mais une société se voulant libre et démocratique doit y remédier.

Caroline Moreno

Écrivain et comédienne.



VICTIMES DES STATISTIQUES?



Une étude de Statistique Canada indique que la criminalité est davantage présente à Montréal dans les populations défavorisées économiquement et moins scolarisées, dont celles des nouveaux immigrants. Des chercheurs ont établi que les jeunes impliqués dans les gangs de rue sont souvent issus des communautés culturelles les plus récemment installées au Québec. Dès lors, on peut se demander si les policiers font preuve de discrimination raciale ou s'ils sont victimes des statistiques. Quoi qu'il en soit, la prévention passe par l'éducation, ce qui vaut pour tout le monde.

Jean Bottari

Préposé aux bénéficiaires.

DES STÉRÉOTYPES À ÉLIMINER



Le profilage racial existe bel et bien à Montréal. Le SPVM, qui se targue de compter plusieurs ethnies dans ses rangs, devrait former ses policiers blancs et leur faire comprendre qu'une personne de race noire au volant d'une Mercedes ou une BMW n'est pas forcément un criminel. Il serait intéressant de connaître les statistiques en matière de vérifications au hasard effectuées par les policiers du SPVM vis-à-vis la communauté noire et de comparer les chiffres face aux mêmes interceptions sur des males caucasiens. Je suis à peu près certain que les résultats seraient inquiétants. Le policiers ne sont-ils pas le reflet de notre société? Combien de fois entendons-nous encore des propos racistes envers les Noirs dans notre quotidien? Souvent, des patients me disent je n'aime pas telle ou telle personne. Je leur demande pourquoi. Leur réponse: je ne l'aime pas parce que elle est noire. Réponse courante surtout de la part d'une clientèle plus âgée pour qui les stéréotypes sont bien ancrés depuis toujours. Étant d'origine italienne, je peux comprendre ce que vivent certains immigrants québécois. Plus jeune je me faisais souvent dire de retourner dans mon pays. Je ne comprenais plus rien car mon pays c'est le Canada. Je suis né au Québec. On m'interpellait aussi en disant que j'étais un spaghetti ou encore que tous les Italiens fouillaient dans les poubelles. Pire encore, mon père qui travaillait dur six jours semaine était, selon les autres jeunes un voleur de job. Le jeunes qui me traitaient de cette façon se voyaient inculqués ses stéréotypes portant sur les italiens par leurs parents qui eux manquaient visiblement de connaissances et par dessus tout de compassion envers les immigrants italiens qui ont contribué à façonner le Québec d'aujourd'hui. Je suis encore à ce jour victime à l'occasion de propos racistes concernant mes origines. Le racisme à notre égard s'estompe avec le temps. Malheureusement, pour les Haïtiens en particulier, il leur faudra attendre quelques années encore avant que des Québécois de souche, incluant les policiers, comprennent qu'ils ne sont pas tous des membres de gang de rue ou des malfrats. Notre société, via le système scolaire, devrait contribuer à mieux éduquer, dès le plus jeune âge, nos enfants afin d'éliminer les stéréotypes entretenus envers les immigrants qui, pour la plupart, sont à la recherche d'une vie meilleure tout en contribuant à l'épanouissement de la collectivité québécoise.

Mélanie Dugré

Avocate.



CONSTERNANTE COÏNCIDENCE



La troublante histoire de M. Cléophat, trouvant écho dans de nombreux autres témoignages et dans le sévère rapport de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, nous permet de mettre en doute la légitimité de certaines interventions des policiers et de soupçonner ces derniers d'agir sur la foi de perceptions et de préjugés. Dans une société libre et démocratique comme la nôtre où les droits fondamentaux des individus occupent une place prépondérante, l'apparence de justice est en soi plus déterminante que la justice elle-même quant à la confiance qu'accorderont les citoyens aux institutions et à l'autorité. En ce moment, les apparences jouent contre les forces de l'ordre et ce, même si les policiers et policières qui en sont membres sont compétents et qualifiés. Mais l'enfer est pavé de bonnes intentions et à défaut de revoir ses méthodes et procédures, la police pourrait mettre son intégrité en péril. Faute avouée à demi pardonnée, dit-on. Le Service de police de la ville de Montréal a admis que le profilage racial existe dans ses rangs et se dit prêt à s'attaquer au problème. Espérons maintenant que ce ne sera pas qu'un voeu pieux.

Mélanie Dugré

Denis Boucher

Associé au sein d'un cabinet de relations publiques.

IL NE FAUT PAS GÉNÉRALISER



Les policiers sont des membres de notre société. Ils ne vivent pas en marge et, en ce sens, sont sujets aux mêmes tares que le reste de la collectivité. Ainsi, il se trouve certainement au sein des corps policiers des racistes, des sexistes, des idéalistes, des répressifs, etc. Le rôle des dirigeants des corps policiers est de s'assurer que ceux qui sont chargés de faire respecter la loi, le font de manière équitable, impartiale et juste. Règle générale, le travail des policiers répond à ces critères. Malheureusement, il arrive quelques fois des bavures, des erreurs volontaires ou involontaires. Évidemment, la grande différence est que les policiers sont armés et lorsqu'il y erreur, elle a souvent de graves conséquences. Le profilage racial est certainement une pratique de certains policiers mais pas nécessairement de l'ensemble des policiers. Tout comme certains policiers donnent davantage de contraventions salées aux conducteurs de voitures de luxe et moins aux jolies femmes (aux beaux garçons dans le cas des policières). Ne devant jamais abandonner notre idéal de justice, nous devons nécessairement voir à ce que les éléments et comportements indésirables au sein des forces policières soient identifiés, condamnés et corrigés. De là à généraliser et accuser l'ensemble des membres des forces policières, il y a un pas à faire qu'il ne faut pas franchir.

Denis Boucher