Avec son nouveau chef Daniel Paillé, le Bloc québécois pourra-t-il se relever? Le parti souverainiste a-t-il encore un avenir à Ottawa?

Avec son nouveau chef Daniel Paillé, le Bloc québécois pourra-t-il se relever? Le parti souverainiste a-t-il encore un avenir à Ottawa?

LES COMMENTAIRES DOIVENT ÊTRE SIGNÉS. MAXIMUM DE 150 MOTS.

Robert Asselin

Directeur associé de l'École supérieure d'affaires publiques et internationales.



UNE CURIEUSE STRATÉGIE



À court terme, il est difficile de concevoir de quelle façon le Bloc pourrait se relever de la raclée du 2 mai dernier. Daniel Paillé est probablement assez connu dans les milieux souverainistes, mais ce matin, à l'annonce de sa victoire à la direction du Bloc,  il est, pour une grande majorité de Québécois, un parfait inconnu.  Il a beau avoir une feuille de route très respectable et avoir été ministre sous Jacques Parizeau et Lucien Bouchard, on ne peut pas dire qu'il perce l'écran par son charisme et ses talents de tribun. Le nouveau leitmotiv qu'il a énoncé dans son discours de dimanche est, sur le plan stratégique, assez curieux.  Le Bloc québécois ne serait dorénavant qu'un instrument totalement dédié à accomplir la souveraineté. Au moment même où le PQ souffre d'une anémie sévère et que de moins de moins de Québécois veulent entendre parler de velléités référendaires, on a peine à imaginer en vertu de quelle logique ces derniers voudraient envoyer à Ottawa des émissaires souverainistes. Il serait par ailleurs hasardeux et présomptueux d'écrire la nécrologie du Bloc, comme celle du PLC, avant que l'on connaisse l'identité du prochain chef du NPD et qu'on puisse réellement voir si l'engouement des Québécois  envers le NPD perdurera dans l'ère post-Layton. Ce que nous sommes à peu près certain, c'est qu'ils voudront appuyer en grande majorité un parti qui ne sera pas celui des conservateurs de Stephen Harper.  Mais dans le vacuum politique actuel, bien malin celui qui peut prédire ce qui arrivera aux élections fédérales de 2015.

Robert Asselin

Guy Ferland

Professeur de philosophie au collège Lionel-Groulx de Sainte-Thérèse.



LE PHÉNIX D'OTTAWA



Qui peut défendre adéquatement les valeurs des Québécois au parlement fédéral? Sûrement pas le Parti conservateur au pouvoir actuellement. Le NPD ne semble pas en mesure de s'affirmer devant un parti majoritaire aguerri qui impose sa loi sans vergogne. Le Parti libéral ne pourra jamais redevenir crédible dans la Belle province. Reste le Bloc, pratiquement balayé aux dernières élections, mais qui a su défendre les intérêts et les valeurs des Québécois dans le passé, même si son option souverainiste n'a plus le vent dans les voiles. Bref, plus que jamais, la pertinence du Bloc québécois s'impose devant un gouvernement arrogant et déconnecté des valeurs des Québécois. Une présence forte à Ottawa d'une délégation d'indépendantistes impose le respect au reste du pays. Daniel Paillé n'a qu'à bien réorganiser la machine électorale de son parti et réanimer la foi inébranlable de la base pour reprendre le terrain perdu aux dernières élections. Stephen Harper souffle sur les braises du feu indépendantiste qui n'attend qu'une flamme pour s'embraser. Tel un phénix, le Bloc pourra renaître de ses cendres encore fumantes pour défendre les intérêts fondamentaux du Québec et les valeurs plus socialistes des Québécois à Ottawa.

Richard Vigneault

Consultant en communication et membre de l'Idée fédérale.



SANS ISSUE



Le chroniqueur Vincent Marissal résume fort bien dans La Presse de lundi la situation quasi sans issue devant laquelle se trouve le nouveau chef du Bloc québécois: une défaite historique, une maigre représentation de quatre élus, une désertion des militants, un chef sans siège à Ottawa, une cause souverainiste qui n'arrive plus à mobiliser, un parti frère, le Parti québécois, empêtré dans des dissensions internes et menacé de marginalisation par François Legault. Mais, autre problème et non des moindres, Daniel Paillé est aussi chef d'un parti qui n'a jamais manifesté la plus petite ambition de gouverner et d'assumer les responsabilités qui viennent avec cette ambition. C'est ainsi que depuis le début de son existence et pour l'éternité, le Bloc québécois s'est endormi dans le confort de l'opposition de Sa Majesté, en tentant désespérément de convaincre les Québécois que tout gouvernement fédéral, peu importe sa couleur, n'a qu'un seul but, opprimer le Québec. Manifestement, les Québécois ne suivent plus et ont fait comprendre au Bloc, le 2 mai dernier, que la surconsommation de valium ne mène nulle part. Daniel Paillé a lui-même confirmé après sa victoire que sa mission essentielle consisterait à démontrer que ni Stephen Harper, ni le NPD  ne représentent les valeurs chères aux Québécois.  Autrement dit, M. Paillé annonce que le programme du nouveau Bloc sera pareil à l'ancien, c'est-à-dire dénigrer sans jamais avoir à se mouiller. Sur ce terrain glissant, le charisme indéniable de Gilles Duceppe a permis que ça dure un certain temps. M. Paillé va avoir la tâche moins facile.

Raymond Gravel

Prêtre dans le diocèse de Joliette et ancien député du Bloc québécois.



LA SOUVERAINETÉ PLUS VIVANTE QUE JAMAIS!



J'étais là dimanche au moment où Daniel Paillé a été élu président du Bloc québécois. Son discours d'introduction était tout à fait à point. Il faut bien reconnaître que le Bloc québécois a vécu des heures difficiles le 2 mai dernier, avec l'élection de seulement quatre députés. Ce résultat n'est pas représentatif du Québec, puisqu'il y a un pourcentage important de citoyens qui vivent ici et qui croient réellement que le fédéralisme canadien ne correspond plus aux aspirations et aux valeurs québécoises. Trop habitués à voir leurs députés à Ottawa, les Québécois ont voulu faire changement; en élisant un parti fédéraliste dans lequel ils se reconnaissent quant aux valeurs sociales qu'il défend, ils ont voulu, en même temps, faire obstacle à la majorité du gouvernement conservateur pour lequel ils n'ont aucune affinité. Malheureusement, il faut bien se rendre à l'évidence que le Québec d'aujourd'hui ne pèse pas lourd dans la balance canadienne, et que, tôt ou tard, les Québécois éliront à nouveau des femmes et des hommes qui sauront les défendre à Ottawa, tant et aussi longtemps que le Québec fera partie de la fédération canadienne. La vie est faite de haut et de bas, de défaite et de victoire, de mort et de vie. En disant que le Bloc Québécois devait se relever, le nouveau président du parti nous a tous invités à travailler fort sur le terrain, afin de convaincre les gens que l'option souverainiste est la seule alternative, pour nous affirmer comme peuple et pour sauvegarder nos valeurs et notre dignité québécoise. Daniel Paillé est de la trempe de Gilles Duceppe. Pour moi qui suis prêtre et bibliste, son discours d'intronisation avait une consonance évangélique : le verbe relever, en grec, est le même que ressusciter. Nous avons donc du pain sur la planche, car le dimanche de Pâques est toujours précédé par le Vendredi Saint...Mais il ne faut pas désespérer, puisque la mort débouche nécessairement sur la Vie.

Raymond Gravel

Nestor Turcotte

Théologien et philosophe.



APPELÉ À DISPARAÎTRE



Les indépendantistes ont toujours clamé que l'indépendance allait se réaliser sur le territoire du Québec. Il est donc inconvenant que ces derniers aillent oeuvrer à l'extérieur, dans un autre Parlement. Le Bloc québécois devait être éphémère. Le temps du référendum annoncé par Jacques Parizeau. Parole de Lucien Bouchard. Il n'a donc pas respecté sa «parole»  en restant à Ottawa. Il a profité de certaines circonstances pour se faire réélire plusieurs fois, particulièrement en misant sur le scandale des commandites. Le Bloc québécois a changé sa mission. Il s'est métamorphosé en champion défenseur des intérêts du Québec. La recette ne fonctionne plus. Daniel Paillé croit pouvoir parler de l'indépendance du Québec à Ottawa alors qu'au Québec, Pauline Marois n'ose même pas prononcé le mot. Une autre métamorphose. Ce parti n'a plus sa raison d'être. D'autant plus que le prochain scrutin risque de mettre rapidement fin à ses jours si le PQ disparaît à son tour de la carte politique du Québec. Le Bloc et le PQ sont tous les deux appelés à disparaître. Si l'indépendance du Québec doit se faire au cours des prochaines années, elle se fera à partir de partis déjà implantés au Québec ou en voie d'apparaître. Enfin, une cause qui n'a pas de direction bien déterminée, décimée dans deux factions, oeuvrant sur des terrains différents, risque de semer la division dans les troupes. Le Bloc aurait dû se dissoudre après le dernier scrutin fédéral. Il est sous respirateur artificiel. Les militants l'ont signifié dimanche en n'exprimant pas leur choix. Plus des deux tiers n'ont même pas pris la peine d'envoyer, par la poste, leur préférence.

PHOTO TIRÉE DU SITE WEB DE NESTOR TURCOTTE

Nestor Turcotte.

Pierre Simard

Professeur à L'ENAP à Québec.



LONGUE TRAVERSÉE DU DÉSERT



Eh bien, Daniel Paillé ne manque pas d'enthousiasme! Hier, dans son discours de remerciement, il déclarait que «le Bloc est toujours vivant» et que «personne ne peut arrêter notre marche vers notre réélection et vers la souveraineté». Je ne voudrais pas faire mon rabat-joie, mais le Bloc ne pète quand même pas de santé. Quant à sa marche vers la souveraineté, elle s'apparente à une longue - voire une très longue - traversée du désert.  Avec quatre députés élus, peu de ressources financières et une visibilité réduite à la Chambre des communes, le Bloc doit nécessairement entreprendre un vaste processus de réflexion sur sa manière de faire de la politique. S'il aspire à retrouver son lustre d'antan, il devra notamment réinventer son «pitch de vente» de la souveraineté. Les Québécois sont de plus en plus nombreux à rejeter ce nationalisme qui cherche obstinément à nous imposer un État québécois toujours plus important, interventionniste et répressif. Une lueur d'espoir pour M. Paillé? L'élection de mai aura purgé le Bloc de la plupart de ses politiciens professionnels dont l'agenda se limitait à nous répéter sans cesse le petit catéchisme du nationalisme québécois. Le défi? Réussir à contrôler la horde de «belles-mères» encroûtées dans un nationalisme d'une autre époque.

Pierre Simard

Denis Boucher

Associé au sein d'un cabinet de relations publiques.



SUR LE RESPIRATEUR ARTIFICIEL



La course à la direction du Bloc québécois a suscité autant d'enthousiasme et d'intérêt auprès des Québécois qu'une partie de curling. Ce qui n'est pas rendre justice au curling. Avec un tel élan de passion, on peut déjà imaginer ce qui s'en vient. Évidemment, si le chef continue à distribuer les épithètes et les insultes comme il l'a fait après seulement quelques minutes à son poste, il réussira peut-être à attirer l'attention mais certainement pas pour les bonnes raisons. Des partis avec une historique aussi longue que celui du Parti progressiste-conservateur et du Crédit social n'ont pas réussi à se remettre des défaites cuisantes que leur a fait subir l'électorat. Depuis sa fondation en 1991, le Bloc québécois n'a aucune réalisation à son actif, aucune loi, aucune mesure sociale ou économique. Pour tenter de retrouver la faveur de l'électorat, le Bloc n'a que des dettes et un nouveau chef qui, malheureusement, sera comparé à Lucien Bouchard et Gilles Duceppe et dont les premières sorties publiques ne laissent pas présager le meilleur. Depuis l'élection de juin 2004, on a constaté que le Bloc était en perte de vitesse malgré la réticence des Québécois envers Stephen Harper et Stéphane Dion. Le décès prématuré de M. Layton a fait en sorte que les Québécois ont perdu l'homme pour qui ils avaient voté. Il ne faut toutefois pas conclure que les Québécois retourneront à grands pas vers le Bloc. Le temps nous le dira mais le Bloc est sur le respirateur artificiel et même l'opération de la fin de semaine ne semble pas y avoir rien changé.

Denis Boucher

Jean Gouin

Directeur général de la Fédération des médecins résidents du Québec.



VIVRE L'AVENTURE FÉDÉRALE AUTREMENT



Si le Bloc québécois a presque disparu de nos écrans radar à la suite des dernières élections fédérales, ce n'est pas nécessairement à cause de son chef qui savait s'imposer en Chambre, mais davantage en raison des discours à sens unique et des récriminations sans cesse répétées du Bloc québécois. La population québécoise voulait vivre l'aventure fédérale autrement et elle s'est fait un point d'honneur de faire les changements qui s'imposaient. Le Bloc québécois est entièrement lié au Parti québécois et, quand l'un souffre, l'autre écope. Peu importe qui est à la tête d'un parti politique, c'est le climat politique du moment qui dicte le comportement des électeurs. Ainsi, si l'économie vacille, personne ne veut entendre parler de souveraineté-association et encore moins de référendum. La population veut savoir ce qu'on lui réserve, si du travail il y aura, et si chacun de nous sera en mesure de joindre les deux bouts. Daniel Paillé est une personne sensée. Il a une expérience politique plus que valable. Il fut ministre sous Jacques Parizeau et est un économiste de formation. Il possède donc le bagage nécessaire pour mener les destinées du Bloc québécois. Maintenant, saura-t-il redonner de la vigueur à un parti presque moribond ? Possiblement. Tout dépendra de son approche. Le travail qu'il aura à abattre sera énorme pour rendre ses lettres de noblesse à un parti souverainiste qui milite sur la scène fédérale. Personnellement, j'en doute, car les Québécois sont passés à autre chose.

Jean Gouin

Caroline Moreno

Écrivain et comédienne.



TROIS PELÉS ET UN TONDU



Les chefs se succèdent et se ressemblent. Les bloquistes, qui n'ont rien à perdre puisqu'ils ont tout perdu, auraient pu saisir l'occasion d'élire Maria Mourani, députée à la Chambre des communes depuis 2006, réputée pour son franc-parler et son dynamisme. De toute manière, la place des politiciens québécois est au Québec. Siéger au Parlement canadien revient à prêcher dans un désert francophobe. Il faut en finir avec cette incongruité. Retournons à nos moutons!

Jean-Pierre Aubry

Économiste et fellow du CIRANO.



À CERTAINES CONDITIONS



Un parti politique dont les candidats sont dûment élus a toujours sa place à la Chambre des communes, en autant que ceux-ci sont prêts à suivre les règles parlementaires et à contribuer aux travaux parlementaires par la qualité de ses questions et de ses analyses. Est-ce que le Bloc québécois va dans l'avenir contribuer efficacement à l'avancée du projet d'indépendance du Québec? C'est une autre question. Je ne pense pas qu'il a nui à ce projet par le passé. Son apport a été fonction de la qualité de son analyse et du support de la population du Québec à ce projet et à sa présence à Ottawa. Cependant, avec la baisse du soutien populaire au Québec en faveur de cette option politique, sa contribution perd de sa force. À moins d'un revirement de situation dans ce domaine, il ne lui reste plus que d'avoir un impact par la qualité de son analyse.

Jean-Pierre Aubry

Jana Havrankova

Endocrinologue.



DANIEL PAILLÉ SE TROMPE DE VILLE



Avec Gilles Duceppe, les députés du Bloc à Ottawa défendaient les intérêts du Québec en attendant l'accès à la souveraineté qui, bien entendu, ne peut se décider qu'au Québec. Plusieurs électeurs, sans être souverainistes convaincus, se tournaient vers le Bloc pour exercer une pression sur le gouvernement fédéral. Avec Daniel Paillé, le Bloc se met ouvertement au service de l'indépendance. Sans doute, une telle attitude plaira à bien des membres du Bloc, mais qu'en est-il de la population? En dépit des bourdes énormes du gouvernement conservateur, l'appui à la souveraineté stagne autour de 40%. Il faut en conclure que la majorité des Québécois préfèrent demeurer au Canada malgré tout en espérant, peut-être, un changement de garde à Ottawa dans quelques années. Concrètement, comment le nouveau chef du Bloc entend-il promouvoir l'indépendance à Ottawa? Les quatre mousquetaires du Bloc, qui persistent encore au Parlement, vont-ils clamer que le Québec se séparera si le gouvernement fédéral les contrarie trop? Quelle crédibilité auront-ils? Quel dossier pourront-ils faire avancer?

Jana Havrankova