Le suicide de la jeune Marjorie Raymond a relancé la question de l'intimidation à l'école. Quelles mesures devrait-on prendre pour tenter d'enrayer ce phénomène qui sévit aussi sur les réseaux sociaux? Quelle responsabilité doivent assumer le gouvernement, les directions d'école, les professeurs, les parents et les élèves eux-mêmes?

Le suicide de la jeune Marjorie Raymond a relancé la question de l'intimidation à l'école. Quelles mesures devrait-on prendre pour tenter d'enrayer ce phénomène qui sévit aussi sur les réseaux sociaux? Quelle responsabilité doivent assumer le gouvernement, les directions d'école, les professeurs, les parents et les élèves eux-mêmes?

LES COMMENTAIRES DOIVENT ÊTRE SIGNÉS. MAXIMUM DE 150 MOTS.



Guy Ferland

Professeur de philosophie au collège Lionel-Groulx de Sainte-Thérèse.



ON EST TOUS DES LÂCHES

Aucune mesure ne pourra être véritablement efficace pour contrer l'intimidation à l'école tant que nous ne nous regarderons pas dans un miroir. Qui a le courage d'intervenir lorsqu'il voit du harcèlement ou de l'intimidation dans son milieu de vie ou au travail? Peu de personnes. Comme à l'école, on se replie sur soi ou l'on ne veut pas voir les bassesses d'un collègue à l'endroit d'un autre. On est tous responsables de l'intimidation à l'école comme ailleurs lorsqu'on ferme les yeux sur les agissements grossiers et le manque de respect des individus entre eux. On ne laisse plus une personne ivre prendre le volant. Pourquoi tolère-t-on souvent que les gens s'insultent et s'apostrophent en notre présence? Parce que c'est la vie qui est cruelle? Parce qu'il faut s'endurcir la peau? Parce qu'il ne faut pas être trop sensible aux remarques désobligeantes? L'école est un reflet de la société. Les enfants imitent les grands. On a beau prêcher la tolérance, l'acceptation des différences, l'accueil des étrangers, l'entraide, quand on ne met pas de l'avant ce que l'on dit, il est difficile de reprocher aux enfants de suivre l'exemple qui vient d'en haut. Des modèles de respect de soi et des autres, voilà ce qui manque cruellement pour éduquer les jeunes au savoir vivre ensemble. Et ce, à l'école comme dans tout autre milieu de vie. Oui, en cas d'intimidation, nous devrions toujours intervenir rapidement avant que le harcèlement fissure à jamais la confiance en soi de celui qui en est victime.

Mélanie Dugré

Avocate et mère de trois enfants.



CESSONS D'IGNORER CE FLÉAU



Le suicide de cette belle jeune fille qui avait la vie devant elle est d'une tristesse infinie et je crois que nous devons tous, collectivement, en assumer la responsabilité. Il est désolant et révoltant de devoir admettre que notre société est incapable de prévenir pareille tragédie. Une fois le constat de ce terrible échec posé, que fait-on? D'abord, on cesse d'ignorer le fléau de l'intimidation comme on cache la poussière sous le tapis en espérant qu'elle disparaisse. Ensuite, on reconnaît que le problème a atteint une telle ampleur que même les individus en autorité auprès des jeunes craignent l'intimidation dont ils sont eux-mêmes abondamment victimes sur les réseaux sociaux, ce qui peut expliquer que le problème soit souvent ignoré et que les interventions manquent de conviction. Il est fondamental d'offrir aux équipes sur le terrain scolaire des outils efficaces pour lutter et sévir contre l'intimidation. Il faut que ces gestes soient ouvertement condamnés et sanctionnés aussi sévèrement que la violence physique. Mais surtout, il est essentiel de se responsabiliser comme parents et de faire de la lutte contre l'intimidation une priorité familiale. C'est à nous que revient le devoir d'aider nos enfants à se bâtir une estime personnelle qui leur permettra de ne jamais tolérer l'intimidation.  Et c'est aussi nous qui devons leur apprendre que chaque être humain est unique et qu'aucun ne mérite de subir, de souffrir, ou de mourir, d'intimidation.

Mélanie Dugré

Nestor Turcotte

Philosophe et théologien.



L'INTIMIDATION GÉNÉRALISÉE



À l'école, certains jeunes prennent souvent un plaisir diabolique à écraser, à détruire, à humilier celui qui est déjà à terre. Ils le piétinent, l'affublent de tous les mots, le provoquent, l'intimident, surtout lors des moments de récréation. Ils utilisent un langage vulgaire, destructeur, démoralisateur, et leur mépris, leur sourire narquois, leurs gestes répétitifs ne font que masquer leur immaturité, leur soif de dominer, d'écraser, de détruire, de faire ch... le plus faible, le plus incapable de se défendre. Que faut-il faire? L'éducateur et les parents doivent dépister rapidement l'enfant timide. Les jeunes qui en côtoient doivent savoir que le plus faible dans un groupe n'a que faire de la moquerie, de la domination effrénée de la gang. En regardant les nouvelles le soir, à la télé, j'ai l'impression que l'intimidation se pratique à un très haut niveau. Les politiciens s'intimident entre eux. Les téléromans véhiculent le même message. Les films se surpassent en ce domaine. L'addition d'argent ne changera pas le climat. Doit-on s'étonner de voir, dans la cour d'école, certains jeunes  qui transposent ce qu'ils aperçoivent dans le monde adulte? Pas du tout. Paul Piché, dans sa chanson L'escalier affirme que les jeunes font «tout ce qu'on leur apprend». Et si notre miroir était craquelé, au point que les jeunes ne voient plus devant eux aucun modèle qui pourrait les enthousiasmer?

PHOTO TIRÉE DU SITE WEB DE NESTOR TURCOTTE

Nestor Turcotte.

Jean Gouin

Directeur général de la Fédération des médecins résidents du Québec.



TOLÉRANCE ZÉRO

L'intimidation est un phénomène largement répandu qui ne date pas d'hier. Pourquoi nous faut-il toujours, comme société, attendre le drame avant de réagir et d'agir ? On a vu des jeunes quitter leur milieu et leur famille parce qu'ils n'en pouvaient plus d'être le souffre-douleur de leurs camarades de classe. La récente agression à l'arme blanche qui s'est déroulée à Louiseville n'a pas semblé nous ébranler outre mesure et est déjà chose du passé. Et maintenant que nous faisons face au suicide de la jeune Marjorie Raymond, la société semble sortir de sa torpeur et les promesses fusent. On a la situation bien en main, disent les autorités. Certainement que vous l'avez. Mais, que faites-vous pour enrayer ce phénomène, du moins dans nos institutions scolaires? Excusez-moi, je deviens ironique et très cynique face aux autorités scolaires. Tolérance zéro, c'est l'engagement qui devrait être pris maintenant. Pas besoin de comité ou d'états généraux pour chercher le pourquoi du comment, pour nous dire que l'on s'attaquera fermement à cette plaie qu'est l'intimidation au niveau de nos institutions et des maisons d'enseignement. Je le répète, pour moi, c'est tolérance zéro. On doit réserver, dans tous les cours, des périodes pour informer les étudiants sur les ravages et les conséquences de ce fléau, si ce n'est déjà fait. On doit montrer à nos enfants le respect de l'autre, l'entraide. On doit développer le sentiment d'appartenance à son institution. On doit faire savoir à ceux et celles qui pratiquent l'intimidation à grande échelle qu'ils seront sévèrement punis. Et l'on doit surtout le faire en étroite collaboration avec les parents. Il est maintenant plus que temps d'agir. L'intimidation, c'est inacceptable et c'est notre affaire à tous.

Jean Gouin

Jana Havrankova

Endocrinologue.



INTOLÉRABLE



Personne ne devrait jamais intimider personne. Je crois que nous tolérons trop facilement la violence verbale ou physique entre les jeunes en particulier. Personne n'ose intervenir en entendant les jeunes se crier des insultes ou en les voyant se bagarrer. Ceux qui assistent aux expressions d'intolérance : enseignants, surveillants, parents, autres élèves, devraient pouvoir dénoncer immédiatement ces agissements. Les coupables devraient être punis de manière conséquente. Une suspension de l'école, est-ce une punition ou une récompense pour ce genre d'individus? Par ailleurs, qu'a-t-on fait dans avec les 17 millions alloués par le gouvernement pour 2008-2011 afin de prévenir et traiter la violence à l'école? Y a-t-il dans chaque établissement scolaire une personne responsable à qui un témoin d'intimidation pourrait s'adresser facilement? Toutefois, l'argent n'arrange pas tout et c'est trop facile de blâmer le gouvernement. Il faut développer une culture générale qui n'accepte pas l'intimidation. Dès le plus jeune âge, dans les familles, les garderies et les écoles, il faut refuser que les enfants se servent de la violence physique ou verbale pour résoudre leurs différends ou pour s'imposer au sein du groupe. Non seulement pourrait-on éviter des situations tragiques, comme les suicides, mais on rendrait notre société plus conviviale.

Jana Havrankova

Francine Laplante

Femme d'affaires et mère de cinq enfants.



LE RÔLE DES PARENTS



Je crois que les premiers intervenants, ceux qui sont vraiment susceptibles de faire la différence auprès des enfants intimidateurs... sont leurs parents. Alors, si la société a un rôle à jouer, c'est de redonner au plus vite un sens significatif au rôle de parent! Les intimidateurs, comme les intimidés, ont des parents dont le rôle est justement d'inculquer les règles de base du respect à leurs enfants dès le plus jeune âge. C'est le rôle des parents d'enseigner aux enfants les limites à ne pas franchir. Nous vivons malheureusement à une époque où les enfants sont rois, où tout leur est permis, même les pires écarts de langage et de comportement, sous prétexte que l'enfant a le droit de s'exprimer... Nos enfants reproduisant ce qui leur a été inculqué et montré au quotidien, il est urgent de redonner à nos enfants des valeurs de base, de les encadrer, d'exiger d'eux des comportements acceptables, mais pour y arriver leurs parents doivent reprendre le contrôle de leur rôle de base! Bien sûr, les gouvernements pourraient en faire plus, comme les directions d'école et les professeurs, mais arrêtons de pelleter nos problèmes dans la cour du voisin et ayons au moins la décence de faire notre introspection de parents! Un enfant qui vit dans le jugement apprendra à juger, mais un enfant qui vit dans le respect apprendra à respecter!

François Bonnardel

Député adéquiste de Shefford.



RESPONSABILITÉ PARTAGÉE



Lutter contre l'intimidation est une responsabilité partagée: tant le personnel des écoles que les parents et les élèves ont la responsabilité d'améliorer le milieu de vie qu'est une école. Avec le développement des réseaux sociaux sur le Web, nous devons également nous attaquer à l'intimidation en dehors du seul cadre scolaire. Il faut bien entendu intervenir auprès des élèves intimidateurs, mais il ne faut surtout pas oublier les victimes. Prévenir l'intimidation et en atténuer les conséquences chez les victimes représentent un double défi que nous devons relever pour  nos enfants. L'événement tragique qui fait les manchettes cette semaine doit aussi nous interpeller sur notre taux de suicide encore trop élevé. Par rapport aux autres états industrialisés, le Québec accuse toujours un retard qu'il nous faut rattraper.  Chaque année, c'est plus de 1000 hommes et femmes vivant des situations difficiles qui mettent fin à leur jour. À chaque fois, il s'agit d'un drame évitable et l'ensemble de la société québécoise doit se mobiliser sur cette question.

photo archives La Voix de l'Est

François Bonnardel