Le nouveau pont Champlain devrait-il être construit en partenariat public-privé (PPP)?

Le nouveau pont Champlain devrait-il être construit en partenariat public-privé (PPP)?

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Jean-Pierre Aubry

Économiste et fellow associé au CIRANO

UN BON CHOIX, À CERTAINES CONDITIONS

Le projet de la construction et de l'entretien du nouveau pont Champlain se prête très bien au mode PPP, ce qui, en passant, n'est pas le cas pour tous les grands projets de nos infrastructures collectives. L'utilisation du mode PPP pour ce projet ne devra pas se faire, à tout prix, sans que certaines conditions de base soient remplies. Il faudra qu'il y ait, lors des appels d'offres, un nombre suffisant d'entreprises (ou consortiums) de qualité.  Un nombre de deux entreprises de qualité est insuffisant. Un nombre de trois entreprises me semble même trop faible. Je suis plus confortable avec un nombre minimum de quatre entreprises.  Il serait également souhaitable que l'on permette à des entreprises étrangères d'être parmi les soumissionnaires.  Je préfère aussi que l'entreprise qui décrochera ce contrat soit payée directement par le gouvernement et non via des entrées de fonds venant de la mise en place d'un système de péage qu'elle recevrait des usagers.  Il faut séparer les deux questions: construction et entretien versus péage. Je n'ai aucun problème à ce que le gouvernement finance une grande partie des coûts de construction si son coût d'emprunt est sensiblement inférieur à celui de l'entreprise choisie. Finalement, il me semble important que la gouvernement fédéral cherche sérieusement à définir les composantes de ce projet par le biais de consultations avec les diverses administrations publiques qui sont conjointement responsables de la qualité du réseau routier dans la grande région de Montréal.

Jean-Pierre Aubry

Pierre Simard

Professeur à l'ÉNAP

ET POURQUOI PAS?

Le gouvernement fédéral affirme avoir une préférence marquée pour un partenariat public-privé (PPP). Et pourquoi pas? Il a utilisé cette formule pour la construction du pont de la Confédération reliant l'Île-du-Prince-Édouard au Nouveau-Brunswick dans les années 1990. Cet ouvrage de 13 kilomètres a été conçu et construit par un consortium du secteur privé. Ce même consortium s'est vu confier l'entretien et l'exploitation du pont pour 35 ans, au terme duquel il le remettra aux autorités fédérales. D'ici là, les revenus de péage lui servent à l'exploiter et à l'entretenir. Le bilan? L'expérience s'est avérée positive : le pont a été construit dans les délais prévus et sans mauvaises surprises pour les contribuables. En préconisant cette formule, le gouvernement a pu partager avec le secteur privé les risques associés à la construction et à l'exploitation d'un équipement collectif de 1 milliard de dollars. Plusieurs dénoncent les PPP sous prétexte que l'entreprise privée n'y participe que pour faire de l'argent. C'est vrai! Je dirais même que c'est ce qu'on souhaite : c'est cette soif de profit qui, pour notre bénéfice mutuel, incitera les entreprises à être économes et efficaces dans la construction et l'exploitation du pont. N'est-ce pas mieux que de les voir s'activer à multiplier les gaspillages et à repousser les délais de réalisation pour obtenir des faveurs ou des rallonges contractuelles du gouvernement?

Pierre Simard

Richard Vigneault

Consultant en communication et membre de l'Idée fédérale

DÉBATTRE OU CONSTRUIRE!

Il est urgent de construire ce nouveau pont qui, rappelons-le, est le plus achalandé au Canada et représente une veine par laquelle transigent plus de 20 milliards de marchandises par année. Les rapports sur l'état du pont actuel sont alarmants. On se donne 10 ans, ce qui est déjà long pour le remplacer. Si tout le monde met son grain de sel,  les 10 prochaines années serviront non pas à se doter d'un nouveau pont, mais à débattre du type de structure, de son architecture, de son coût, de son éventuel péage, du nombre de voies, du transport en commun... et quoi encore? Le CHUM, le Casino, l'autoroute 30, la rue Notre-Dame... ça vous dit quelque chose? Quant au péage, il suffit de voir le niveau de nos impôts et nos taxes, le nombre de programmes financés par les contribuables et le montant de la dette publique pour se rendre compte qu'il faudra y venir.  Si on pense que le prix des infrastructures est élevé, il ne serait pas inutile de commencer à se demander si les débats et les désaccords interminables qui entourent nos grands projets ne sont pas responsables également de cette croissance des coûts.  Si ce pont devient politique, il va s'effondrer avant même d'être construit!

Adrien Pouliot

Président de Draco Capital inc., société d'investissement privée

LE PPP PLUS AVANTAGEUX

Un PPP générera normalement de meilleurs résultats pour le contribuable si le gouvernement gère bien l'appel d'offres. Dans un projet en mode conventionnel, le ministère embauche des ingénieurs et architectes pour faire les plans et devis. Ceux-ci sont rémunérés selon l'importance du projet. Ils n'ont pas d'incitatif à réduire le coût du projet, s'assurer que l'oeuvre durera ou que l'échéancier sera respecté. L'entrepreneur général retenu par le ministère a, quant à lui, un incitatif à charger des «extras» mais n'a pas d'incitatif financier à ce que l'oeuvre dure. Dans un PPP, le consortium soumissionnaire embauche d'abord les ingénieurs et les architectes. Ils se doivent de trouver la solution la moins coûteuse pour gagner la soumission mais, sachant qu'il sera propriétaire de l'ouvrage, le consortium veille à ce obtenir des plans pour un ouvrage qui va durer. Quant à l'entrepreneur, il sait que le consortium a un montant fixe pour la construction et que les « extras » ne lui seront pas remboursés.  Le consortium veut générer des revenus le plus tôt possible et il a donc intérêt à finaliser les travaux le plus tôt possible.  Enfin, le consortium ne cédera pas à la corruption car il joue avec son argent, pas celui du contribuable (si facile à donner contre des faveurs).

Adrien Pouliot

Jean Gouin

Directeur général de la Fédération des médecins résidents du Québec

PAS UNE PANACÉE

L'annonce que nous aurons un nouveau pont pour remplacer le pont Champlain vient à point nommé. Le pont Champlain permet au Québec d'avoir des échanges économiques avec son voisin du Sud qui, autrement, trouverait preneur chez notre compétiteur immédiat, l'Ontario. Tout comme le pont Champlain permet la libre circulation entre la Rive-Sud et l'Ile de Montréal. Au-delà de cette volonté annoncée d'ériger un nouveau pont, plusieurs interrogations se posent, notamment en ce qui concerne les coûts qu'engendrera la construction d'un tel ouvrage. Personne ne veut de dépassement des coûts, surtout à la suite des scandales et des collusions qui semblent être monnaie courante dans l'édifiant milieu de la construction. À savoir maintenant si les partenariats publics-privés (PPP) sont nécessaires pour éviter une surenchère des coûts une fois les contrats accordés, je suis loin d'en être certain. Ce que l'on veut, c'est un pont construit selon les normes de l'heure. Un pont qui fera une place prépondérante au transport public. Un pont qui saura résister le plus longtemps possible à l'usure du temps. Un pont qui nous permettra de développer davantage notre économie. Je n'emprunte pas le pont Champlain quotidiennement, mais j'accepterais que son utilisation soit payante, en autant que l'on sache capitaliser les deniers perçus, tout comme j'accepterais que l'on fasse de même lorsque l'on utilise sa voiture pour circuler à Montréal. Alors, si les PPP peuvent me garantir que l'on saura respecter les coûts, qu'il en soit ainsi. Mais, je suis loin d'être certain que les PPP constituent une panacée au respect intégral des coûts.

Jean Gouin