Le député Jean-Martin Aussant fonde un parti politique, Option nationale, qui lancera un «message clair» en faveur de la souveraineté. Croyez-vous que ce nouveau parti souverainiste pourrait réussir à s'imposer face au Parti québécois et à Québec solidaire? Contribuera-t-il à diviser le vote souverainiste aux prochaines élections?

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Antonin-Xavier Fournier

Professeur de science politique au cégep de Sherbrooke

LE RÉSULTAT D'UNE CRISE PROFONDE

La création d'une nouvelle formation politique ne changera que très peu la situation difficile dans laquelle se trouve le mouvement souverainiste. Le député Aussant pense que pour réaliser l'indépendance, il faut incarner le changement ce que, à l'évidence, le PQ ne réussit plus à faire. Dans cette perspective, il propose de recentrer l'action politique vers des gestes clairs qui permettront de rétablir la confiance des citoyens et de bâtir le pays du Québec. Ces propositions, même si elles sont intéressantes d'un point de vue démocratique, occultent les problèmes véritables du mouvement souverainiste. D'abord, le programme de gouvernance souverainiste n'est pas le fruit du hasard. Au contraire, il est le résultat d'une conjoncture politique peu favorable à la tenue d'un référendum. Les Québécois n'étant pas prêt à se prononcer sur leur avenir et les intentions de vote pour la souveraineté stagnant à 40%, il est difficile de croire que la démarche d'Option nationale changera cette dure réalité. Ensuite, les problèmes qui secouent les souverainistes sont le résultat d'une crise profonde du nationalisme québécois qui, depuis 1995, a perdu ses repères traditionnels que sont le sentiment de révolte et les crises nationales. Devant un tel tableau, il est peu probable que l'entreprise de M. Aussant soit un succès.

Richard Vigneault

Consultant en communication et membre de l'Idée fédérale

UN PARTI, C'EST PLUS QU'UNE STRATÉGIE

S'il avait fallu fonder un  parti à chaque dissidence au sein du Parti québécois, le directeur général des Élections du Québec serait fort occupé. On ne se souvient plus du nombre de stratégies et de tactiques associées à l'idée de vendre la souveraineté tellement elles ont été nombreuses.  S'il y a tant de divisions chez les souverainistes  avant la souveraineté, certains auront sans doute peur d'imaginer ce que ce serait après! On peut être d'accord avec M. Aussant pour souhaiter plus de clarté et éviter les astuces, les cages à homard, les partenariats hypothétiques avec le reste du Canada, la gouvernance souverainiste et les questions alambiquées. Voulez-vous que le Québec se sépare du Canada et forme un pays? Voilà une question claire. Certainement plus claire que les conséquences d'une réponse affirmative. Or sur ce genre de question claire, tous les sondages passés se sont conclus par un non retentissant. Des hommes de l'envergure de René Lévesque, Jacques Parizeau et Lucien Bouchard ont tous compris cela. Malgré le caractère légitime de l'option souverainiste, il semble qu'une majorité de Québécois ne veut pas avoir à choisir, que ça soit avec M. Aussant ou quelqu'un d'autre.

Caroline Moreno

Écrivain

DU NEUF  AVEC DU VIEUX

Corruption, collusion, privatisations, compressions: le Québec  a besoin d'oxygène! Cependant, la confiance entre la population et le Parti québécois est rompue. La chasse aux radicaux a vidé la formation  péquiste de sa substance et de ses membres. Par ailleurs, Québec solidaire  fait davantage figure de mouvement de gauche plutôt que de parti politique. Si Option nationale pouvait assurer au peuple québécois qu'elle déclarerait  l'indépendance sitôt élue, elle obtiendrait son adhésion. Par contre, si elle se contente de l'étiquette Parti  québécois amélioré, alors les gens s'abstiendront d'aller voter. Et le Québec continuera d'être gouverné tel le radeau de la méduse car, comme le  faisait valoir François Legault en 2009, on ne peut plus gérer le Québec à  la hauteur des attentes des Québécois avec seulement 40% de nos revenus. Il  nous faut 100 % de nos revenus et ça, ça s'appelle la souveraineté.

Léo Bureau-Blouin

Président de la Fédération étudiante collégiale du Québec

LE CHANGEMENT A LA COTE

Il ne suffit pas de créer un nouveau parti pour s'imposer dans l'arène politique. Encore faut-il avoir quelque chose à dire et savoir comment le dire. M. Aussant a des revendications claires par rapport à la question nationale, mais son parti devra aussi se doter d'un discours «clair» en matière d'éducation, de santé et de culture s'il veut rallier un nombre suffisant d'électeurs à sa cause. Additionné à une bonne stratégie de communication, M. Aussant pourra réagir aux différents enjeux du Québec et ainsi se faire connaître auprès de l'opinion publique. Il devra aussi montrer aux citoyens qu'il est à leur écoute et qu'il pourra incarner leur désir de changement. Est-ce que cela sera suffisant? Est-ce que M. Aussant réussira à démontrer en quoi il se distingue du Parti québécois et des autres partis ? Il est trop tôt pour le dire, mais le climat politique semble favorable aux  «nouveaux» joueurs. Plusieurs électeurs, dont de nombreux jeunes, se remettent en question et sont à l'écoute de nouvelles propositions. Cet électorat est en quête d'un leader. L'élection du 2 mai dernier et l'engouement pour François Legault nous l'ont prouvé. En somme, M. Aussant peut se tailler une place, mais cela dépend de sa capacité à assouvir la soif de changement des Québécois.

Raymond Gravel

Prêtre dans le diocèse de Joliette et ex-député bloquiste de Repentigny

OPTION NATIONALE... POURQUOI?

Y a-t-il quelqu'un qui peut parler à Jean-Martin Aussant? Il peut y avoir 50 partis souverainistes au Québec qui correspondent à toutes les tendances... mais ça donne quoi au juste? Tant et aussi longtemps que ce sont des fédéralistes au pouvoir, comment peut-on espérer faire la souveraineté du Québec? Un référendum organisé par une initiative populaire? Mais voyons donc! C'est faire de la pensée magique. Comment peut-on mobiliser une assez grande partie de la population pour obliger un gouvernement à faire un référendum? Le temps n'est pas à la division; il est à l'unité dans la diversité. M. Aussant croit-il à la démocratie? Si oui, comment se fait-il qu'il fonde un nouveau parti, puisque la majorité des souverainistes ont voté pour que Pauline Marois soit le chef de ce parti souverainiste qui peut accéder au pouvoir et faire un référendum? Moi non plus, je ne voulais pas d'une Pauline Marois à la tête du PQ. Par ailleurs, comme la majorité ont voté pour elle, j'accepte de me rallier à la majorité; c'est la règle de base de toute démocratie. Si M. Aussant n'est pas trop centré sur lui-même et qu'il a à coeur l'avenir du Québec, il devrait renoncer à fonder un nouveau parti jusqu'à ce que la souveraineté du Québec soit reconnu par la majorité du peuple québécois.

Raymond Gravel

Guy Ferland

Professeur de philosophie au Collège Lionel-Groulx de Sainte-Thérèse

LE CHANT DU CYGNE SOUVERAINISTE

Il est évident qu'un nouveau parti souverainiste au Québec va diviser le vote séparatiste. Le noyau dur des indépendantistes se situe depuis des décennies autour du 40% des électeurs. Or, trois partis se partageront désormais l'assiette de ce noyau dur aux prochaines élections. Même si l'accès à l'indépendance et le degré d'autonomie réclamé sont différents d'un parti à l'autre, il n'y aura pas de vague de fond indépendantiste par la création d'Option nationale. Le Parti québécois en déroute et Québec solidaire, qui ne monte pas dans les intentions de vote malgré les belles performances de son porte étendard Amir Khadir à l'Assemblée nationale, vont se piler sur les pieds avec la venue d'un autre invité dans la danse carrée souverainiste. Il s'agit plutôt d'un dernier soubresaut du corps moribond du mouvement indépendantiste. La fondation d'Option nationale par Jean-Martin Aussant apparaît comme le chant du cygne du nationalisme québécois. On peut facilement imaginer un scénario dans lequel le PQ récoltera autour de 20 % des votes, Québec solidaire et Option nationale 10 % chacun aux prochaines élections. Les Québécois sont rendus ailleurs et ils réclament des idées nouvelles en politique.

François Bonnardel

Député adéquiste de Shefford

NOUVELLE TUILE POUR PAULINE MAROIS

L'apparition d'un nouveau parti souverainiste dans le paysage politique québécois enrichira le débat public, mais il est évident qu'il s'agit d'une nouvelle tuile pour le Parti québécois, notamment pour le leadership de Pauline Marois. Ce nouveau parti ne changera en rien le problème fondamental du mouvement souverainiste québécois. Que les défenseurs d'un Québec souverain soient pressés ou pragmatiques, radicaux ou conciliants, ils ne parviennent toujours pas après 40 ans de combat à justifier auprès d'une majorité de Québécois sa pertinence. L'indépendance du Québec a été rejetée démocratiquement deux fois et plafonne dans les sondages depuis des années, et ce, malgré l'impopularité du gouvernement libéral actuel. Bref, la formation d'un nouveau parti politique permettra d'élargir le débat public sur certaines questions. L'ADQ est par exemple favorable à l'établissement d'un système électoral proportionnel mixte, mais nous croyons que l'apparition d'un autre parti politique souverainiste est une bien mauvaise nouvelle pour Pauline Marois, qui ne réussit plus à coaliser les forces souverainistes et qui tend à marginaliser le parti de René Lévesque.

Marc Simard

Professeur d'histoire au collège François-Xavier-Garneau

LA MULTIPLICATION DES SOUVERAINISTES

Tel le Christ multipliant les pains, Jean-Martin Aussant croit qu'il suffit de quelques formules incantatoires sur les bienfaits et la nécessité de la souveraineté pour faire apparaître de nouveaux partisans de l'indépendance au Québec. Il pense, en créant son parti, effacer la réalité mathématique des quelque soixante ans d'histoire du mouvement souverainiste, qui a flirté avec les 50% d'appuis à quelques rares reprises (dont après l'échec de l'accord du lac Meech), mais dont le support plafonne généralement à 35-40 % et tend à s'effriter ces dernières années. Si parler de souveraineté suffisait à provoquer l'accouchement du projet de pays, il y a longtemps que le Québec aurait un siège aux Nations unies. Nous vivons en effet depuis les années 1960 un débat logorrhéique interminable qui n'a pas su rallier une majorité, et ce n'est certes pas faute d'efforts de la part des intarissables pédagogues de l'indépendance. Mais les irréductibles Québécois ont dit non à deux reprises à ce projet et demeurent réfractaires à ce chant des sirènes. M. Aussant et les purs et durs de l'indépendance dont il est un des leaders devraient s'interroger sérieusement sur le pourquoi de ce refus obstiné de les suivre vers le pays de cocagne qu'ils nous promettent au lieu de diviser une fois de plus leur camp, ce qui est le propre des idéologies marginales et des mouvements en déclin.

Claudette Carbonneau

Ex-présidente de la CSN

L'AUBERGE ESPAGNOLE

Oui, l'option souverainiste est en panne et ce n'est certainement pas en prétendant offrir une troisième voie que l'Option nationale va réussir à remettre à l'ordre du jour cette grande idée et à lui redonner ses ailes de mouvement social. Réduire le débat à qui est le plus pressé, qui est le plus sincère, le moins opportuniste a quelque chose de surréaliste, même si tous ces détestables travers existent. Pour les citoyens la question nationale est de plus en plus désincarnée. Pire encore, il s'agit d'un projet qui exaspère tant il apparaît vide de sens, parce que coupé de ses finalités. Pourquoi un pays? Pourquoi à l'heure de la mondialisation? En quoi ce pays est-il porteur d'un nouveau modèle de développement?

Les vieux ressorts de l'oppression nationale et de la forteresse à construire contre le reste du Canada sont dépassés et c'est heureux.

Avec le mode de scrutin actuel, un tiers parti ne peut faire sa place qu'en en détrônant un autre. Pour cela, il faudrait poser tout autrement la question nationale et le faire dans des termes modernes qui parlent aux citoyens. Moins que la dispersion du vote, il faut craindre qu'un nouveau discrédit s'abatte sur le camp souverainiste lui donnant de plus en plus des allures d'auberge espagnole, de nique à chicanes, bref de repoussoir. Dommage parce que M. Aussant aurait pu contribuer au renouvellement de la pensée politique, comme il l'a démontré récemment en s'exprimant sur la dette et le rôle des États dans le contexte d'aujourd'hui. Vivement la fin des occasions ratées.