D'après vous, quel serait le nombre de semaines de vacances annuelles idéal pour un travailleur au Québec? Deux, trois, quatre, cinq semaines? À votre avis, combien de temps a-t-on minimalement besoin pour décompresser, décrocher, se ressourcer, refaire ses forces?

LES TEXTES DOIVENT ÊTRE SIGNÉS. MAXIMUM DE 150 MOTS.

Daniel Landry

Professeur de sociologie au collège Laflèche, à Trois-Rivières

LE MYTHE DE L'IMPRODUCTIVITÉ

Les normes du travail garantissent un minimum de 18 journées de congé aux Québécois chaque année. C'est bien insuffisant si l'on se compare aux autres pays de l'OCDE. En 2007, une étude du Center for Economic and Policy Research démontrait que le Canada arrivait au 19e rang de 21 pays de l'OCDE quant au nombre de journées de congés payés. Seuls le Japon et les États-Unis faisaient plus piètre figure, avec respectivement 10 et 0 jours. Il semble que nous ayons emprunté le chemin opposé de celui de la société du loisir jadis promise. Les Québécois travaillent 321 heures de plus par année qu'il y a trois décennies. D'aucuns diront que c'est une nécessité afin de maintenir notre productivité. Dans les faits, l'argument de la productivité ne tient pas la route. Une autre étude, celle-là de l'IRIS (2010), démontre que le Québec de 2006 était plus productif de 71% (en dollars constants) par rapport à 1976. Pourtant, dans cette même période, les 10% de familles les plus riches avaient accru leurs revenus tout en travaillant moins d'heures tandis que la majorité des familles connaissaient la réalité inverse.

Combien de vacances devrait-on obtenir minimalement? La réponse variera sans doute selon divers facteurs comme le type de professions et le niveau de stress rencontré. Cependant, rien ne devrait empêcher les Québécois d'aspirer aux mêmes normes que les champions dans le domaine (France, Allemagne, Danemark, Australie).

Mélanie Dugré

Avocate

SALUTAIRE REPOS

Quatre semaines de vacances est, à mon avis, un minimum. À ce nombre de base, j'ajouterais une semaine supplémentaire à chaque tranche de trois ou cinq années de service. Généreux? Certainement. Abusif? Absolument pas. La vie moderne nous impose d'importantes exigences de performance et plusieurs jours sont souvent nécessaires avant d'arriver à ralentir le flot d'adrénaline et de mettre le cerveau en mode repos. Il faut s'élever au-dessus de la croyance répandue parmi certains employeurs selon laquelle les vacances rendent les travailleurs paresseux et apathiques. Je crois au contraire que les vacances sont l'occasion d'une pause qui permet de recharger les batteries et de donner un nouveau souffle à la motivation et à l'enthousiasme. Le travail est une composante fondamentale de la vie des individus. Non seulement il permet d'accéder à l'autonomie financière mais il peut être un extraordinaire véhicule d'épanouissement et d'accomplissement personnel dans la mesure où l'on s'y sent apprécié et correctement traité. Les travailleurs qui rapportent le plus haut taux de satisfaction à l'égard de leur emploi, et de façon corollaire l'indice de bonheur le plus élevé, sont ceux qui bénéficient de conditions de travail, et de vacances, généreuses.

Je suis d'avis qu'il en va du bien-être collectif que d'offrir une place de choix aux vacances dans notre échelle de valeurs sociales.

Mélanie Dugré

Pierre Simard

Professeur à l'École Nationale d'Administration publique, à Québec

UN CHOIX PERSONNEL

Les vacances n'échappent pas à l'ambition de ceux qui s'acharnent à vouloir réglementer la vie des gens. On peut lire nombre de textes qui suggèrent une période idéale de vacances, un lieu idéal de vacances, une durée idéale de vacances, des vacances obligatoires, etc. En réalité, la durée idéale des vacances est une question de choix personnel. Certains préfèrent en prendre beaucoup, d'autres moins. Plusieurs considérations motivent leur choix: des raisons personnelles, familiales et... monétaires. En fait, les vacances payées, ça n'existe pas. Il n'y a que le travail qui est rémunéré. Le coût des vacances est assumé par le travailleur; il ne s'agit pas d'un cadeau de l'employeur ou de l'État. Elles font partie du contrat de travail négocié avec l'employeur, et ce, au même titre que les horaires de travail et autres avantages sociaux. Même si l'État décrète déjà, via la Loi sur les normes du travail, une durée de vacances obligatoire, ça ne change rien au fait que celui qui en assume le coût, c'est le travailleur. Malheureusement, même si j'adore en prendre, les vacances ne sont pas un bien gratuit.

Jean Bottari

Préposé aux bénéficiaires

MINIMUM DE CINQ SEMAINES

Après 28 ans de loyaux services au sein du réseau de la santé, je bénéficie de cinq semaines de vacances. Certains diront que je suis parmi les «gras durs» de la société. Soit, ils ont tout à fait le droit de penser ainsi. Par contre, je leur lance le défi de chausser mes souliers de préposé aux bénéficiaires pendant un certain temps. Ils auront tôt fait de comprendre que ces cinq semaines de repos sont bien méritées. Afin de décompresser et faire le vide, je crois qu'un minimum de trois semaines soit nécessaire. S'éloigner de son chez-soi et de sa routine quotidienne sont, selon moi, les deux meilleures options pour bien décrocher. Pour ce faire, ma femme et moi optons, entre autres, pour une belle semaine de pêche. Lors de ce séjour, la tranquillité, la nature et le farniente sont au rendez-vous. Que le chant des oiseaux et une chaloupe sur un lac qui nous berce au gré des vents et qui, si nous sommes chanceux, nous donnera de belles prises et de superbes photos. Voilà donc pour les vacances d'été pour lesquelles nous partons trois semaines. Viendront ensuite les quinze jours de vacances d'hiver sur les belles plages du sud. Rien qu'à y penser me fait rêver que nous sommes au mois de janvier. Mais bon ce n'est qu'un rêve. Pour l'instant, mes patients m'attendent et eux n'ont pas hâte que je les quitte bientôt pour me ressourcer.

Pierre-Yves McSween

Comptable, enseignant au Cégep régional de Lanaudière et chargé de cours à HEC Montréal.

VARIABLE D'UNE PERSONNE À L'AUTRE

Je ne connais pas beaucoup de travailleurs qui refuseraient plus de vacances. Cependant, plusieurs facteurs influencent la durée période de vacances nécessaire pour récupérer. Personnellement, lorsque j'étais vérificateur externe, mon travail me déprimait. Comme dans ce milieu, on travaille souvent les fins de semaine, on n'arrive jamais à réellement décrocher. Même en vacances, il arrive qu'on se fasse interrompre pour des questions relatives à un client. Par contre, depuis que je suis enseignant, je n'ai aucun problème à me présenter au travail, c'est moins une corvée : je trouve un sens à ce que je fais.  Par conséquent, il y a peut-être un lien entre le plaisir qu'on trouve dans un travail et la durée de vacances nécessaire. Je crois que cette question est très personnelle et varie d'une personne à l'autre. Il serait alors intéressant de se demander si les entreprises pourraient offrir différents « forfaits » de vacances à leurs employés. Tout comme les options d'assurances, un employé pourrait sélectionner plus ou moins de vacances dans son « forfait » en compensation d'un salaire à la hausse ou à la baisse. Par exemple, Jean-Conrad pourrait décider de diminuer sa rémunération de 4% pour avoir deux semaines de plus de vacances que Gertrude qui opterait pour les deux semaines de base. Cette solution permettrait de bénéficier de vacances selon les besoins personnels de chacun. Ce serait comme un congé sans solde facultatif planifié annuellement. Deux, trois, quatre ou cinq semaines? Certains employeurs ne permettent pas de prendre plus de deux ou trois semaines de vacances successives. Évidemment, il y a les obligations financières que l'on s'impose qui influencent peut-être trop souvent notre capacité à prendre des vacances suffisantes.

Jean Gouin

Directeur général de la Fédération des médecins résidents du Québec

PRENDRE LE TEMPS DE SE RESSOURCER

Prendre le temps de recharger ses batteries et se donner du temps de qualité, que ce soit en famille ou pour soi-même, est un objectif que nous visons tous. Je conçois que ce ne sont pas tous les travailleurs qui ont les mêmes conditions, qu'il faille également tenir compte de la capacité de payer d'un employeur et des objectifs que se donnent les compagnies en termes de productivité. Une firme ou une entreprise de 10 employés n'a pas la même marge de manoeuvre que celles qui ont plusieurs dizaines d'employés, voire des centaines. La société est très exigeante envers ses élus, en ce sens qu'elle leur demande de lui donner une gamme de services telles les garderies à 7 $, l'assurance médicaments, l'universalité et la gratuité des soins de santé, l'électricité à un coût plus avantageux, etc. Par contre, pour se donner de tels services, la société québécoise doit produire et, qui dit productivité, dit travail. En contrepartie, on demande aux employés de faire plus avec moins. Quatre à six semaines seraient une période idéale comme temps de repos annuellement. On ne peut se permettre d'ignorer que les ressources humaines sont une ressource de première importance pour le bon fonctionnement de nos entreprises et de notre société. Un employé reposé, c'est une personne présente, motivée et productive au travail. C'est la société qui y gagnera.

Caroline Moreno

Écrivain

LE VIDE ET LE PLEIN

Fatigué? Surmené? Écoeuré? Démotivé? Les vacances permettent à la fois de faire  le vide et le plein. Elles sont essentielles à un bon état de santé et d'esprit. En bout de ligne, elles profitent autant aux employeurs qu'aux travailleurs! Les Québécois devraient donc pouvoir bénéficier de cinq semaines de congé annuel!