Le président Barack Obama a-t-il raison de ne pas autoriser la diffusion de la photo de la dépouille du chef d'Al-Qaïda, Oussama ben Laden?

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Jocelyn Coulon

Directeur du Réseau francophone de recherche sur les opérations de paix

POUR DISSIPER LES DOUTES

Les Américains ont commis une erreur en se débarrassant aussi rapidement du corps d'Oussama ben Laden. Cet empressement ouvre maintenant la porte aux théories les plus folles sur la véracité même de l'événement. Au Proche-Orient, en particulier, une partie de la population est toujours prompte à rejeter toutes les explications qui viennent de l'Occident, que ce soit sur les attentats du 11 septembre ou sur la mort de son commanditaire. Diffuser la photo du cadavre n'aurait pas calmé les esprits, mais je doute qu'elle les aurait enflammés au point de poser de graves menaces à la sécurité. Cette publication aurait au moins eu l'avantage de dissiper les doutes.

Guy Ferland

Enseignant en philosophie au collège Lionel-Groulx

UNE SOURCE DE HAINE

Non, le président Obama ne devait pas autoriser la diffusion de la photo de la dépouille du chef d'Al-Qaïda, car cela n'aurait fait qu'accentuer le caractère macabre de l'acte du commando américain et aurait favorisé une montée en flèche du fanatisme des extrémistes musulmans. L'ancien leader d'Al-Qaïda serait rapidement devenu un martyr et le sentiment antiaméricain n'aurait été qu'exacerbé par la diffusion de cette photo dégoûtante. Même diffusée, la photographie du cadavre mutilé de ben Laden ne diminuerait en rien la prolifération des théories du complot et la propagation des soupçons de manipulation à l'endroit de l'administration américaine. La publication des résultats des analyses d'ADN devrait suffire comme preuve de la mort de l'ennemi numéro un des Américains. Puisqu'il n'y a eu aucune réfutation ou contestation valable de la part des mouvements terroristes à l'annonce de l'exécution du chef d'Al-Qaïda, cela prouve hors de tout doute la véracité de la nouvelle. En fait, il n'y a aucun avantage à diffuser une photographie qu'on pourrait truquer de toute façon et dont le contenu est déjà connu de la population mondiale.

Jean Bottari

Préposé aux bénéficiaires

N'ATTISONS PAS LE FANATISME

Après avoir vu en direct l'opération de l'escouade spéciale de la Marine américaine, le président Obama a affirmé que Oussama ben Laden était bel et bien mort. Faut-il le croire sur parole ou sommes-nous sceptiques face à cette déclaration du président?  Je crois que la diffusion de la photo de ben Laden avec deux balles dans le corps, dont une à la tête, ne ferait qu'attiser le fanatisme de certains adeptes extrémistes du défunt terroriste. Le gouvernement des États-Unis a inhumé ben Laden en mer afin de ne pas attirer les fous sur son tombeau. Celui qui est devenu héros et martyr pour certains, et meurtrier de masse pour d'autres, est mort de façon violente, mais n'a probablement pas souffert très longtemps. Or, il n'en est pas de même pour les centaines de personnes ayant perdu un proche ou souffrant de blessures subies lors des attentats du 11 septembre 2001. Ces personnes tiennent-elles vraiment à voir la photo de ce bourreau? Quant à moi, M. Obama ne devait pas autoriser la diffusion de ce cliché, car les adulateurs de ben Laden auraient ainsi une raison de plus afin de s'attaquer à nos voisins du sud. Je suis généralement contre toute forme de censure, mais cette fois-ci je me demande à qui servira une telle publication.

Jean-Claude Hébert

Avocat

DÉCISION RATIONNELLE

La décision du président Obama de ne pas autoriser la diffusion de la photo du cadavre d'Ossama ben Laden fait suite à une analyse stratégique dont nous ignorons les tenants et aboutissants. Cependant, on peut aisément deviner que l'administration américaine a procédé à une pondération entre les avantages et les inconvénients d'une telle décision. Dans la mesure où le président Obama cherche à éviter, autant que possible, la «martyrisation» d'un célèbre terroriste, la décision semble rationnelle. Éventuellement, pour neutraliser les théories du complot (par exemple, un coup fumant monté de toutes pièces), il sera toujours loisible aux autorités américaines de rendre publiques certaines preuves scientifiques démontrant que la personne décédée est bel et bien ben Laden (ex. la preuve d'ADN).