Selon Stephen Harper, le seul moyen d'éviter un nouveau référendum sur la souveraineté au Québec serait de confier aux conservateurs une majorité à la Chambre des communes, pour ainsi ne pas faire ressurgir «les vieilles chicanes constitutionnelles». D'après vous, cette stratégie du chef conservateur, à la suite du congrès du PQ, pourrait-elle porter fruit au Canada anglais?

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Gaétan Frigon

Président exécutif de Publipage Inc et ancien président-directeur général de la Société des alcools du Québec et de Loto-Québec

UN ÉPOUVANTAIL UTILE

Stephen Harper n'a aucun intérêt à diriger à nouveau un gouvernement minoritaire. Depuis le début de la campagne, ses principaux arguments vont dans le sens de convaincre la population qu'elle à tout à gagner et rien à perdre à élire un gouvernement conservateur majoritaire. Et comme tout bon politicien, ses arguments sont adaptés en fonction du segment des électeurs à qui il s'adresse. Dans ce contexte, il m'apparaît évident que jouer sur des notions anti-Québec dans le reste du Canada ne peut que l'aider à solidifier ses appuis et peut-être même à lui donner les quelques sièges qui pourraient lui manquer pour justement en arriver à diriger un gouvernement majoritaire. De plus, comme Stephen Harper cherche à canaliser les votes ethniques, surtout en Ontario, la stratégie de faire peur avec l'épouvantail séparatiste peut certes l'aider comme elle a aidé Jean Chrétien avant lui.

Richard Vigneault

Consultant en communication et membre de l'Idée fédérale

PAS UNE QUESTION DE MAJORITÉ

Le seul moyen pour les Québécois d'éviter un référendum ne consiste pas nécessairement à donner une majorité à Stephen Harper, mais à ne pas porter au pouvoir au Québec le parti dont c'est la proposition principale. On se trompe d'élections. Il est certain qu'un vote pour le Bloc brouille les cartes. Par ailleurs, si M. Harper ne veut pas de référendum au Québec, il devrait éviter d'envahir les champs de compétences provinciales, notamment en matière de commission des valeurs mobilières. Un gouvernement libéral majoritaire n'y changera rien non plus, surtout s'il a la fibre centralisatrice. Peu importe la couleur ou l'ouverture, ça ne change rien à un scénario d'indépendance qui est écrit depuis longtemps selon le Bloc ou le PQ. Pour les souverainistes, l'objectif demeure: pas de gouvernement fédéral du tout! Que le fédéralisme évolue, qu'il soit équitable, qu'il se modernise, ce n'est pas une question pertinente pour les tenants de la séparation. Enfin, je veux bien qu'on se voile la face, qu'on dise que le fruit n'est pas mûr, les tenants du fédéralisme devront un jour s'attaquer à la tâche de réintégrer le Québec dans le giron constitutionnel. Au moins, tenter de le faire, comme Brian Mulroney.

Mélanie Dugré

Avocate

JONGLER AVEC UNE PATATE CHAUDE

L'affirmation de Stephen Harper séduira indéniablement la population du Canada anglais qui craint une séparation du Québec comme la peste. Mais comment réagira le Québec devant cette stratégie? D'une part, plusieurs Québécois estiment que la séparation du Québec ne devrait plus faire partie du programme politique, tant provincial que fédéral, compte tenu des défis que posent désormais la santé, l'éducation et l'économie. Ces électeurs seront réconfortés et rassurés par la proposition de Stephen Harper et ils y percevront une garantie de l'unité canadienne. En revanche, la fibre nationaliste reprend de la vigueur au Québec et les partisans de la souveraineté encaisseront les propos de Harper comme une claque au visage et y verront une nouvelle raison d'être à leur quête d'un pays. La place et le rôle du Québec dans le Canada ont toujours soulevé les passions. Sans nier le sérieux des enjeux, il est plutôt divertissant de voir les chefs de partis user d'imagination lorsqu'il est question de notre province et de les regarder jongler avec cette patate chaude qu'est pour eux le Québec, en espérant plaire à tous les Canadiens sans se mettre le pied, et la patate, dans la bouche.

Alexandra Mendès

Candidate libérale et députée de Brossard-La Prairie

DIVISER POUR RÉGNER

Il y a une chose sur laquelle une majorité de Canadiens - et ça inclut les Québécois - s'entendent parfaitement: Stephen Harper et ses conservateurs ne représentent pas leurs valeurs, et ils ne parlent pas en leur nom. Une chose est certaine, c'est que, peu importe si M. Harper devait à nouveau former un gouvernement - minoritaire ou majoritaire -, la majorité des Canadiens ne s'y reconnaîtraient pas et s'y opposeraient. Les faits sont là: le régime conservateur de Harper applique à la lettre la politique du «diviser pour régner» et tente par tous les moyens de dresser les gens les uns contre les autres, tandis qu'à travers toute son histoire, le Parti libéral a tenté d'unir tous les Canadiens autour de leurs aspirations communes. La seule façon pour les Canadiens de ne pas avoir un gouvernement qui va à l'encontre de ce qu'ils veulent vraiment, c'est d'élire un gouvernement libéral, qui fera passer les intérêts des familles canadiennes avant celles des grandes entreprises, et qui saura remettre en ordre les finances publiques après des années d'incurie des conservateurs.