La famille Barlagne est menacée d'expulsion du Canada parce que la fillette de 8 ans, qui souffre de paralysie cérébrale (relativement légère), est considérée comme un «fardeau excessif» pour la société canadienne. Selon vous, cette décision du ministère fédéral de l'Immigration est-elle justifiée?

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Jean-Claude Hébert

Avocat

REFUS DISCRIMINATOIRE

En vertu des principes de notre fédéralisme coopératif, le domaine de l'immigration fait l'objet d'un partage des responsabilités entre les gouvernements fédéral et québécois. Certes, le ministre canadien exerce une prérogative ministérielle déterminante sur l'expulsion de citoyens étrangers. Cependant, son silence ou son refus d'intervenir dans l'affaire Barlagne devient discriminatoire. En effet, c'est le gouvernement québécois qui, actuellement, supporte le présumé «fardeau excessif» au niveau social. Dans la mesure où notre gouvernement provincial est disposé à assumer cette responsabilité, la ministre québécoise Kathleen Weil devrait clairement le faire savoir au ministre canadien Jason Kenney, auquel cas l'argument technique des responsables fédéraux deviendrait sans objet. En période électorale, nul doute que les fins esprits conservateurs vont vitement faire un calcul de rentabilité et, (souhaitons-le) pour finalement prendre une décision raisonnable.

Francine Laplante

Femme d'affaires, présidente de la fondation des Gouverneurs de L'Espoir

CRIME ÉMOTIONNEL

Fardeau excessif? Ce qui est en fait le véritable fardeau excessif, ce n'est rien d'autre que le ministre de l'Immigration en place, Jason Kenney, et toute son équipe de hauts dirigeants qui, je tiens à vous le rappeler, prennent des décisions au nom de tous les Canadiens, donc en notre nom. Quand j'entends des histoires d'horreur comme celle-ci, j'ai honte d'être Canadienne. Le cas de la petite Rachel nous démontre très bien que le jugement et le gros bon sens viennent en option chez nos élus et certains de nos fonctionnaires. Le simple fait d'imposer cet état de stress et de sentiment de nuisance à la famille est à mon avis «un crime émotionnel» que rien ne peut justifier. Assis derrière des bureaux en bois massif, calculatrice à la main, ils en sont arrivés à la conclusion que Rachel coûtait trop cher à l'État. Ils ont conclu que nous avions besoin de tout cet argent pour combler le vide laissé dans le budget par la dernière réunion du G8. Pathétique, vous dites? Inacceptable, plutôt! C'est quand déjà les prochaines élections? Au fait, qu'avez-vous à dire M. Ignatieff, M. Layton et M. Duceppe? Rachel et sa famille attendent impatiemment vos réactions.

André Jacob

Coordonnateur de l'Observatoire international sur le racisme et les discriminations, à la chaire de recherche en immigration, ethnicité et citoyenneté de l'UQAM

VICTIME DE DISCRIMINATION

La menace d'expulsion du pays de la famille Barlagne illustre bien ce que peut signifier une forme de discrimination sociale systémique. Le ministère de l'Immigration prétend que la jeune fille pourrait représenter un fardeau financier pour l'État canadien. Or, selon son médecin, elle n'a aucun besoin particulier sur le plan médical et est en parfaite santé. La décision bureaucratique et rigide de l'application de la Loi sur l'immigration s'explique d'autant moins que les parents de Rachel ne sont pas dépourvus au plan économique. Au contraire, le Canada n'a pas eu à débourser un sou pour l'éducation et la formation professionnelle du couple. Aujourd'hui, ils travaillent et paient taxes et impôts. Ils sont considérés citoyens à part entière comme n'importe quelle personne née au Canada. Devant cet état de fait, il faut conclure que la famille Barlagne est victime de discrimination en raison d'un motif inscrit dans les chartes, la déficience physique ou mentale. Une telle forme de discrimination entraîne des répercussions très lourdes au plan social, psychologique et financier pour les personnes qui en sont les victimes innocentes. Dans un tel cas, on parle alors de discrimination sociale, souvent non reconnue comme telle parce qu'à prime abord, la situation ne semble pas discriminatoire aux yeux de beaucoup de gens. La petite Rachel Barlagne ne constituant pas un fardeau réel pour la société canadienne, il s'agit d'une position discriminatoire. En refusant d'intervenir pour corriger la situation le ministre de l'Immigration du Canada, Jason Kenney, mise-t-il sur le fait qu'une bonne frange de la population n'y voit pas matière à discrimination? Si telle est sa position, il se trompe. Le ministre devrait donc s'empresser de corriger la situation.

Jana Havrankova

Endocrinologue

DEUX POIDS, DEUX MESURES

Selon les sources citées dans les médias, c'est le handicap de la fille des Barlagne qui motive le refus du statut de résidents permanents aux membres de cette famille. Si cela est vrai, cette décision est une honte pour le Canada. Non seulement contredit-elle l'impression que le Canada est un pays de compassion, mais aussi parce qu'il s'agit d'une décision arbitraire. Selon le témoignage du médecin de la fillette, le Dr Pierre Marois, celle-ci est atteinte d'une paralysie cérébrale d'un degré relativement léger, ne présente pas de problèmes de santé et ne requiert pas de soins médicaux particuliers. Par ailleurs, les autorités canadiennes trahissent la parole donnée aux parents lorsqu'ils ont fait la demande auprès de l'ambassade du Canada pour s'installer au Québec. Ces gens sont des membres actifs de la société et paient sans doute leur part d'impôts fédéral et provincial. Si l'on se souciait tant des coûts médicaux des immigrants, il faudrait se pencher sérieusement sur les conséquences coûteuses des réunifications familiales. Les réunifications concernent fréquemment des parents âgés, improductifs, qui nécessitent des soins de santé souvent onéreux. Pourtant, la réunification des familles fait partie des politiques d'immigration au Canada, malgré ces coûts pour la société...

Jean Bottari

Préposé aux bénéficiaires

LA JUSTE PART ENTRE LE CRIME ET L'HONNÊTETÉ

Pendant que les bien-pensants comme Justin Trudeau appuient la cause de Dany Villanueva qui était, semble t-il, est membre d'un gang criminalisé, les Barlagne font face à un ordre d'expulsion. La petite famille immigrée au Canada il y a six ans s'est pourtant bien intégrée. Après avoir consulté les autorités canadiennes à Paris et les avoir informées de la condition de sa fille, le père décide de s'envoler vers ce pays nordique. Il crée lui-même son emploi et exploite une petite compagnie en informatique. Pourtant, aux yeux d'immigration Canada, la petite famille représente un fardeau excessif pour la société. Mais pourquoi donc? Mais quel crime ont-ils donc commis? Toujours selon Immigration Canada, la petite Rachel, 8 ans, qui est atteinte de paralysie cérébrale, pourrait engendrer de nombreux coûts pour la société. Cet argument ne tiens pas la route. Ces personnes contribuent depuis leur arrivée à l'essor et à l'épanouissement de la collectivité. Moi qui suit issu de parents immigrants trouve cette attitude indigne d'un pays qui se dit démocratique et humain. J'aimerais bien que les chefs du Bloc, du NPD et du PLC profitent de la présente campagne électorale pour faire pression directement sur le ministre Kenney afin qu'il intervienne dans ce dossier humanitaire. La famille Barlagne n'a commis aucun crime. Elle tente simplement de vivre ici, en toute liberté, comme vous et moi. Est-ce là trop demander à nos décideurs que de faire la juste part entre le crime et l'honnêteté?

Raymond Gravel

Prêtre dans le diocèse de Joliette et ex-député de Repentigny

DÉCISION HONTEUSE

Je trouve honteuse cette décision du ministère fédéral de l'Immigration de justifier l'expulsion du Canada d'une famille française très bien intégrée au Québec, à cause de la paralysie cérébrale de leur petite fille de 8 ans, Rachel Barlagne. L'étymologie du nom Rachel signifie: Dieu pleure. Il y a de quoi pleurer quand on rend des décisions aussi désincarnées et déshumanisantes. De plus, je ne comprends pas le refus du ministre Jason Kenney d'intervenir dans ce dossier pour donner à cette famille le statut de résidence permanente. Il me semble que ce serait faire preuve d'humanité et de compassion. Ce que je trouve le plus contradictoire et paradoxal chez les conservateurs, c'est qu'ils se disent les grands défenseurs de la vie en devenir, le foetus dans le sein de sa mère, ce qui se défend très bien, mais en même temps, ils n'éprouvent aucune compassion pour une enfant déjà là, parce qu'atteinte d'une maladie qu'ils considèrent comme un «fardeau excessif» pour la société d'accueil. Comme contradiction, essayez d'en trouver une meilleure. Nous avons là une autre preuve que ce gouvernement peut être dangereux s'il devient majoritaire. Réveillons-nous pendant qu'il est encore temps de le faire.

Mathieu Bock-Côté

Chargé de cours en sociologie à l'UQAM

BIENVENUE!

Les questions liées à l'immigration sont souvent déformées par un politiquement correct exaspérant qui disqualifie l'idée même d'un contrôle étatique des frontières. Pour une certaine gauche qui se veut «humanitaire», l'immigration devrait être régulée exclusivement par une vision moralisatrice des «droits humains», l'État n'étant plus en droit de distinguer entre les nationaux et les étrangers, comme si la citoyenneté canadienne était un titre administratif parmi d'autres. Mais ce n'est pas de cela dont on parle avec la famille Barlagne, menacée d'expulsion à cause du handicap d'une de leurs filles, présenté comme un «fardeau excessif» par les services sociaux. Voilà une erreur de jugement consternante. On ne parle pas d'une famille dont un fils aurait versé dans la criminalité et dont les parents seraient culturellement étrangers à la société québécoise. On ne parle pas non plus d'une consommation abusive de biens sociaux. On parle d'une famille parfaitement intégrée, mais frappée par un malheur attristant, arbitraire, injuste. On parle d'une situation où la loi civile devrait s'accommoder raisonnablement avec la loi morale. Pour une fois que le motif humanitaire n'est pas instrumentalisé grossièrement, que le gouvernement ne confonde pas la fermeté politique avec une application si aveugle de la loi qu'elle devient inhumaine.

Thomas Mulcair

Candidat du NPD dans Outremont

INTOLÉRANTE ET INTOLÉRABLE

La décision du gouvernement conservateur dans le cas de la famille Barlagne est intolérante et intolérable. Le 31 mai 2010, j'ai questionné le ministre Kenney sur le dossier Barlagne à la Chambre des communes. Sa réponse fut un faux-fuyant odieux qui caractérise son gouvernement. Le cas de la famille Barlagne, y compris mon échange avec le ministre Kenney, a fait les nouvelles télévisées et écrites en France. La réaction de la France et des Français fut la stupéfaction. Le NPD a proposé un projet de loi, C-556, qui garantira qu'un tel cas ne puisse jamais plus se présenter. Pour le moment, il ne reste plus que l'appel de tous pour qu'une décision humaine soit rendue. Pour comprendre l'autre, il faut parfois se mettre à sa place. Imaginez une seconde la réaction ici si, en regardant nos nouvelles du soir, on apprenait que la France s'apprêtait à expulser et interdire l'accès à son territoire à une famille canadienne, et ce, uniquement parce qu'ils ont une enfant handicapée. Une famille qui aurait pourtant été recrutée par la France pour s'établir à Paris et y installer une petite entreprise. Votre réaction serait certainement celle que les Français ont à l'égard du Canada aujourd'hui.

Thierry St-Cyr

Candidat du Bloc québécois de Jeanne-Le Ber et porte-parole en matière de citoyenneté et immigration

LE MINISTRE DOIT INTERVENIR

Le Bloc québécois appuie la famille Barlagne dans sa lutte pour l'obtention de la résidence permanente. Pour nous, il s'agit d'une question d'humanité. Six ans plus tôt, le gouvernement du Québec a accepté d'accueillir chez nous cette famille, alors que la petite Rachel vivait déjà avec la paralysie cérébrale. La famille a donc passé à travers tout le processus d'immigration requis. Depuis, elle s'est parfaitement adaptée à la société québécoise. Aujourd'hui, le gouvernement fédéral n'est pas en droit de remettre en cause cette décision du Québec. La santé et les services sociaux relèvent du gouvernement du Québec. C'est donc à ce dernier que revient la responsabilité de déterminer si la personne représente un fardeau excessif pour son système de santé. Le médecin de Rachel Barlagne a bien expliqué qu'elle ne représente pas un «fardeau excessif pour les services sociaux», comme le prétend le ministère de l'Immigration. À la lumière de ce témoignage, le Bloc québécois exhorte le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration à réévaluer sa décision injustifiée.

Martin Cauchon

Candidat libéral dans Outremont

TENDONS UNE MAIN GÉNÉREUSE

Il est à la fois honteux et désolant de voir le ministère canadien de la Citoyenneté, de l'Immigration et du Multiculturalisme s'éloigner de notre tradition sur le traitement des cas humanitaires, qui semble malheureusement perdue depuis que les conservateurs de Stephen Harper sont au pouvoir. Le Parti libéral du Canada réclame une trêve électorale pendant quelques minutes pour tendre une main généreuse et accueillante à la famille montréalaise Barlagne qui risque la déportation cet été à cause de l'état de santé de leur petite Rachel, atteinte de paralysie cérébrale. Je joins ma voix à celle de mon chef Michael Ignatieff - et suis convaincu d'exprimer ici les sentiments de tous les candidats du Parti libéral du Canada au Québec - à celle de Jack Layton et de Gilles Duceppe pour exiger du premier ministre Harper et de son ministre de l'Immigration, de la Citoyenneté, et du Multiculturalisme, Jason Kenney, qu'ils entendent les doléances de la famille Barlagne et lui accorde la résidence permanente pour motif humanitaire.