Le gouvernement Charest souhaite que les voitures tout électriques ou hybrides rechargeables représentent 25% des ventes de nouveaux véhicules au Québec en 2020. Pour y arriver, un rabais de 8000$ est notamment consenti aux 10 000 premiers acheteurs au cours des quatre prochaines années. Croyez-vous que l'objectif gouvernemental est réaliste? Les rabais sont-ils suffisants pour inciter les automobilistes à acheter un véhicule «vert»?

LES COMMENTAIRES DOIVENT ÊTRE SIGNÉS. MAXIMUM DE 150 MOTS.

Pierre-Olivier Pineau

Professeur agrégé à HEC Montréal

INEFFICACE ET IMPRODUCTIF

Le plan n'est pas réaliste et ne va convaincre que les convaincus, parce que la majorité des consommateurs apprécient puissance, espace et autonomie dans leurs véhicules. Les véhicules électriques offrent exactement l'inverse. De plus, avec 4,6 millions de véhicules «légers» (autos et VUS) consommant la moitié de 12,5 milliards de litres de carburant vendus chaque année dans les stations-service, il faudrait viser à enlever 900 000 véhicules des routes d'ici 2020, pour réduire de 20% leurs émissions actuelles de GES. Or le plan du gouvernement vise uniquement 300 000 véhicules électriques en 2020 - qui pourraient très bien s'ajouter et non pas réduire la taille du parc automobile. Très clairement, cette électrification du transport ne permet pas d'atteindre les objectifs de réduction des GES. Dans un contexte de déficit budgétaire, il est improductif de dépenser d'importantes ressources financières pour l'électrification, alors que les changements qui devraient être faits sont l'amélioration du transport en commun et la diminution du nombre de véhicules énergivores. Le plan propose des dépenses supplémentaires, qui ne vont ni améliorer l'offre de transport en commun, ni réduire le nombre de gros véhicules. C'est davantage un plan d'image écologique que toute autre chose.


Steven Guilbeault

Coordonnateur général adjoint d'Équiterre

UN PLAN D'ÉLECTRIFICATION INSUFFISANT

D'abord présenté dans le budget 2011-2012, le rabais de 8000$ au moment de l'achat d'un véhicule électrique ou hybride rechargeable est certainement un meilleur incitatif pour le consommateur que les crédits d'impôts auparavant offerts.  Un plan d'électrification des transports est un choix  judicieux tant pour l'économie québécoise que pour l'environnement.  Il s'agit d'une mesure bienvenue et nécessaire. Toutefois, Équiterre croit que le plan d'électrification tel que proposé par le gouvernement Charest n'est pas suffisant, dans la mesure où une hausse constante des véhicules sur les routes québécoises est maintenue. Selon le cadre des politiques actuelles, 600 000 voitures de plus sillonneront le Québec en 2020. L'objectif d'un parc automobile électrifié à moins de 10% n'est pas suffisant pour réduire notre dépendance au pétrole. L'électrification des transports est une bonne mesure en soit, mais doit aller de pair avec l'implantation de politiques musclées pour stopper l'étalement urbain, densifier le territoire et hausser l'offre des transports collectifs. Des efforts supplémentaires et complémentaires devront être mis de l'avant par le gouvernement Charest dans la future Loi sur l'aménagement et l'urbanisme ainsi que dans l'adoption d'un nouveau Plan d'action sur les changements climatiques à l'horizon 2020.

Archives La Presse

Steven Guilbeault

Françoise Bertrand

Présidente de la Fédération des chambres de commerce du Québec

PROJET AMBITIEUX

Il ne reste que huit ans pour atteindre cet objectif. Changer une culture de consommation en si peu de temps, c'est ambitieux, d'autant plus qu'actuellement, l'achat de voitures électriques et hybrides demeure marginal. Mais le gouvernement prend les grands moyens: le remboursement sera le plus substantiel lorsque le coût de l'automobile sera le plus grand, ce qui est dans notre esprit, la meilleure façon de procéder. Cependant, cette mesure ne doit pas devenir un gouffre financier. Le plafond imposé est rassurant, mais risque de créer des frustrations si le programme est victime de son succès. Mais, au-delà des coûts liés à l'achat de la voiture, la question centrale est de savoir si la technologie sera au rendez-vous et à la hauteur des attentes des consommateurs. En ce sens, le support donné aux entreprises qui investissent dans le domaine au Québec démontre que nous possédons l'expertise et les ressources pour relever ce défi. C'est à mon avis une très belle occasion saisie par le gouvernement pour mettre de l'avant le savoir-faire des entreprises québécoises.

Imacom, Frédéric Côté

Françoise Bertrand

Adrien Pouliot

Président de Draco Capital Inc., société d'investissement privée

UN RÊVE DE BUREAUCRATES

Les voitures électriques sont dans le paysage automobile depuis 100 ans et auraient été reléguées aux oubliettes ne fut-ce l'intervention mal avisée des gouvernements dans le marché. La voiture électrique comme la Volt est un rêve de bureaucrates qui se pensent mieux placés que le marché libre pour décider des technologies gagnantes. Entretemps, Ford fabrique de façon rentable et sans subventions des voitures avec moteur à combustion interne toujours plus efficaces, moins polluantes et à prix raisonnables. L'État n'est pas plus capable de décider quel genre de moteur devrait propulser nos véhicules qu'il ne sait comment gérer un système de santé et de construire un stade olympique. Plutôt que de miser l'argent des contribuables sur des paris technologiques risqués, le gouvernement devrait plutôt se fier au marché pour faire les bons choix.

Adrien Pouliot

Pierre Simard

Professeur à l'École nationale d'administration publique, à Québec

POUR UNE POIGNÉE DE CONVAINCUS

C'est pour compenser le coût prohibitif et les désavantages de ces voitures que le gouvernement est obligé de les subventionner. Même si le prix est un facteur déterminant dans l'achat d'un véhicule, ce n'est pas le seul aspect pris en considération par les consommateurs. Pour l'instant, et vraisemblablement pour plusieurs années encore, ce type de véhicule comporte d'importantes limites en termes d'autonomie et d'utilisation. Peu de consommateurs ont la capacité ou la volonté de restreindre leurs déplacements, de se lancer à la recherche d'une borne de recharge et de sacrifier plusieurs heures à la dite recharge... même avec une subvention. Si les consommateurs tendent peu à peu à intégrer les enjeux environnementaux lors de l'achat d'un véhicule, il reste que cette subvention n'a d'intérêt, pour l'instant, que pour une poignée de consommateurs convaincus des enjeux environnementaux. Ce n'est pas cette subvention qui permettra à ce marché d'accaparer 25% des ventes de nouveaux véhicules au Québec. C'est plutôt le développement technologique, c'est-à-dire la capacité de l'industrie à produire des véhicules fiables, utiles, et ce, à un prix compétitif. En attendant, le gouvernement Charest se sert de l'argent des contribuables pour satisfaire quelques «verts» qui, de toutes façons, auraient privilégié ce type de véhicule avec ou sans subvention.

Daniel Gill

Professeur agrégé à l'Institut d'urbanisme de l'Université de Montréal

INITIATIVE INTELLIGENTE ET PERFORMANTE

Cette initiative est des plus intelligente et performante pour diminuer notre production de GES, car penser que le remplacement de la voiture par une autre forme de transport relève de la pensée magique. Dans un contexte où l'espace et les temporalités sont totalement éclatés, il est illusoire de croire que les transports collectifs tels qu'on les conçoit actuellement puissent répondre aux besoins de mobilité des individus de la grande région métropolitaine. Ceci ne veut pas dire que les transports collectifs n'ont pas leur utilité, bien au contraire. Quant à ceux qui prévoient la disparition de l'automobile avec la hausse du prix du pétrole, comment peut-on penser que les BMW, Mercedes et autres Toyota de ce monde vont se faire éternellement dicter la joute par les pays arabes? Il est surprenant que la promotion de la voiture électrique ne soit pas apparue bien avant, compte tenu de notre contexte hydro-énergétique. Pour des raisons écologiques et économiques, il faut modifier le mode de consommation de nos voitures très rapidement. Ce programme ne devrait donc pas se limiter à seulement 10 000 véhicules. Pour réduire les coûts du programme, et faire en sorte que cela rapporte à l'ensemble des Québécois, il faudrait par contre revoir de façon intelligente nos grilles tarifaires d'électricité qui devront tenir compte de cette nouvelle réalité.

Daniel Gill

Nicolas Girard

Député péquiste de Gouin et porte-parole de l'opposition officielle en matière de transports

UN PLAN IRRÉALISTE

Comme la plupart des experts dans le domaine, je trouve irréaliste l'objectif fixé par le gouvernement libéral pour les voitures électriques. Il y a deux ans, ce gouvernement voulait révolutionner le monde des transports en autorisant certains modèles de véhicules électriques. Or, les résultats de 2010 sont très décevants : à peine 42 véhicules électriques ont trouvé preneur sur un total de 421 000 automobiles vendues. Le même gouvernement veut nous faire croire qu'il fera passer le nombre à 118 000 d'ici 2020. C'est de la pensée magique ! D'autant plus que dans le dernier budget Bachand, l'offre de rabais à l'achat d'un véhicule électrique n'est disponible que pour 10 000 voitures sur une période de quatre ans. Cela représentera 0,6% des ventes annuelles au cours des quatre prochaines années au Québec. L'autre problème majeur, c'est qu'à l'heure actuelle, les constructeurs ne sont pas en mesure d'offrir un nombre important de véhicules électriques sur le marché. Malheureusement, je déplore le fait que depuis 2003, le gouvernement libéral n'a pas exercé le leadership nécessaire pour développer une filière québécoise de la voiture électrique. Nous avons le talent et le potentiel pour y arriver mais le gouvernement a encore manqué une belle occasion de se donner les moyens d'atteindre ses objectifs.

Photo: archives PC

Nicolas Girard, député péquiste de Gouin

François Bonnardel

Député de Shefford

DE LA PENSÉE MAGIQUE

Dans un contexte où le prix de l'essence est à la hausse et où nous devons réduire les émissions de gaz à effet de serre, le développement des transports électriques est incontournable. Cependant, si tous s'accordent sur ce point, nous devons trouver les moyens les plus appropriés, et surtout les plus réalistes, pour arriver à nos fins. Si la volonté du gouvernement est louable, son objectif est complètement irréaliste. Comment penser que 25% des nouvelles voitures vendues d'ici 2020 seront des modèles électriques rechargeables alors qu'il n'y en a pas encore une seule disponible sur le marché? En comptant de plus les longs délais de recharge et l'autonomie très limitée de ce type de véhicules, il est évident que le gouvernement ne respectera pas sa promesse. Et malgré le rabais promis par le gouvernement à une partie des nouveaux acheteurs, le prix de ces voitures reste élevé, puisque cette technologie est très chère à développer. Bref, il semble évident que le gouvernement voulait avant tout faire une autre belle opération de relations publiques. Malheureusement pour lui, son projet qui relève de la pensée magique n'aura convaincu personne.

Photo Archives La Voix de l'Est

François Bonnardel