Le Parti conservateur a promis des baisses d'impôt aux parents d'enfants mineurs mais, fait inusité, ces réductions ne seraient pas consenties avant 2014 ou 2015, lorsque le déficit serait effacé. À votre avis, quelle valeur peut-on donner à une promesse électorale qui ne prendra effet que dans trois ou quatre ans?

Les textes doivent être signés. Maximum de 150 mots.

Francine Laplante

Femme d'affaires, présidente de la fondation des Gouverneurs de l'Espoir.

J'EN AI BESOIN MAINTENANT

Formuler une telle promesse électorale n'est en fait rien de moins que rire de l'intelligence des électeurs. Comment notre premier ministre peut-il oser nous proposer une telle baisse d'impôt pour 2015? Croit-il vraiment, ne serait-ce qu'un instant, que cette promesse influencera le choix des électeurs? Si la réponse est positive, c'est qu'il nous prend vraiment pour des imbéciles à qui il est possible de passer n'importe quel sapin, et cela est très, très inquiétant. M. Harper vient de perdre le peu de crédibilité qu'il lui restait. Il faut être désespéré pour formuler de telles promesses. En 2015, quatre de mes cinq enfants auront atteint l'âge adulte; d'ici là, je vais continuer à travailler d'arrache-pied pour les nourrir, les loger, les éduquer et faire en sorte qu'ils deviennent des adultes responsables et autonomes. Ce n'est pas en 2015 que je vais avoir besoin du soutien de mon gouvernement, c'est plutôt maintenant...

Jean-Claude Hébert

Avocat.

AUCUN RISQUE POUR LES CONSERVATEURS

Convenons donc que cette nouvelle forme de promesse électorale est imaginative. Nul doute que les conseillers en communication du Parti conservateur sont d'avis que cet engagement, aussi furtif qu'éloigné, laissera tout de même quelques signaux positifs dans l'esprit d'une frange de l'électorat. Cette promesse non contraignante ne comporte aucun risque pour le gouvernement Harper, tant elle est éphémère et vaporeuse. Par contre, elle permet au premier ministre d'afficher (sur un présentoir familial) sa préoccupation pour la classe moyenne. De la sorte, il espère atténuer l'effet négatif de ses baisses d'impôt pour les entreprises et ses dépenses (cachées) effrénées dans la quincaillerie militaire et ses investissements contre-productifs dans la construction et l'entretien des prisons. Je doute fort que, majoritairement, les électeurs de la classe moyenne vont avaler une telle couleuvre.

Mathieu Bock-Côté

Chargé de cours en sociologie à l'UQAM.

RÉAPPRENDRE LE LONG TERME

Le Parti conservateur vient de promettre des baisses d'impôts dans quatre ou cinq ans pour une partie des familles canadiennes. Plusieurs se sont gaussés, peut-être trop rapidement. Pour deux raisons. La première: à moins de faire preuve d'irresponsabilité, on reconnaîtra que les caisses de l'État sont vides et que la parcimonie s'impose dans l'usage des deniers publics. Les campagnes électorales favorisent naturellement une croissance de l'État alors que ce dernier devrait s'astreindre à une cure minceur. Attendre le retour à l'équilibre budgétaire avant d'engager de prochaines dépenses devrait normalement aller de soi. La deuxième: on demande souvent aux politiciens de voir à long terme. Pourtant, les promesses électorales doivent être conformes à l'exigence du «tout, tout de suite». Les politiciens devraient se déprendre de la logique de perpétuelle urgence et ne plus considérer la société comme un amoncellement de clientèles à satisfaire immédiatement, selon les revendications des nombreux lobbies, mais intégrer le souci du long terme dans leurs décisions. Les deux précédentes considérations ne préjugent pas de la valeur de cette promesse conservatrice particulière. Mais gouverner à partir d'un principe de rigueur budgétaire conjugué à un principe de long terme devrait être à la portée de tous les partis.

Mélanie Dugré

Avocate.

DES PAROLES EN L'AIR

J'ai écrit lors d'un débat la semaine dernière que la présente campagne électorale sera le festival des promesses en l'air. Nous en avons une première preuve avec cette annonce de réduction d'impôts pour les parents d'enfants mineurs qui ne sera effective que dans trois ou quatre ans. Voici une promesse sans odeur, sans couleur, sans saveur, mais surtout sans valeur. Si j'étais cynique, je dirais que les conservateurs ne s'engagent à rien du tout avec cette annonce puisque si la tendance se maintient, nous élirons à nouveau un gouvernement minoritaire qui aura été renversé au moment où cette mesure devra entrer en vigueur. Je préfère toutefois le réalisme au cynisme. Je peux témoigner que la réalité des parents d'aujourd'hui se vit ici et maintenant, pas dans cinq ans. C'est maintenant que nous avons besoin d'être reconnus et épaulés par notre gouvernement qui, visiblement, n'accorde que peu de valeur au fait que nous contribuons à former les adultes de demain. Le parti de Stephen Harper nous envoie le message que les familles canadiennes sont bien loin sur sa liste de priorité et que dans ce domaine, la procrastination a bien meilleur goût.

Jana Havrankova

Endocrinologue.

MESURE RÉGRESSIVE

Oyez, oyez, je ferai peut-être quelque chose pour vous dans quelques années! Les conservateurs promettent d'instaurer la possibilité de fractionnement des revenus pour les parents des enfants mineurs lorsque le déficit sera éliminé. Est-ce que cela signifie que si le déficit n'est pas éliminé, cette mesure n'entrera pas en vigueur? Par ailleurs, cette mesure profiterait principalement aux familles où un des conjoints, majoritairement la femme, reste à la maison. Le fractionnement de revenu ne sera pas très profitable si les deux parents travaillent et gagnent des revenus similaires, ce qui est de plus en plus le cas. Stephen Harper nous propose-t-il sa préférence du modèle de famille où la femme reste à la maison? On pourrait appeler cela une mesure régressive pour l'indépendance financière des femmes. Par ailleurs, si les conservateurs forment un gouvernement minoritaire, qui ne durera pas plus de deux à trois ans, ils n'auront jamais à tenir cet engagement. Cette promesse en l'air ridiculise les conservateurs et démontre qu'ils prennent les citoyens pour des valises.

Martin Coiteux

Professeur au service de l'enseignement des affaires internationales à HEC Montréal.

ÉLIMINER D'ABORD LE DÉFICIT

Sur le fond, cette proposition règlerait une iniquité existante: à revenu familial identique de 80 000$ par exemple, un couple dont l'un gagne 60 000$ et l'autre 20 000$ paie plus d'impôt qu'un couple dont les deux gagnent 40 000$. Il en coûterait trop cher au Trésor public de corriger cette iniquité pour l'ensemble des couples, d'où l'idée de ne l'appliquer qu'aux seuls couples parents d'enfants mineurs. Les familles qui en bénéficieront le plus sont celles dont l'un des deux conjoints choisit de s'occuper des enfants à la maison. Il s'agit sans l'ombre d'un doute d'une clientèle cible pour les conservateurs. Concernant la forme, le délai dans l'application de la mesure, 2015 dans l'hypothèse où le déficit ne sera éliminé qu'à cette date, donne l'occasion aux libéraux et néo-démocrates de contre-attaquer puisque tous deux disent vouloir dépenser maintenant et non en 2015, en utilisant l'argent que rapporterait un retour du taux d'imposition des sociétés à 18%. Les conservateurs devront donc insister sur le caractère responsable de leur promesse, attendre l'élimination du déficit, tout en démontrant que la baisse du taux d'imposition des sociétés aura un coût fiscal négligeable au cours du prochain mandat, puisque celle-ci stimulera la croissance économique.

Jean-Pierre Aubry

Économiste.

OÙ DEVRA-T-ON COUPER?

Quelle sera l'ampleur des coupes de programmes engendrées par cette promesse? Plus la mise en place d'une telle mesure est éloignée dans le temps, plus la probabilité qu'elle soit mise en place comme prévu à l'origine est faible. Si, comme le dit Stephen Harper, il est vrai que cette mesure doit être mise en place dès que le surplus budgétaire sera suffisant pour absorber son coût annuel (2,5 milliards de dollars), cette mesure aurait dû être incluse dans le plan budgétaire 2011, dans l'exercice 2015-2016, puisque le gouvernement planifie y avoir un surplus de plus de 4 milliards de dollars, sans celle-ci. Pour évaluer l'apport de cette baisse d'impôt pour les familles sur le bien-être des Canadiens, il faut non seulement tenir compte de son apport direct, mais aussi de l'effet négatif des coupes de dépenses de 2,5 milliards de dollars qui seront nécessaires pour permettre sa mise en place, sans compromettre le maintien d'un surplus budgétaire minimum. Le gouvernement doit discuter de ces coupes et de leurs effets.

Nicole Demers

Candidate du Bloc québécois dans Laval.

UN RECUL DE 50 ANS

Les réactions entendues immédiatement dans la foulée de cette annonce illustrent fort bien l'esprit qui l'anime: alors que les fiscalistes et les groupes progressistes, telle la Fédération des femmes du Québec, décrient cette promesse puisqu'elle nous projette un demi-siècle vers l'arrière en invitant implicitement les femmes à retourner à la maison, le groupe traditionaliste REAL Women applaudit... précisément pour la même raison! En outre, Stephen Harper fait preuve d'un culot peu commun en proposant un crédit d'impôt auquel personne n'aura droit avant 2015. Il dit ainsi aux gens que, non seulement ils doivent voter pour lui lors des élections de 2011 pour espérer en bénéficier, mais ils devront également voter pour lui lors de la prochaine. Et encore là, pourvu que les experts se trompent, eux qui sont nombreux à croire que l'objectif d'un budget équilibré pour 2015 est bien trop optimiste. Bref, voilà une mesure bien peu engageante pour une promesse que les conservateurs traînent dans leurs bagages depuis 2005. Une promesse qui s'inscrit également très bien dans la vision idéologique bien à droite derrière laquelle se rassemble la base militante du parti de Stephen Harper. Cette vision, on l'a vu immédiatement, les Québécois n'en veulent pas.

Thomas Mulcair

Candidat néo-démocrate dans Outremont.

DES EFFETS PERVERS

Le NPD est préoccupé par l'avenir des familles canadiennes, notamment celles qui ont durement été touchées par la récente récession. Celles-ci sont à la recherche, dès maintenant, de solutions pratiques et de mesures concrètes qui peuvent les aider à boucler leur budget. C'est ce que le NPD entend faire: offrir aux familles canadiennes du leadership digne de confiance. La mesure annoncée par Stephen Harper, qui n'entrera en vigueur que dans quatre ans, est loin d'être progressiste. Non seulement il s'agit d'un cataplasme qui ne réglera aucun problème dans l'immédiat mais, en plus, cette mesure comprend des effets pervers tels que celui de renforcer la dépendance économique des femmes envers leur mari. Les familles qui ont immédiatement besoin de ces mesures d'allègement fiscal n'en bénéficieront jamais puisque leurs enfants auront, d'ici là, atteint la majorité. Dans le même temps, le Parti conservateur demande à ces familles de payer une facture de plus de 16 milliards de dollars pour des avions de combat, sans aucun appel d'offres et sans examen approfondi des besoins militaires réels du Canada. Finalement, il n'est pas nécessaire d'attendre encore quatre ans pour se rendre compte qu'Ottawa ne fonctionne plus. Il est temps de changer les choses.

Steven Blaney

Candidat conservateur dans Lévis-Bellechasse.



UNE VISION À LONG TERME



Depuis son entrée en fonctions en 2006, le gouvernement conservateur de Stephen Harper ne cesse de réduire le fardeau fiscal des familles canadiennes, car nous savons que le budget familial est souvent serré. Pour réduire le fardeau fiscal des familles et offrir le vrai soutien pour les gens de toutes les régions du Québec, notre gouvernement a réduit la TPS de 7% à 5%, créé la prestation universelle pour la garde d'enfants, qui offre 1200$ par année par enfant, créé le crédit d'impôt pour la condition physique des enfants et le crédit d'impôt pour les activités artistiques des enfants, des crédits de 500$ par enfant afin de supporter le coût des activités sportives et culturelles des enfants. Cependant, dans une perspective de développement durable, nous nous devons de lutter contre le déficit. Nous ne pouvons laisser à nos enfants un fardeau fiscal pour des avantages desquels ils ne pourront jamais participer. C'est pourquoi notre ministre des Finances a présenté la seconde phase du plan d'action économique avec un retour à l'équilibre budgétaire en 2015-2016. Et cette mesure s'inscrit donc parfaitement dans une vision économique à long terme sous un leadership conservateur.