Peu importe le parti qui sera porté au pouvoir, quel type de gouvernement souhaitez-vous qu'on élise aux prochaines élections fédérales: minoritaire ou majoritaire? Lequel servirait le mieux les intérêts des Canadiens?

LES COMMENTAIRES DOIVENT ÊTRE SIGNÉS. MAXIMUM DE 150 MOTS.

Richard Vigneault

Consultant en communication et membre de l'Idée fédérale.

MINORITAIRE, UNE POLICE D'ASSURANCE

Les Canadiens ont redécouvert les vertus d'un gouvernement minoritaire. Maintenir le gouvernement en danger est une police d'assurance pour empêcher les excès du parti au pouvoir. La prime à payer, c'est plus d'élections. Le statut de minoritaire aura tempéré les penchants à droite de l'aile conservatrice du gouvernement Harper et l'aura forcé à se rapprocher du centre où les compromis représentent un moindre mal. Le cynisme envers la classe politique, le désintérêt pour les affaires publiques, la spécialisation à outrance des lobbys et des causes (environnementalistes, armes à feu, antinucléaires, pacifistes, etc.) et la désaffection des urnes sont des facteurs qui favorisent l'élection d'un gouvernement minoritaire. Cela n'a pas empêché M. Harper de gouverner selon ses principes, la faiblesse des oppositions ne l'ayant jamais privé de sommeil. Quant au Bloc québécois, éternel gérant d'estrade, on s'émerveille de l'ouverture de la démocratie canadienne qui permet à un parti antifédéraliste d'occuper 50 sièges dans un parlement... fédéral! Pour ce parti, que le gouvernement soit majoritaire ou minoritaire ne change rien, car il est avant tout l'ennemi du Québec. Dans ce pays-continent, il serait toutefois souhaitable qu'un gouvernement, majoritaire ou minoritaire, dispose d'une représentation équilibrée, avec des élus dans la plupart des régions.

Francine Laplante

Femme d'affaires, mère de cinq enfants, présidente de la fondation des Gouverneurs de L'Espoir.

MAJORITAIRE, POUR DES ORIENTATIONS CLAIRES

Peu importe notre allégeance politique, je crois pertinemment que dans l'intérêt de la société, l'élection d'un gouvernement majoritaire soit fortement souhaitée. Imaginez un instant que le gouvernement que nous avons choisi pour nous représenter ait été élu à plus de 75% de majorité. Imaginez un instant que le taux de participation des électeurs frôle le 75%... Utopique? Irréaliste? En effet. Pour l'instant, dans le contexte actuel, nous avons les élus que nous méritons. Nous sommes incapables de donner un mandat clair et défini, nous n'arrivons pas à trancher de façon drastique et décider qui nous voulons pour gérer notre avenir! Élire un gouvernement majoritaire donnerait aux Canadiens le pouvoir de décider enfin des orientations qu'ils veulent prendre. Un gouvernement majoritaire nous permettrait d'avancer plutôt que d'être divisés... Pour ce faire, il faut aller voter. Pour ce faire, il faut se faire entendre. Pour ce faire, il faut arrêter de penser que tout est du pareil au même et que peu importe qui sera au pouvoir, rien ne changera vraiment. Le pouvoir de changer les choses est entre nos mains à nous, Canadiens. Tant et aussi longtemps que nous n'assumerons pas de façon obligatoire notre devoir de citoyen en exerçant notre droit de vote, rien ne changera.

Louis Bernard

Avocat, consultant, ancien haut fonctionnaire au gouvernement du Québec.

MINORITAIRE, PAR DÉFAUT

Dans les circonstances politiques actuelles au Canada, il vaut mieux avoir un gouvernement soumis à une surveillance constante qu'un gouvernement pouvant faire à sa tête, sans personne pour le bloquer ou, à tout le moins, le faire réfléchir. Aucun des trois grands partis fédéraux n'a de politique qui corresponde aux désirs ou aspirations du peuple québécois. Le Parti conservateur, en particulier, est porteur d'une philosophie politique qui est inspirée de la mentalité néolibérale américaine qui prévaut dans l'Ouest canadien. Or cette philosophie est aux antipodes de celle qui prévaut au Québec, même chez les libéraux fédéralistes. Malheureusement, c'est présentement le seul parti pouvant espérer former un gouvernement majoritaire. À défaut de pouvoir compter sur un gouvernement majoritaire qui puisse mettre de l'avant une politique qui favorise les intérêts du Québec, il vaut mieux se contenter du «moins pire»: un gouvernement minoritaire, quelle qu'en soit la couleur.

Mathieu Bock-Côté

Chargé de cours en sociologie à l'UQAM.

MAJORITAIRE, POUR UNE NORMALISATION

On a souvent dit que les Canadiens souhaitaient l'élection de gouvernements minoritaires. Il s'agit d'une erreur de perspective. On peut légitimement supposer que les électeurs souhaitent l'élection d'un gouvernement majoritaire de leurs partis respectifs. En fait, les gouvernements minoritaires à répétition sont symptomatiques d'une profonde division du Canada. Le Canada n'a plus de «natural governing party», un rôle longtemps joué par le PLC qui n'en n'a plus les moyens et aujourd'hui convoité par le Parti conservateur, sans vraiment y parvenir. Il n'est pas impensable toutefois que ces élections consacrent la réussite de ce dernier. La gauche, actuellement dispersée entre le PLC et le NPD, aura probablement à se poser la question de son unité, une question que s'est posée la droite tout au long des années 1990. Mais la culture politique des deux partis semble difficilement conciliable. À tout le moins, le retour à un gouvernement majoritaire consacrerait une certaine normalisation de la politique fédérale. D'un point de vue souverainiste, on se désolera que le Bloc ne soit pas vraiment parvenu à tirer avantage de la période de flottement que nous venons de traverser en maximisant les tensions constitutionnelles, ce qui aurait peut-être permis le déblocage de la question nationale.

Jean-Claude Hébert

Avocat.

MINORITAIRE, DANS l'INTÉRÊT DE LA SOCIÉTÉ

Tout bien pesé, j'estime qu'il serait dans l'intérêt de la société canadienne d'élire un nouveau gouvernement minoritaire. Dans l'hypothèse où le Parti conservateur est réélu, il ne pourrait pas facilement mettre de l'avant l'ensemble de son programme politique qui, à tous les niveaux (social, juridique, économique et politique extérieure), caractérise tantôt un gouvernement de droite, tantôt un gouvernement d'extrême droite. La pire des hypothèses serait certainement l'élection d'un gouvernement conservateur majoritaire. La société canadienne connaîtrait alors une longue période de stagnation politique et de recul à tous les niveaux. Dans l'hypothèse où le Parti libéral est élu, il pourrait y avoir une ouverture intéressante à un gouvernement de coalition avec le NPD. De cette expérience pourrait ensuite naître l'idée d'une fusion de deux formations politiques. Les électeurs québécois prendraient alors conscience de la valeur d'un vote positif en faveur d'un parti politique susceptible de leur offrir une place importante dans un gouvernement, lequel n'aurait d'autre choix que de tenir compte (de façon active) de leurs intérêts. Ce n'est pas au Parlement que se prennent les décisions importantes d'un gouvernement. Ce sont les ministres venant du Québec qui peuvent bien servir les intérêts des Québécois.