Vous avez été nombreux à commenter l’éditorial de Stéphanie Grammond « Les médecins fantômes », publié le 17 octobre dans la section Contexte. Voici un aperçu des courriels reçus.

Lisez l’éditorial de Stéphanie Grammond

Où sont les infirmières praticiennes ?

Où sont les infirmières praticiennes de première ligne ? Il y a encore beaucoup de résistance à une pratique interprofessionnelle qui serait plus efficace pour le bien de tous. Une meilleure utilisation de leurs compétences est sans contredit une avenue à mettre en œuvre. Par ailleurs, il faut souligner que le terme « médecin de famille » est tout à fait inapproprié. Les médecins ne suivent pas les familles. Il faudrait des cliniques familiales de première ligne intégrées dans les CLSC où divers professionnels travailleraient en collaboration pour un véritable suivi des familles et des aînés.

Nicole Ricard, infirmière retraitée

Aurais-je pu être diagnostiquée plus tôt ?

J’ai lu votre éditorial avec intérêt. Je suis une femme de 61 ans sans médecin de famille. Je me suis inscrite au guichet d’accès du gouvernement dès sa création, en 2015 ou 2016. Toujours pas de nouvelles. On parle donc d’une attente de 5 à 6 ans, soit de 1825 à 2190 jours, loin du délai moyen de 604 jours. J’étais une personne non vulnérable, sans problèmes de santé. Il y a un an, j’ai dû me rendre aux urgences pour des maux de ventre persistants. Diagnostique : cancer de l’ovaire agressif de stade 3-4. Je me demande encore aujourd’hui si j’avais eu un médecin de famille, aurais-je pu être diagnostiquée plus tôt ? Le médecin que j’avais consulté au sans rendez-vous, pour les mêmes maux, m’avait prescrit un simple test d’urine. Ce dernier semblait considérer mes malaises comme étant psychosomatiques. Cette personne ne me connaissait pas et ne m’a pas prise au sérieux. Il m’a fait douter de ce que je ressentais réellement. Je fais maintenant partie des personnes vulnérables. Et j’attends toujours.

Ginette Archambault

Sans médecin depuis 2018

Ma conjointe et moi, 69 et 66 ans, en bonne santé, sommes sans médecin de famille depuis 2018, et le système qui, auparavant, nous donnait une date possible pour avoir un médecin, depuis le printemps nous répond qu’il n’est plus en mesure de prévoir quand nous aurons un médecin. Belle réussite des différents gouvernements !

Joël Halou

Le fossé entre la moyenne et la réalité

Je suis un patient que l’on qualifie de non vulnérable et quoique la moyenne est de 604 jours, ça fait 1302 jours dans mon cas. Je comprends très bien ce qu’est une moyenne, mais il y a un méchant fossé entre une moyenne de 604 jours et la réalité de 1302 jours.

Robert Ahier

Une vraie première ligne

Exit les médecins de famille qui ne remplissent pas leur mandat, vive les infirmières praticiennes spécialisées ! Elles coûtent moins cher et ont plus de temps à accorder aux patients. Elles devraient être présentes en masse dans tous les CLSC, en équipe avec des infirmières cliniciennes, des travailleuses sociales, etc. Nous aurions alors une vraie première ligne !

Éric Robert

Retraite sans relève

Je suis tout à fait d’accord. Étant moi-même médecin spécialiste, je dois souvent pallier le manque de médecins de famille. Et le fait que des médecins puissent prendre leur retraite sans s’assurer qu’un collègue prendra la relève est inadmissible ! Si un de nos collègues quitte la pratique, le reste de l’équipe doit prendre en charge ses patients. Ce devrait être de même avec les médecins de famille.

Danielle Talbot, hémato-oncologue, CISSS de Laval

Problème structurel et sociétal

Le problème est structurel et sociétal. Les jeunes médecins sont majoritairement des femmes qui, très vite, au début de leur pratique, ont des enfants et s’arrêtent plusieurs mois. Et quand elles recommencent à travailler, elles font moins d’heures en raison de la charge familiale. De plus, tous les jeunes médecins doivent travailler au moins 12 heures par semaine au public, soit aux urgences, en hospitalisation ou en CHSLD. Sans compter que les jeunes favorisent la conciliation travail-famille, donc veulent moins travailler. Pour ce qui est des patients sans médecin de famille, leur nombre va augmenter avec les nombreuses retraites. Les jeunes médecins ne pourront pas absorber tous ces patients.

André Rodrigue

Je n’y crois plus

J’avais une médecin de famille, mais chaque fois que j’appelais pour prendre rendez-vous, sa secrétaire me disait que son horaire était complet et de rappeler dans un mois. Le 1er du mois, j’appelais donc pour me faire dire que c’était complet, de rappeler le mois suivant. Et ainsi de suite. J’ai bien demandé qu’on me donne un rendez-vous dans deux mois, s’il le faut, mais la dame m’a expliqué qu’elle n’ouvre l’horaire qu’un mois à la fois. Un non-sens ridicule ! J’ai demandé qu’on me retire de sa liste de patients puisque je n’avais pu la voir depuis cinq ans. Je suis sur la liste d’attente d’un médecin depuis trois ans. Je n’y crois plus. Depuis huit ans, c’est donc aux urgences que je vais…

Alan Charles

Impliquer davantage les infirmières

En tant que médecin spécialiste, je suis bien placé pour constater que l’absence de prise en charge par les médecins de première ligne a des conséquences importantes sur tout le système. Je dois continuer de suivre plusieurs patients qui n’ont pas de médecin de famille pour des problèmes de santé relativement mineurs, ce qui m’empêche de voir des patients qui auraient besoin de mon expertise. La pandémie et le départ à la retraite de nombreux médecins de famille âgés qui s’occupaient d’un nombre important de patients empirent le problème. D’autant plus que ces patients abandonnés deviennent presque toujours orphelins à leur tour. De plus, un autre effet pervers de l’augmentation de la rémunération globale, en plus de la limitation des patients suivis, est le départ plus précoce à la retraite. Si les médecins de famille qui prenaient leur retraite à 70 ans il y a quelques années la prennent maintenant à 60 ans, c’est l’équivalent de 10 ans, ou de quasiment le quart de la « durée de vie au travail » d’un médecin qui part en fumée, donc rien pour régler le problème à long terme… La seule solution que je vois à ce problème, en plus des solutions que vous avez mentionnées, est d’impliquer davantage les infirmières dans la prise en charge et le suivi des patients. Tout l’aspect du dépistage des patients pourrait être fait sans l’implication des médecins de première ligne, et permettrait de prévenir plusieurs problèmes à long terme. Pourquoi un patient doit passer par un médecin pour avoir un dépistage de diabète ou de cancer du côlon ? Mais comme ce sont ces patients simples qui sont payants pour les médecins, et que nous sommes déjà en manque de personnel dans le réseau, ce n’est pas demain la veille que le problème sera résolu !

Le DLuc Lanthier, spécialiste en médecine interne générale, CIUSSS de l’Estrie-CHUS