Nous avons reçu environ 150 commentaires à propos de l’éditorial de Vincent Brousseau-Pouliot « Rater le train ». La vaste majorité des lecteurs de La Presse sont en désaccord avec le projet de train à grande fréquence (TGF) dévoilé par le fédéral la semaine dernière. Voici un aperçu de leurs critiques…

Un retard de 60 ans sur l’Europe

Après la réalisation du projet de TGF, le Canada sera, dans dix ans, au même niveau que l’Europe était en 1970, avec des trains pouvant atteindre des vitesses de pointe de 200 km/h. Nous aurons alors un retard de 60 ans sur l’Europe.

Jules Pleau, ancien vice-président de Bombardier, responsable des projets de TGV en Amérique du Nord

Des trains électriques, parfait compromis

Je ne suis pas tout à fait d’accord avec la plupart de vos affirmations.

Premièrement, je dois expliquer que j’ai été dans le domaine du transport ferroviaire à grande vitesse plusieurs années et j’ai eu la chance d’être en Chine pour participer à la création du plus grand réseau à grande vitesse au monde. Deuxièmement, je suis un utilisateur du train VIA dans le corridor Québec-Windsor.

Il est primordial de mettre en lumière que la mobilité est la clé dans la décision des moyens de transport. À quoi ça sert d’arriver à Québec rapidement si vous devez faire la file pour attendre un taxi à la gare du Palais ? Cela prend un moyen pour se rendre où on veut aller. Je donne par exemple Ottawa maintenant. Si je prends le train à la gare Centrale de Montréal, je vais arriver deux heures plus tard à la gare d’Ottawa. Je marche un peu et je prends le tramway sur la nouvelle ligne de la Confédération et cinq stations plus loin, je suis au centre de la ville. Je n’ai pas besoin de voiture !

Pour les réseaux de grande vitesse en Chine, il y a deux vitesses : 250 et 350 km/h. Si on oublie les choix politiques, la vitesse des trains est déterminée par le parcours et la quantité de voyageurs potentiels. Le trajet Guangzhou (Canton) – Shenzhen qui relie deux grandes villes populeuses du sud-est de la Chine a commencé à 200 km/h. Il y avait une très grande fréquence de trains. En utilisant les voies ferrées adaptées pour la vitesse, on peut aller de centre-ville à centre-ville. Depuis une ligne à TGV s’est ajoutée à partir de Hong Kong, mais tous les arrêts sont en périphérie des villes. Cela a coûté une fortune pour les tunnels et c’était beaucoup plus politique de relier Hong Kong à la Chine.

Pour ma part, je pense que l’on devrait relier les trajets Québec-Toronto à 250 km/h avec des trains électriques. C’est le meilleur compromis entre coûts et vitesse allouée. C’est d’ailleurs la décision en Allemagne alors que la dernière série de train grande vitesse, soit l’ICE4, est à 249 km/h (initialement pour éviter la certification européenne à 250 km/h). Il ne faut jamais oublier qu’avec le climat que nous avons au Canada, ce sont des coûts d’entretien énormes pour une ligne TGV. Il suffit de demander aux Russes qui tentent de faire des lignes TGV pour se rendre compte que cela coûte très cher.

Luc Roy, Verdun

Ridicule

Je suis tellement d’accord avec vous. Je vais régulièrement à Québec et parfois à Ottawa et, avec ce projet, je ne verrai aucune raison de ne pas prendre ma voiture. Surtout qu’une fois à la gare de la ville où je me rends, je ne suis pas encore rendue à destination, ce qui rallonge le trajet et devient ridicule. Je suis extrêmement déçue. Au point où on en est dans les dépenses, il me semble qu’on n’est plus à quelques milliards près ! Merci à l’avance de continuer à taper sur le clou.

Marie Beaulieu

Le TGF, gaspillage de fonds publics

Le choix d’un TGF plutôt qu’un TGV est une erreur stratégique importante et un gaspillage de ressources et de fonds publics.

Le TGF est une décision à courte vue qui exclut la compréhension de la dynamique des marchés où l’offre ferroviaire doit présenter un avantage concurrentiel certain et déterminant pour changer les habitudes des clients au niveau de leur choix de transport.

Le TGV propose cette alternative, pas le TGF qui est une version améliorée des services du siècle dernier.

Il n’est pas trop tard pour changer d’idée et investir dans une solution à long terme et viable qui aura vraiment un impact significatif sur le déplacement de la clientèle vers un mode de transport moderne et viable dans le temps.

Le TGV est la seule version viable pour une modernisation efficace des services ferroviaires sur le corridor Quebec-Toronto. Le tracé du TGV doit prévoir relier les aéroports de Québec, Dorval, Ottawa et Toronto afin d’avoir un réseau ancré dans la réalité des marchés.

Michel G Langlois, professeur titulaire au département de marketing de l’École des sciences de la gestion de l’UQAM

Ça sent les élections !

Ça sent les élections prochaines ! Auparavant on étendait du bitume sur les routes détériorées avant les élections, aujourd’hui il est préférable d’annoncer un TGF à moindre coût plutôt qu’un TGV trop coûteux. L’Europe développe ses infrastructures avec une vision à long terme, au Canada on développe en vue des promesses électorales tenues aux 4 ans… Ce projet de TGF de toute façon dormira sur les tablettes une fois les élections passées.

Daniel Vézeau

Une grave erreur

Le TGV aurait définitivement dû être la priorité écologique et économique du gouvernement du Canada. C’est le lobby de l’industrie aérienne qui doit se réjouir ! Ayant eu moi-même plusieurs fois l’occasion d’expérimenter l’efficacité des TGV en Europe comme au Japon, j’y voyais le seul moyen de rallier rapidement le grand public comme le milieu des affaires au transport ferroviaire par son confort et l’économie de temps de centre-ville à centre-ville.

Le choix de ce compromis de train à grande fréquence est une grave erreur témoignant d’un manque de vision stratégique et politique vraiment décourageant. Le TGV aurait été un meilleur investissement pour l’avenir de notre mobilité collective en décongestionnant rapidement nos autoroutes, nos aéroports et surtout notre bilan carbone !

Alain Simard

Passé date il y a 30 ans

Même en 1990, ce projet aurait été dépassé. Si le TGF ne peut concurrencer ni l’avion ni l’automobile, à quoi cela servira-t-il d’en augmenter la fréquence ? Sinon à accroître les coûts d’exploitation, donc condamner à jamais la rentabilité du TGF…

Certes, implanter le TGV coûterait beaucoup plus cher, mais en battant et l’automobile et l’avion, il deviendrait rentable à moyen terme en plus de contribuer à la lutte contre les changements climatiques. Cela est d’une évidence telle que je ne comprends pas du tout l’aveuglement (volontaire ?) d’Ottawa.

Jean Sansfaçon

Dans les deux cas, on déraille

Le TGV ou le TGF, dans les deux cas on déraille.

On a beau être le seul pays du G7 à ne pas avoir un TGV, nous sommes de 2 à 10 fois moins nombreux que les autres membres, et encore moins nombreux puisqu’on couvre seulement le Québec et l’Ontario.

Nous sommes en 2021, on devrait plutôt investir dans les nouvelles technologies pour favoriser des communications fluides et limiter les déplacements physiques pour réduire notre empreinte sur terre.

Rafic Nammour

De retour dans les années 1990

Je suis résidant de l’île de Montréal, mais originaire de la ville de Québec. J’ai également des amis à Toronto, donc ce projet de train TGF m’intéresse grandement. Pour avoir utilisé les services de VIA Rail à de nombreuses reprises, il est clair qu’une amélioration majeure doit avoir lieu sur ce corridor ferroviaire. Le fait de devoir passer 3 h 30 dans le train pour MTL-QC est ridicule, franchement démotivant et favorise l’utilisation de l’auto solo. Je dois dire que je suis déçu de ne pas constater que le Canada n’optera pour un TGV… Je me questionne vraiment sur les 65 milliards estimés par le gouvernement pour motiver son choix de rester dans les années 1990 avec un TGF… Est-il trop tard pour changer d’avis ? En 2030 allons-nous regretter amèrement cette décision ? J’ai fort l’impression que oui…

Louis-Alexandre C-Harbour

Toujours mieux que le troisième lien

Non, je crois que c’est un premier pas vers le transport en commun plus réaliste.

Oui, un TGV aurait été préférable, mais les coûts sont encore à l’étude et on est champions dans les imprévus, la facture finale serait gigantesque.

Donc, c’est un premier pas dans la bonne direction, l’étude du TGV se poursuit en parallèle et on aura une bonne idée de l’affluence des gens.

C’est toujours mieux que le projet d’un troisième lien Québec/Lévis.

Bonne réflexion,

Luc Langlois

Réaliste, prudent, mais peu ambitieux

Je suis d'accord. Le TGF reste une vision réaliste et prudente, mais peu ambitieuse. Le TGV, même s’il coûte plus cher, permettrait d’établir une offre de transport beaucoup plus convaincante. Par contre, je suis d’accord avec les arrêts à des villes de plus petite envergure comme Trois-Rivières. De plus, ce n’est pas tous les trains qui seraient obligés de s’y arrêter. Par exemple, en France, il y a des trajets express et d’autres plus « locaux ». Autrement dit, des trajets qui s’arrêtent à plus ou à moins de villes selon le cas.

Philippe Bilodeau

Les trains d’ici, un scandale

Les trains au Québec et au Canada font partie du plus grand scandale de tous les temps. Des milliards ont déjà été investis en études de toutes sortes sans qu’aucun projet substantiel soit mis de l’avant.

Pendant ce temps, on songe a un troisième lien à Québec, complètement à rebrousse-poil par rapport aux enjeux climatiques.

Imaginez un train partant de Montréal vers New York, Toronto et quatre régions du Québec : La Malbaie, Rimouski, Sherbrooke et l’Outaouais. Le Québec ne serait plus jamais le même et enfin, on pourrait arrêter d’augmenter le réseau routier.

Paul Lévesque

Bravo

Je dis bravo. Enfin une solution intelligente qui ne coûtera pas les yeux de la tête.

Compte tenu de la faible densité de population, le TGV aurait été une grande erreur.

Il est temps de cesser de rêver en couleurs. Les coûts annoncés aujourd’hui seront dépassés. C’est l’évidence même. Alors les coûts du TGV frôleront les cent milliards.

Est-ce logique dépenser autant pour si peu de voyageurs ?

Jean-Pierre Samson

Bluff électoral

Je crois que le gouvernement Trudeau n’a rien raté puisque ce fantasme ne se fera pas. Quand on parle de retard, on est plus en retard que l’on pense, les Asiatiques construisent des trains magnétiques (le premier en Chine – à Shanghai) a été mis en service en 2002… et ici, on parle de trains lents et à grande fréquence ! Évidemment que c’est un bluff électoral !

Jean-Guy Dalpe

Lobby aérien et espace terrestre

Il y a selon moi deux choses qui expliquent ces choix. Premièrement le lobby des compagnies aériennes y est certainement pour beaucoup dans ce projet ; les temps de déplacement n’étant pas raccourcis significativement vont favoriser le choix des voyageurs en faveur de l’avion. Deuxièmement le fait que pour d’obscures raisons le gouvernement ne soit jamais capable d’obliger les compagnies ferroviaires à lui céder de l’espace fait en sorte que les coûts explosent. Ce dernier point devrait faire l’objet d’une révision en profondeur des privilèges dont jouissent les compagnies ferroviaires.

Jacques Lavallée

Lisez l’éditorial de Vincent Brousseau-Pouliot « Rater le train »