Vous avez été nombreux à réagir à l’éditorial de Stéphanie Grammond « Plus que du papier collant » * qui lançait notre série sur la santé réinventée. Voici un aperçu des pistes de réflexion soumises par les lecteurs de La Presse.

S’inspirer d’Israël

Le cœur du problème est le coût par personne. Croire que les médecins et les syndicats corporatistes vont avoir une révélation ? Réinventer la roue à la mode québécoise ? Êtes-vous aussi sceptique que moi ? Pourquoi ne pas s’inspirer d’Israël ? Un pays moderne, 8 millions d’habitants, trilingue, système de santé universel, 100 % des coûts payés par l’État, coût par personne moitié moindre que celui du Québec. Qui dit mieux ?

Robert Lapointe, ex-DRI de HGJ

L’éléphant dans la pièce

L’éléphant dans la pièce, c’est la rémunération à l’acte des médecins. Le système de santé le plus cher au monde est celui des États-Unis et ils ont aussi la rémunération à l’acte. En France, les médecins sont à salaire et ils font des visites à domicile !

Jean-Luc Landry

Plus de place aux traitements non médicaux

En santé musculo-squelettique, il faudrait donner plus de place aux traitements non médicaux comme la physiothérapie, plutôt que de médicaliser à outrance tous les bobos avec des piqûres, des pilules et des opérations.

La prévention devrait commencer à l’école primaire en intégrant un cours de posture et d’ergonomie qui permettrait d’enseigner la meilleure façon d’éviter des blessures liées à nos métiers répétitifs ou constamment en position assise.

Eric Schlader, chirurgien orthopédique

Des consultations abusives

Je travaille depuis un an à Info-Santé comme infirmière retraitée. Ma réflexion est que les gens ne savent plus se soigner pour les soins de base et ont recours au médical à la moindre situation. Je me fais littéralement harceler pour avoir un rendez-vous médical réservé aux gens avec des symptômes de COVID-19 même si mon évaluation ne requiert pas cette consultation. Un ticket modérateur ou même le paiement complet d’une consultation abusive serait indiqué. Ce ne sont pas les personnes âgées qui abusent.

Solange Lafaille

Briser le monopole des médecins

D’accord avec vous sur l’économie par les services à domicile. Le problème, c’est une solution connue depuis des lustres… mais pas aussi flamboyante que la photo de l’agrandissement d’un hôpital ou d’un CHSLD. Par exemple, le PDG bien connu du CISSS de Lanaudière qu’on a vu une seule fois au plus fort de la pandémie… lors de l’inauguration d’un espace-jardin au CHSLD de Saint-Gabriel.

Pour ce qui est de la télémédecine, qui rapporte le même montant aux médecins qu’une rencontre en personne, il n’y a aucune économie. Au contraire, à défaut de rencontrer leurs patients, ils ou elles leur conseillent de se présenter aux urgences de l’hôpital, ce qui expliquerait que le temps d’attente aux urgences n’a pas diminué.

Une solution d’amélioration serait de permettre aux IPS (super-infirmières) d’avoir plus d’espace dans les soins. Au contraire, pour chaque IPS qui travaille en clinique, le médecin « superviseur » reçoit… 60 000 $ par année.

Une autre solution courageuse serait de briser le monopole des médecins ; si la commission Charbonneau a été utile pour la voirie, il faudrait peut-être une autre commission pour la santé…

Luc Dugas, Saint-Gabriel-de-Brandon

Des incohérences partout

Très bonne idée. La prévention me semble la meilleure première avenue. Les petites équipes interdisciplinaires peuvent faire des miracles en maintien à domicile. Les coopératives d’économie sociale permettent aux gens de demeurer à domicile plus longtemps à peu de frais.

Les médecins se croient obligés de prescrire bien des investigations peu utiles dans le but de se protéger des poursuites. Les budgets centralisés dans les capitales régionales sont loin des réalités locales. Les étudiants en médecine pourraient être davantage sensibilisés aux approches sociocommunautaires. La bonne connaissance des patients par un médecin de famille pourrait éviter bien des investigations. Les incohérences du système sont partout où l’on veut bien regarder. On n’aura pas le choix de tout mettre sur la table.

Michel Massé, Mont-Laurier

Taxer ce qui nuit à la santé

Beaucoup de choses à faire, mais chose certaine, il faut générer de nouveaux revenus et la taxation des produits nocifs pour la santé est un pas dans la bonne direction. Toutes les sucreries, toutes les croustilles, toutes les boissons alcoolisées ou non, toutes les charcuteries, tous les produits alimentaires transformés et tous les produits industriels nuisibles au bien-être comme les souffleurs à feuilles, les grosses motos cylindrées et les bateaux à gros moteurs qui polluent nos lacs et créent une ambiance stressante.

Denis Huard

Un coup d’œil aux CLSC

Depuis très longtemps, les soins à domicile auraient dû être renforcés. Nous, dans les hôpitaux, on a toujours pensé que les CLSC ne fonctionnent pas. C’est là que tout doit être réorganisé et, surtout, le maintien à domicile doit être mieux encadré. Qui va donc se mettre le nez là où tout doit commencer ?

Nicole Létourneau, infirmière à la retraite

Le partage de l'information

L’amélioration de la qualité, que ce soit des soins, de la gestion ou des banques de données, passe par le partage de l’information. Je viens d’un milieu, celui du nucléaire, où le partage de l’information est injecté comme un vaccin aux nouveaux employés et une foule de mesures de revue et d’évaluation ont été élaborées avec le temps. On sait tous qu’une erreur peut avoir des conséquences catastrophiques. Il y a dans le mode de gestion de l’énergie nucléaire un ensemble de mesures qui peuvent sûrement être adaptées pour s’appliquer dans le milieu hospitalier. Ça prendrait un changement majeur dans l’attitude des médecins… qui ne sont pas habitués à se faire défier.

Jean-Guy Dalpé

Penser au privé

Le développement massif des soins à domicile est LA solution qui permettra de désengorger des infrastructures qui seront de plus en plus insuffisantes et de ralentir la croissance exponentielle des dépenses de santé. C’est également la direction à prendre pour maintenir le bonheur et la dignité des personnes les plus âgées.

Il faut s’y attaquer rapidement, mettre en place le réseau et son financement. Et puisqu’il faut que ça aille vite et que ce soit fait efficacement, pourquoi ne pas introduire le secteur privé dans la solution ?

Érik Grandjean, économiste et chef d’entreprise

De saines habitudes de vie

Comme vous, je pense que la maîtrise économique de ce problème passe par la prévention des maladies chroniques en optimisant les habitudes de vie telles que combattre l’isolement social, le tabagisme, la malbouffe, la sédentarité, la pollution atmosphérique et sans doute quelques autres que j’ignore. Prévenir en partie ces problèmes de santé favoriserait le maintien à domicile.

J’assiste régulièrement en virtuel, comme jadis en présentiel, à des conférences scientifiques de scientifiques québécois, canadiens et internationaux sur ce sujet. Il serait utile et profitable de leur demander leur avis et de tenter à tout le moins de mettre en pratique ce qu’ils enseignent au sein de projets de recherche démontrant cet effet préventif.

Hugues Beauregard

La meilleure assurance mobilité

La prévention des maladies cardiovasculaires et du diabète demeure de loin le meilleur outil disponible pour juguler les coûts en santé chez une clientèle vieillissante.

De facto, en améliorant la condition physique des Canadiens, on leur procure une assurance mobilité, ce qui n’est pas négligeable, puisque l’absence d’autonomie est souvent liée à l’absence de mobilité.

La santé publique est en cause dans ce dossier des coûts médicaux. Même si les gyms étaient gratuits pour les 65 ans et plus, la grande majorité des aînés ne les fréquenteraient pas, il faut donc trouver une autre avenue.

Un aîné qui fait une marche tous les jours est celui qui marche depuis toujours, il faut donc trouver des incitatifs pour les jeunes avant qu’il ne soit malheureusement trop tard.

Christian Castonguay, Laval

Une leçon d’humilité

La crise de la COVID-19 aura montré à chacun la grande fragilité de notre système de santé. Le nombre restreint de lits (2 pour 100 000 habitants) nous classe au-delà du 100e rang mondial. Cette carence a pesé lourdement dans les choix politiques des 18 derniers mois.

Nous faisons face à deux problèmes majeurs :

1. Le manque de médecins tout d’abord. Vingt pour cent des Québécois n’ont plus accès à un médecin de famille. La santé de proximité leur est fermée. À chaque problème, l’urgence de l’hôpital est leur unique accès aux soins. Il est urgent d’augmenter le nombre de médecins et praticiens en ouvrant nos frontières et en supprimant toutes les « mises à niveau » humiliantes et stupides. Pensons-nous sérieusement qu’un médecin suisse n’est pas compétent au Québec ?

2. La gestion du système. Avec plus 6 % du PIB, le système de santé est financé à la hauteur des autres pays du G7. L’argent est là, mais ne va pas suffisamment à la première ligne. Elle se perd inexorablement dans les méandres de la bureaucratie sanitaire.

Si nous voulons garder un système de santé public, appliquons déjà ce qui se fait de bien en Ontario et en Colombie-Britannique. Utilisons les bonnes pratiques existantes au pays, avant de penser que le Québec trouvera tout seul le système parfait.

Le virage ambulatoire lancé il y a 25 ans, dont M. Legault aura été l’un des artisans comme ministre de la Santé, est un échec retentissant. Et si l’on commençait d’abord par une leçon d’humilité, loin de la suffisance nationaliste actuelle ?

Martin Soubeyran, Montréal

Le coût réel

Que chaque patient reçoive une facture ou un état de compte des services reçus. Comme ça, nous aurions une meilleure idée des coûts réels reliés aux services.

Stéphane Brosseau, Longueuil

*Lisez « Plus que du papier collant »