L’éditorial d’Agnès Gruda publié jeudi, « Élèves au travail pendant la pandémie : une erreur, vraiment ? », a suscité de nombreux commentaires. Voici un aperçu des courriels reçus.

Des jeunes utiles

Et si on n’avait pas eu tous ces jeunes dans les supermarchés pour nous livrer nos commandes, les préparer ? La pénurie de personnel n’aurait pas été seulement dans les CHSLD ou ailleurs. Je suis très contente d’avoir eu ces jeunes pour m’aider. Ç’a été très valorisant pour eux aussi.

— Carole Matte

Une catastrophe

J’aimerais bien avoir une conversation avec le ministre Roberge. Dès l’annonce de l’arrêt des cours, nous avons organisé un plan de travail pour notre fille de cinquième secondaire. Nous avons dépoussiéré nos manuels de sciences et grand-papa a repris du service et enseigne le cours de philosophie 101 à raison de trois séances d’une heure par semaine. 

Pour ce qui est de l’école, seule la professeure de physique a mis en place un processus qui permet la poursuite des apprentissages. Pour les autres, rien. C’est une catastrophe. On s’émeut facilement de l’annulation du bal des finissants, mais moins de l’annulation de l’obligation de l’école à encadrer ses élèves.

— Mathieu Deschênes, Boucherville

Une consigne absurde

Mes deux ados sont à l’école secondaire Jean-Raimbault à Drummondville. Cette semaine, ils ont récupéré leurs effets personnels. Au même moment, on leur a demandé de retourner les manuels scolaires, les livres de la bibliothèque et les instruments de musique (ils sont en concentration musique).

Vous voyez certainement le côté absurde de cette consigne : d’un côté, l’école devient obligatoire et d’un autre côté, plus de manuels scolaires, plus de livres et plus d’instruments ! Travailler chez Walmart devient tout d’un coup plus stimulant qu’étudier. Soit dit en passant, les enseignants de musique se sont opposés à cette collecte inutile des instruments. Plusieurs parents sont aussi intervenus auprès de la Commission scolaire, ce qui n’a rien donné par ailleurs. À la place de manuels scolaires, les matières sont envoyées en PDF, un format qui n’est pas vraiment attrayant sur une tablette ni sur un cellulaire.

Bref, la volonté est bien exprimée en haut, mais le contraire se passe en bas de la structure.

— Michael Magner

Le Ministère fait son travail

Nous sommes devant une situation complexe et jamais vécue. Le gouvernement fait des erreurs, mais s’ajuste et évolue avec celle-ci. D’une façon générale, je trouve que le ministère de l’Éducation fait du bon travail. Je comprends que les médias doivent faire leur travail et critiquent certaines décisions. Toutefois, je n’apprécie pas le ton accusateur utilisé par plusieurs journalistes et cette propension à chercher continuellement des bibittes et la controverse. 

— Michel Mathieu

Nous pouvons faire plus

J’ai trois ados à la maison et, pour ma part, je suis fière qu’ils se soient trouvé des projets qui les tiennent occupés et leur permettent de se sentir utiles : mon grand travaille quatre ou cinq jours par semaine dans une épicerie, le deuxième a un contrat pour promener des chiens chaque jour, et le troisième se fabrique des structures pour pratiquer le skateboard, puisque les skateparks sont fermés…

Leurs enseignants envoient des choses à faire, mais mes garçons ont très bien compris que c’était optionnel, alors c’est difficile de demeurer motivé. J’aime bien mieux les voir occupés qu’écrasés devant un écran toute la journée ! 

En plus, comme psychoéducatrice en milieu scolaire, disons que je ne ressens pas tellement le leadership de mon ministre dans toute cette pandémie : que propose-t-il pour éviter les risques de décrochage ? N’est-il pas possible de permettre une scolarisation à mi-temps (ou même moins) au secondaire et au cégep, par exemple, pour éviter les conséquences négatives de l’isolement social de certains jeunes ? Leur permettre de ressentir un sentiment d’appartenance ?

Nous sommes vraiment chanceux dans le milieu de l’éducation d’être payés pendant toute cette pandémie. Pourquoi ne pas en faire un peu plus, particulièrement avec les plus vieux ? 

— Catherine Legris

Travailler, c’est bien

Oui, comme vous, je pense qu’il y a eu des erreurs de parcours. Je crois qu’on ne s’attendait pas à ce que cet arrêt soit si long. Qui le savait ? Moi, non. Toutefois, je pense que chacun fait de son mieux pour réussir à passer au travers. On ne doit blâmer personne ; tout le monde doit se retrousser les manches pour avancer vers demain.

Des jeunes ont choisi de travailler au lieu de perdre leur temps, c’est bien. Ils seront sûrement prêts à redoubler d’efforts pour aller chercher les connaissances qui leur manquent. Je suis certaine qu’ils vont le faire ; ils démontrent qu’ils ne restent pas là à se tourner les pouces.

— Johanne Coursol

Le public, le privé

Comme beaucoup d’intervenants du milieu de l’éducation, j’ai été estomaqué par la lenteur de mon système public à réagir lors de la fermeture des écoles, par opposition au secteur privé. Chez nous, nous attendions. Attendre du centre de services qui, lui, attendait du Ministère qui, lui, attendait de la Santé publique. Pourtant, au privé, tout le monde était au travail le 13 mars… 

— Alain Beaulieu, conseiller pédagogique

La leçon de trop du ministre Roberge

Il faut féliciter Agnès Gruda, qui a osé remettre en question la gestion chaotique du ministre de l’Éducation en ce temps de crise.

Hier, celui-ci a grondé les élèves et leurs parents quand on lui a dit que de nombreux jeunes ont décroché de l’enseignement en ligne pour aller travailler dans différents commerces. Ce ministre semble incapable de prendre la part de responsabilité qui lui revient dans la situation actuelle. Sur son fil Facebook, il tentait encore par la suite de corriger le tir, maladroitement.

Comment peut-il blâmer des jeunes pour une situation qu’il a lui-même créée ? Rarement a-t-on vu autant de tergiversations de la part d’un ministre. L’argument que « personne ne voudrait être à sa place » ne tient pas quand on regarde ce que d’autres ont fait ailleurs en de pareilles circonstances.

Comment se fait-il qu’après deux semaines où il a donné congé aux enseignants et aux élèves, le ministre soit revenu devant le personnel scolaire avec un plan d’action aussi pauvre et improvisé ?

Comment croire qu’on puisse donner un message cohérent et motivant aux jeunes quand, en six semaines, le discours ministériel passe d’« apprentissages facultatifs » à des apprentissages « fortement recommandés » pour finir par des « savoirs essentiels » ?

Une bonne gestion exige deux qualités : de la constance et de la cohérence. Venant d’un ancien enseignant, on se serait attendu à mieux. Pour bien des collègues, il était devenu gênant d’appeler les parents et les jeunes et de répondre à leurs questions concernant les actions du ministre Roberge. S’il avait fait lui-même de tels appels, le député de Chambly aurait pris la pleine mesure de la crise que nous traversons et aurait fait preuve de plus de bienveillance et d’empathie à l’égard de nombreux Québécois qui vivent des situations de détresse fort complexes.

Pourquoi a-t-il refusé dès les premiers jours de la crise l’expertise reconnue de la commission scolaire de la Beauce-Etchemin qui fait du télé-enseignement depuis plus de 20 ans ? Son ministère peut-il offrir mieux ? Non.

Comment peut-on avoir confiance en un ministre qui affirme le plus sérieusement du monde que la plateforme L’école ouverte constitue une référence en télé-enseignement pour la francophonie, quand on sait qu’elle n’est qu’un collage de différents sites existant ici et là ? D’autres ressources en ligne, comme le site Alloprof, sont autrement plus intéressantes.

Pourquoi le ministre a-t-il attendu jusqu’au 27 avril pour mettre de l’avant un programme d’acquisition d’appareils électroniques favorisant le télé-enseignement, alors que l’Ontario avait déjà fait de même dès le mois de mars ? Avec un tel retard, est-il conscient que ces appareils n’arriveront dans les mains des jeunes qu’au mois de juin ? Sait-il que ce même retard empêchera les élèves les plus défavorisés de poursuivre leurs apprentissages, mais surtout d’améliorer leurs résultats scolaires, ce qui aurait pu éviter certains échecs au bulletin ?

S’il veut regagner sa crédibilité, le ministre doit impérativement présenter les différents scénarios qu’il entend mettre de l’avant en septembre, notamment en ce qui a trait à l’enseignement à distance.

Au moins quatre points essentiels doivent être connus dès le mois de juin : 

– Chaque jeune qui en a besoin recevra-t-il un appareil électronique avant le début des classes ?

– Gardera-t-on les mêmes programmes de formation ou conviendra-t-il de travailler maintenant à les modifier, comme le fait actuellement l’Ontario ?

– Comment s’effectuera l’évaluation en ligne ?

– Et surtout, comment arrivera-t-on à motiver les jeunes à poursuivre leurs apprentissages en ligne ?

Le ministre a toute une commande devant lui et, en sermonnant les parents et les jeunes, il a placé la barre très haut quant à ses prochaines actions.

— Luc Papineau, enseignant de français, L’Assomption

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