La lettre ouverte dénonçant la démolition de l’église Saint-Cœur-de-Marie à Québec et « le saccage de notre patrimoine bâti », signée hier dans nos pages par Yves Lacourcière, a beaucoup fait réagir nos lecteurs. Voici quelques réponses reçues.

Pas d’argent pour les entretenir

Si l’on veut conserver ce patrimoine religieux, il en coûtera beaucoup de sous, car beaucoup de belles églises au Québec sont fermées, faute d’argent pour les entretenir. Qu’adviendra-t-il de ces « éléphants blancs » ? Il ne faut pas trop blâmer les gouvernements, car l’argent, eux non plus n’en fabriquent pas.

— Pauline Viviers

Au Japon

Je reviens du Japon, où la sauvegarde et l’entretien des temples et des monuments sont une fierté. Jamais on n’envisagerait de remplacer une structure traditionnelle par des condos.

— Louis-Marc Simard

Un patrimoine encore à notre portée

Il ne semble plus possible de sauver ce magnifique et unique bâtiment de la ville de Québec. Par contre, les vitraux exceptionnels qu’il contenait ont été démontés et entreposés, donc récupérables. À défaut de sauver ce monument, il est impératif de restaurer et de reconstituer ces vitraux, au bénéfice de la population de Québec, mais également des visiteurs et des touristes.

Nous voyageons maintenant partout dans le monde et nous émerveillons de l’art dont font étalage les cathédrales, alors qu’il nous est possible de mettre en valeur le peu qu’il nous reste de notre patrimoine religieux.

Je souhaite que le ministère de la Culture ou un important mécène agisse rapidement afin de récupérer ces vitraux avant qu’ils ne soient mis en vente sur le marché international, si ce n’est déjà fait. Ce serait une perte importante de notre patrimoine religieux de Québec, et du Québec, alors qu’il est encore à notre portée.

— F. Grondin, Québec

Il faut être réaliste

C’est vrai que c’est bien triste, cette perte de notre patrimoine. Cela m’exaspère et me chagrine, mais en même temps, je me dis qu’il faut aussi être réaliste. Ce sont des bâtiments inoccupés qui doivent être chauffés et entretenus. Les coûts associés sont exorbitants, d’autant plus que le gouvernement doit tout assumer, puisqu’aucun touriste ne visite ces bâtiments patrimoniaux. Prôner la conservation, oui, je veux bien, mais il faut proposer en même temps un plan réaliste de maintien à niveau qui tienne compte de nos moyens collectifs d’assumer la facture.

— Serge Girard, Saguenay

Jésus ne doit pas être fier...

Oui, bel édifice, oui, conservons notre patrimoine. Par ailleurs, à quel prix ? Pour moi, ces beaux immeubles représentent l’abus, l’oppression, le contrôle dont été victimes les catholiques. Une religion misogyne qui s’est enrichie au cours des siècles sur le dos des fidèles. Jésus, un homme simple, qui prêchait la paix, le pardon et l’amour du prochain, ne doit pas être très fier des hommes qui ont pris sa relève.

— Jean Luc Lemieux, Piedmont

Une « route des églises »

Je suis d’accord avec vous sur la protection du patrimoine. Dans le cas présent, il s’agit d’une église. Pourquoi le gouvernement ne prendrait-il pas la charge de toutes les églises du Québec ? Ainsi, on serait certain qu’elles ne seraient pas à la merci des évêques qui veulent vendre, faute de fidèles. On protégerait ces lieux de culte qui ont marqué notre histoire. Je crois que Louise Beaudoin, du Parti québécois, voulait faire une « route des églises » comme il existe en France la route des vins. C’était une bonne idée.

— François Hamel

Que l’Église s’occupe des églises

Le patrimoine bâti religieux devrait être sous la responsabilité des communautés religieuses et non de l’État. Ces édifices, comme Saint-Coeur-de-Marie, ont pour la plupart été construits avec l’argent des paroissiens qui se sont souvent sacrifiés pour payer la dîme exigée par l’Église annuellement, sans compter l’argent recueilli auprès de ces mêmes paroissiens lors de la quête pendant les messes. Avec la désertion des églises et le manque d’argent qui s’ensuit, les communautés religieuses n’ont aucun scrupule à céder leurs édifices aux plus offrants plutôt que de piger dans les coffres très bien garnis du Vatican.

Aujourd’hui, avec la mouvance qui veut que l’État soit totalement indépendant de l’Église, je ne vois pas pourquoi les Québécois devraient payer pour conserver le symbole d’une institution qu’ils ont massivement rejetée depuis des décennies. Que les mécènes, les entreprises privées et l’Église s’en occupent.

— André Lebeau, Montréal

Des logements sociaux

Le taux de vacance des logements est à son plus bas. De nombreuses familles ne sont pas logées adéquatement et paient trop cher pour le logement. Pourquoi ne pas transformer nos églises et autres bâtiments en logements sociaux ? On éviterait de perdre notre patrimoine.

— Pierre C. Tremblay, Montréal

L’histoire, une bougie dont la flamme ne doit pas s’éteindre

Au-delà des grandes villes qui possèdent un riche inventaire patrimonial à sauvegarder, des dizaines de villages au Québec font face à la même insouciance de nos dirigeants.

Vous circulez dans un joli hameau au paysage de carte postale, mais sans savoir que derrière ce décor en apparence entretenu, il y a une histoire qui bientôt va disparaître, un patrimoine qui ne survivra pas au passage du temps.

Au Québec, on se moque des « vieilleries » et l’histoire ne signifie plus rien. Visitez Montebello, par exemple, lieu de résidence de notre fameux Louis-Joseph Papineau ; vous seriez étonnés de voir que certains bâtiments sont laissés sans entretien, en attente de leur dépérissement final, et ce, malgré citation et reconnaissance publique.

À quand un réflexe européen qui n’a de cesse de protéger son immense bassin patrimonial ? Circulez dans l’un ou l’autre de ces pays, et vous constaterez l’application stricte de l’adage « Touche pas à mon patrimoine. » Ils y tiennent. Chez nous, c’est le contraire, ne rien faire.

L’histoire est une bougie dont la flamme ne doit pas s’éteindre.

— Robert Delorme, Montebello

Effacer l'histoire

Chaque fois qu’on démolit un bien relevant du patrimoine bâti, on efface un bout de l’histoire du Québec. Il faut du tangible pour dire « Je me souviens ».

— Louise Vaillancourt