Vous avez été nombreux à commenter le texte de Camil Bouchard, « Pour nos enfants », publié dimanche. Un aperçu du courrier reçu. 

>>> Lisez « Pour nos enfants » de Camil Bouchard

L’avenir de nos enfants

M. Bouchard, il me semble que vous seriez la personne tout indiquée pour prendre en charge un dossier aussi important et complexe que la réforme de nos institutions destinées au bien-être des enfants québécois qui naissent dans des familles incapables de leur assurer l’avenir auquel ils ont droit.

Il semble que les emplois demandant du dévouement et de la compassion soient largement sous-financés ou que leur fonctionnement laisse fortement à désirer. La CAQ doit se servir de sa marge de manœuvre pour revitaliser ces secteurs, mais il faudra aussi reconnaître à leur juste valeur les personnes qui se consacrent à régler ces problèmes. Merci de réfléchir à ce problème important qu’est l’avenir de nos enfants et par ricochet celui du Québec !

— Danielle Tremblay

À la place des maternelles 4 ans

Tout à fait d’accord. Mais avant de penser à des baisses d’impôts ou de renoncer à des priorités habituelles aux urgences, pourquoi ne pas investir les sommes prévues initialement au projet des maternelles 4 ans, qui ne fait pas l’unanimité sur la place publique et auprès des intervenants en éducation, en plus de dépasser largement les coûts prévus ? Il me semble qu’on donnerait un bon coup de barre au système tout en faisant de la prévention chez nos tout-petits.

M. Legault, qui s’entête à aller de l’avant avec l’implantation de ces maternelles malgré les opinions éclairées et les recommandations avisées des gens du milieu scolaire, pourrait revoir sa position et je suis persuadée que la population serait derrière lui.

— Raymonde Lavoie

Déçue

Je ne peux m’empêcher de penser à l’Ordre des travailleurs sociaux et des thérapeutes conjugaux et familiaux du Québec qui a toujours été muet au sujet des conditions d’exercice de leurs membres dont j’ai fait partie. Voilà que ce drame arrive et que l’Ordre dénonce… Aussi, n’oublions pas les gestionnaires et les cadres supérieurs qui ont laissé faire ces sempiternelles réformes sans défendre les raisons profondes de leur engagement. Je suis retraitée et je suis « à l’abri », mais combien déçue.

— Luce Chamberland

Une Commission appauvrie

Nous parlons beaucoup de la DPJ, mais qu’en est-il de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse ? Au fil des ans, on a appauvri cette Commission en effectifs et en volonté, de sorte qu’elle ne remplit plus son mandat. 

Selon la loi, cette commission est un surveillant des services de protection qui, par ses enquêtes, est censé prévenir les décideurs de l’État de ce réseau de protection. Une commission gérée par le politique qui compte plusieurs manquements, depuis plusieurs années, à son mandat d’informer et de recommander des changements pouvant prévenir des situations horribles comme ce qu’a vécu cette enfant. Enfin, il y a plusieurs années, l’ancienne juge Andrée Ruffo avait mentionné à plusieurs reprises qu’il fallait réviser en profondeur tout le système de protection qui mettait en danger les enfants. Visiblement, elle n’a pas été écoutée.

— Michel Lefebvre, ex-employé de la Commission

Voir plus large et plus loin

La pauvreté économique et sociale n’engendre que des problèmes grandissants. L’aide aux familles et aux enfants en particulier passe donc par une plus large réflexion que seulement de revoir les rôles de la DPJ et des intervenants qui en font partie.

Oui, on manque de ressources, mais la solution à long terme n’est pas d’ajouter plus de personnel dans un milieu bureaucratique et administratif, mais de bien analyser l’ensemble des moyens requis pour mettre fin à notre appauvrissement collectif.

Il serait temps de voir un peu plus large et plus loin afin d’éliminer les drames épouvantables que l’on constate actuellement.

— Michel Damphousse

Problème collectif de compassion

Je suis d’accord avec M. Bouchard : il y aura un avant et un après la tragédie de Granby. Davantage d’argent ne réglera toutefois pas le problème plus grave de la systématisation et de la déshumanisation de notre société. 

Quand nos travailleurs sociaux (ou nos infirmières, enseignants et agronomes), payés par nous tous, n’osent même pas raconter les difficultés qu’ils rencontrent dans le cadre de leur travail, qu’ils accomplissent pour nous tous, par peur de perdre leur emploi ; quand la seule façon de régler des problèmes humains réside en des « protocoles », des « systèmes », des « rapports » et des « réformes », sans égard au jugement et à l’humanisme qui permettraient d’éviter des absurdités et des drames ; quand seules les crises médiatisées à l’extrême deviennent des « dossiers » pour nos gouvernements, n’a-t-on pas plus un problème collectif de compassion qu’un problème d’argent ?

— Pascale Mongrain, Saint-Lambert

Tristes constats

Ce texte est plein de vérités et de tristes constats. Je ne vais relever que deux points : d’abord, les CLSC ne sont pas de réels services de proximité. Ils ont été créés dans cet esprit, mais ils sont en fait des bureaux ouverts de 8 h à 16 h sans réels services d’urgence. Alors, pour la proximité, on repassera ; ensuite, les organismes communautaires sont également à bout de souffle et en manque de personnel en raison du manque de financement. On leur demande d’engager des professionnels à des salaires ridicules. Ensuite, on leur demande de répondre aux demandes sans cesse grandissantes que les services sociaux leur refilent.

— Marie Legaré, Rimouski

Conscience noire

Pour vraiment aider nos enfants, il faut tout d’abord changer cette loi qui veut qu’un enfant, même maltraité, soit maintenu dans son milieu toxique.

De plus, les coupes draconiennes en santé, la fusion des listes d’attente, la surcharge de travail ainsi que la méthode d’évaluation des cas et le temps permis pour faire ces évaluations ont fini d’enfoncer le clou sur le sort désespérant de nos enfants.

Qu’on ne vienne pas me faire croire que je suis également responsable de cet état des choses. J’ai travaillé en CHSLD pendant de nombreuses années et le sort réservé à nos personnes âgées n’est pas fameux non plus. Pendant ce temps, un employé qui ose dénoncer un tel traitement se fera congédier. Ça ne coûterait pas cher de regarder plus en détail la dénonciation au lieu de congédier l’employé qui a à cœur le bien-être de l’enfant qu’il accompagne.

Il est inadmissible que l’on puisse faire l’évaluation d’un enfant en besoin de protection en une ou deux heures, à supposer que ce soit possible d’avoir autant de temps. Il est urgent que nos enfants soient protégés et que nos institutions aient pour mission première la protection de nos enfants.

Dans un monde idéal, la maternelle 4 ans serait un outil merveilleux pour permettre à ces petits qui ne mangent pas à leur faim le matin d’avoir un repas à l’école. Des intervenants dont la mission serait de reconnaître ceux d’entre eux qui ont besoin de plus d’aide. Et qu’on oublie les quotas et le budget ! Un enfant qui ne reçoit pas d’aide devient un adulte à problèmes. Et cela coûte très cher à la société.

Si nous voulons évoluer, ce sera avec nos enfants dans les bras ou nous deviendrons une société obligée de se protéger des enfants que nous n’aurons pas protégés. Avec en prime une conscience noire. Ça ressemble à du déjà-vu.

— Nicole Godbout, Gatineau

Avancer en ne jetant pas le bébé avec l’eau du bain

Le drame de la fillette de Granby a frappé l’imaginaire et le cœur de toute la population et a interpellé au plus haut point la classe politique, tous partis confondus.

Ce cas est éminemment triste et tragique et démontre bien toutes les difficultés et les écueils auxquels font face celles et ceux qui doivent, au quotidien, prendre des décisions majeures et souvent déchirantes pour les parents et les enfants dans le cadre de l’application de la Loi sur la protection de la jeunesse.

À la suite de cet événement tragique, on parle à juste titre de la nécessité, voire de l’urgence de revoir en profondeur la loi et son application et d’apporter les ajustements requis. Cela est indubitable, mais à mon avis, il faut se garder de la tentation d’aller trop rapidement et de risquer d’abolir ou de mettre de côté certains éléments très positifs qui ont été réalisés au cours des années.

Dès le début de la mise en application de cette loi, en 1978, j’ai été intimement impliqué à titre de directeur de la protection de la jeunesse dans un des centres de services sociaux de la province pendant 9 ans, et plus tard pendant presque 10 ans à titre de coordonnateur de la Table des DPJ et responsable de ces services à l’Association des centres jeunesse du Québec.

Je suis devenu DPJ parce que, à titre de travailleur social, je croyais aux principes et aux orientations que cette loi proposait, soit le respect des droits de l’enfant et le désir de le garder le plus possible auprès de ses parents et de sa famille.

Ces orientations et ces principes n’étaient pas et ne sont toujours pas des dogmes ! Ce sont des orientations générales auxquelles on souscrit comme société et vers lesquelles tendent nos interventions cliniques ou judiciaires. Je le répète, ce ne sont pas des absolus !

Mais pour que les intervenants puissent faire leur travail sans trop d’erreurs et sans bavures majeures, certaines conditions doivent être réunies. Sur le plan clinique et social, il faut des intervenants en nombre suffisant, bien formés, avec tout le soutien clinique nécessaire : supervision, discussions de cas, formation continue. Il faut en outre que ces gens aient des charges de cas réalistes et puissent avoir recours à des ressources communautaires et sociales suffisantes.

Sinon, et c’est ce que nous observons de plus en plus, ces intervenants se sentent débordés par la tâche et vivent un désarroi désespérant. Et force est d’admettre qu’au cours des ans et des quelques dernières années en particulier, les multiples chambardements de structure et les restrictions budgétaires draconiennes ont causé un mal immense aux services sociaux. Faut-il se surprendre dès lors que la pratique s’en ressente un peu ?

Pendant presque 40 ans, j’ai participé de près ou de loin à tous les efforts de formation, de clarification, de coordination entre les intervenants sociaux, judiciaires et légaux dans le but d’améliorer l’application de la Loi sur la protection de la jeunesse. Comme d’autres, je peux témoigner qu’il s’est fait au Québec des réalisations extraordinaires dans ce domaine, à telle enseigne que beaucoup de gens venaient de l’extérieur pour voir ce que nous faisions.

Avant d’entreprendre les changements qui s’imposent pour améliorer les pratiques cliniques, légales et judiciaires dans l’application de la Loi sur la protection de la jeunesse, il est impératif que l’on fasse aussi la liste de nos succès pour éviter de faire table rase de certaines réalisations majeures dont nous pouvons être fiers, et à partir desquelles on pourra améliorer la situation pour l’avenir.

— Laurier Boucher, travailleur social