Nous avons appris ces derniers jours, dans La Presse+, que la démocratie était en baisse de popularité en Occident. Selon deux chercheurs, cités par le journaliste Nicolas Bérubé, désillusion et désenchantement seraient les apanages de notre régime politique, celui où le pouvoir s'exercerait par et pour le peuple. Et si cette perception de la démocratie ne dépendait pas simplement de la définition que nous lui donnons habituellement ?

Dans tous les dictionnaires spécialisés de science politique, comme dans le sens commun, on définit la démocratie comme un régime politique dans lequel le peuple détient le pouvoir souverain. On ajoute à cette définition la liberté de manifester, de s'exprimer, de s'associer, de rivaliser pacifiquement pour l'obtention du pouvoir.

Mais quel genre d'espoirs une telle définition risque-t-elle de forger ? La réponse est évidente : des attentes déçues. Qui plus est, si ces expectatives sont orientées vers la fin des injustices, de la corruption, de plus de participation et de représentation, du triomphe de la morale et de l'éthique, eh bien, il n'est guère surprenant que démocratie rime avec désenchantement !

Par cette expression de désillusion, peut-être sommes-nous en train de réaliser que la démocratie est, pour paraphraser Leonard Cohen, le sentiment qu'elle ne peut être réelle, ou enfin qu'elle peut l'être, mais qu'elle n'est pas exactement là ?

Comme la visite le soir du réveillon, la démocratie dévoilerait ce délicieux paradoxe : son absence ferait naître un manque. Mais une fois installée, elle provoquerait des désagréments.

Notre démocratie moderne peut de moins en moins se définir par le pouvoir du peuple. Cela apparaît comme une impossibilité logique ! Elle est certes un régime qui amène l'inclusion d'un plus grand nombre d'individus ayant le droit de se prononcer, de voter, mais, par-dessus tout, elle permet l'inclusion de l'opposition dans l'exercice du pouvoir.

Le fait de cesser de couper la tête de l'opposition, comme dans nos régimes anciens, d'accorder le droit de vote aux femmes ou de faire passer le droit de vote de 21 ans à 18 ans sont quelques exemples historiques de cette inclusion. Cela a été fort heureux et positif, mais il y a plus : cela amène un plus grand potentiel de déceptions dans la machine démocratique et rend inévitables leur expression et leur prise en considération.

Que faut-il donc faire de cette définition usuelle du « pouvoir du peuple par le peuple », afin d'éviter de s'illusionner, ou d'être déçu ? En circonscrire la portée. Et cela commence par le vocabulaire.

UNE DÉFINITION SIMPLE

La démocratie va bien entendu rester la même - aussi ennuyante ! - mais elle pourrait être définie comme suit : un régime politique qui permet la mise en scène des déceptions. Tous égaux et satisfaits devant nos possibles insatisfactions !

L'avantage de cette définition ? Elle est tellement simple, qu'elle permet de changer notre perception. Elle permet de s'attendre au pire. Et que peut-il arriver de pire que le pire ? Donald Trump ? Rambo Gauthier ? Le lutin Grincheux à la place du père Noël ? Allons donc !

Peut-on faire mieux, en pratique, que la démocratie ? Il semble qu'elle soit, comme disait Churchill, encore la moins pire des options ; du moins la seule possible en attendant. La démocratie a pour principale fonction de fabriquer des déceptions. Là est son essence. Les décisions prises par le pouvoir sont et seront toujours fâcheuses et contraignantes.

Soyons donc rassurés devant la déception. C'est là le signe que nous sommes en démocratie. Et pour ce qui est du régime politique qui n'engendrerait aucun déçu ni insatisfait ? Il n'est pas souhaitable, et il a déjà un qualificatif : totalitaire.