Les Hatchimals sont LE jouet de cette période des Fêtes. Ils viennent ainsi s'ajouter aux poupées Bout d'chou, Furby, Beanie Babies, Elmo chatouille-moi, Zhu Zhu Pets et autres joujoux ayant suscité un engouement à l'approche de Noël dans le passé.

Là encore, des parents stressés font la file dans les magasins de jouets pendant des heures sans succès, ou recherchent en ligne des vendeurs tiers qui majorent le prix des produits de centaines de dollars.

Fruit de l'imagination d'une entreprise torontoise, le Hatchimal est une créature à poil électronique à l'allure d'oiseau, qui se présente d'ailleurs dans un oeuf. On prend soin de celui-ci pendant 30 minutes (en le tenant, le caressant et le tapotant) jusqu'à ce que le Hatchimal émerge de sa coquille à coups de bec. Il faut alors nourrir la bête (en l'inclinant vers l'avant) et lui apprendre à marcher, à parler et à danser. Piles comprises.

Bref, on parle d'un croisement de Furby et Tamagotchi.

Les fabricants n'ont de cesse de trouver le prochain jouet vedette dans cette industrie qui rapporte des milliards de dollars.

Prenons par exemple Mattel, qui s'est jointe au mouvement pour une image corporelle positive afin de revigorer ses ventes en baisse. L'entreprise a ainsi lancé, en janvier 2016, une collection de poupées Barbie aux mensurations plus réalistes : Barbie ronde et ses copines, petite et grande. Celles-ci vivent à présent leur premier Noël, mais il semble que le battage médiatique à leur endroit n'ait pas porté ses fruits.

Et puis il y a les nouveautés plus discrètes, comme la populaire émoticône de l'étron souriant devenu jouet en peluche. Des fabricants suédois offrent même un jeu de peluches combinant grosse commission et petits besoins, conçu « pour que votre enfant soit à l'aise avec son pipi et son caca ». À l'aise, passe encore, mais de là à les câliner ?

Sans parler de La guerre des étoiles, qui se décline à toutes les sauces. On peut comprendre la série de Lego qui s'en inspire, mais que dire du couplage de Furby et Chewbacca baptisé Furbacca ? Le monde a-t-il réellement besoin d'un Furby qui émet des bruits de Wookiee et fredonne la musique du film ?

J'ai la chance de donner un cours intitulé Toys, Media Literacy and Children's Popular Culture (Jouets, éducation aux médias et culture populaire chez les enfants) à l'Université Concordia. Mes étudiants et moi passons un trimestre à explorer le sujet des jouets et de la culture médiatique destinés aux enfants sous divers angles : constructions sociales de l'enfance, nostalgie, panique morale (pensez aux poupées Bratz ou au jeu vidéo Grand Theft Auto), culture de consommation et débats sur la valeur éducative des jouets.

La question que m'inspire l'engouement suscité par des jouets comme les Hatchimals est la suivante : pourquoi les parents se sentent-ils obligés d'acheter le joujou du moment à leurs enfants ?

D'abord, ils veulent les rendre heureux. Et qui ne ferait pas la file pendant des heures ou ne paierait pas un prix exorbitant en ligne pour faire plaisir à son rejeton ?

Ensuite - et c'est plus subtil -, les parents sont des êtres vulnérables qui recherchent des preuves de leur réussite : « Si je parviens seulement à obtenir ce jouet aussi convoité qu'introuvable pour ma fille, alors je serai un bon parent (pour l'instant). »

Enfin, il y a le syndrome FoMO (fear of missing out, ou anxiété de ratage) qui affecte aussi bien les parents que leurs enfants : « Si je n'achète pas ce jouet à mon fils, il sera laissé pour compte et incapable de suivre les autres enfants (qui ont de meilleurs parents). » Certes, les jouets ont une fonction ludique, mais aussi symbolique, et personne ne saurait priver son enfant de symbolisme.

Pour ajouter à leur stress, les parents se heurtent également à des dilemmes moraux : « Si j'achète ce jouet, est-ce que j'incite mon enfant à devenir esclave du marchandisage ? »

Pas de panique ! Ne vous inquiétez pas si vous ne trouvez aucun Hatchimal. Ou si vos voisins maintiennent que leur fiston aime mieux donner plutôt que recevoir.

Tout comme les fabricants de jouets recherchent le prochain jouet vedette, dénicher le bon jouet pour votre enfant relève un peu du hasard. Après tout, qui peut dire si son gamin ne préférera pas la boîte au jouet lui-même ?

Les jeunes commencent à se désintéresser des jouets vers l'âge de 10 ans, alors savourez le moment présent. Les enfants aiment les jouets, mais je suis prête à parier qu'ils aiment aussi voir leurs parents heureux, détendus et suffisamment énergiques pour profiter de ces jouets avec eux.

Cela dit, je me demande tout de même pourquoi cette figurine Playmobil spécialiste des matières dangereuses n'a jamais connu la gloire...

* L'auteure donne un cours sur les jouets et la culture populaire chez les enfants.