Alors que les négociations s'engagent entre les médecins et le Conseil du trésor, il importe d'identifier les raisons pour lesquelles les résultats souhaités ne sont pas atteints malgré les énormes sommes consacrées à la rémunération des médecins. Un tel exercice est essentiel afin d'améliorer la situation sur les plans de l'accès et de la qualité des soins, l'engorgement des urgences, les longs délais, les insupportables reports et les carences dans les soins à domicile. Si l'objectif des négociations est l'amélioration de notre système de santé en fonction des patients, un tel exercice est absolument essentiel.

Au-delà du mode de rémunération dont j'ai discuté dans un récent texte, deux questions se posent, celle du statut du médecin dans le système de santé et celle de ses liens avec les établissements (hôpitaux et cliniques).

L'hôpital est une organisation très complexe qui dépend, dans son fonctionnement, d'un personnel administratif et professionnel possédant une variété d'expertises et de compétences. La production des soins et des services s'effectue selon une organisation du travail dans laquelle les tâches, bien définies, se complètent et dépendent les unes des autres. Pour que l'ensemble fonctionne correctement, personne ne peut travailler selon son horaire particulier et de façon autonome. Il s'agit d'un véritable engrenage.

Si un élément de l'engrenage ne fonctionne pas à l'unisson avec les autres, c'est l'ensemble qui en souffre.

Au sein du personnel de l'hôpital, c'est le médecin qui assume le rôle prépondérant de la production des soins et des services. Il est non seulement un élément de l'engrenage mais il en est l'élément de base. Or, selon les ententes en place, les médecins ont le statut de travailleurs autonomes. Ils n'ont aucune obligation envers les hôpitaux et les cliniques dans lesquels ils travaillent, non plus qu'envers le système de santé en général.

C'est là que se situe la raison première des problèmes liés à la rémunération au niveau des soins.

Pour corriger la situation, le statut du médecin doit être modifié. Comme il est le seul responsable des actes médicaux qu'il pose, il ne peut toutefois être assujetti aux mêmes règles que celles applicables aux employés salariés de l'établissement. Par contre, il ne peut non plus avoir pleine liberté en regard de l'administration de l'hôpital et son bon fonctionnement. Son statut doit se situer entre ces deux pôles et faire en sorte que, tout en respectant sa liberté professionnelle, il soit intégré au personnel de l'hôpital.

MÉDECIN DE L'ASSURANCE MALADIE

En d'autres termes, son statut devrait en définitive être celui de médecin de l'assurance maladie. Ce qui en passant refléterait la réalité et n'aurait rien de péjoratif. De plus, afin que les obligations et les responsabilités du médecin et celles de l'hôpital à son égard soient bien claires, les deux parties devraient être liées par un contrat. Un contrat dans lequel les mêmes principes que dans toute organisation publique ou privée s'appliqueraient. De telle sorte que le médecin apporte sa contribution sur le plan administratif et que de son côté la direction de l'établissement bénéficie de l'implication des médecins dans la gestion.

Normalement, le médecin devrait être rémunéré par l'hôpital conformément aux ententes comme les employés le sont selon les conventions collectives. Dans le système de santé, les médecins font exception et les paiements à l'acte leur sont payés par la Régie de l'assurance maladie. Ce qui fait que le médecin n'est ni lié à la RAMQ, qui de toute façon n'est qu'un agent payeur, ni lié par sa rémunération à l'hôpital. Un tel arrangement, qui constitue un véritable non-sens, concorde avec le statut de travailleur autonome mais aucunement avec celui de médecin dans le cadre de l'assurance maladie.

C'est là, au niveau du fonctionnement des établissements et du système de santé que se situe la deuxième cause des problèmes liés à la rémunération des médecins.

Ces changements ne mettent pas en cause l'existence de la RAMQ. Dorénavant elle agirait pour et par le truchement des hôpitaux et des cliniques. Elle continuerait de produire les données et statistiques émanant du système et, soit dit en passant, de les rendre vraiment accessibles aux fins de l'évaluation des résultats obtenus et de l'analyse de la performance du système.

La fin du statut de travailleur autonome permettrait aussi de solutionner des problèmes qui perdurent.

À titre d'exemple, celui de l'incorporation des médecins à des fins purement fiscales, une aberration qu'absolument rien ne justifie. La clarification du statut des médecins ferait en sorte qu'ils seraient soumis aux mêmes règles sur l'impôt sur le revenu que l'ensemble des travailleurs. Ce qui serait tout à fait juste et équitable.

Voyons un autre exemple qui illustre pourquoi le développement des cliniques familiales, les GMF, a été si lent. Présentement, le financement des cliniques est effectué sous la forme d'un supplément à la rémunération des médecins. Avec cet arrangement, chaque fois que les médecins d'une clinique engagent une infirmière ou un autre professionnel, ils ont l'impression en tant que travailleurs autonomes de réduire leur rémunération. La même chose lorsqu'ils acquièrent un équipement. Si le financement des cliniques s'effectuait directement, sans passer par le truchement du médecin, tout comme pour les hôpitaux, ce conflit entre l'intérêt du médecin et les exigences de la clinique disparaîtrait.

Une conclusion s'impose. L'intérêt des patients et de la population en général demande que le statut du médecin dans le cadre de l'assurance maladie soit régularisé. Un changement qui a trop tardé et qui, contrairement au brassage stérile des structures en cours, aurait des effets significatifs sur la performance de notre système de santé.