S'il y a une information importante à tirer des dernières élections américaines, mais aussi de la montée du populisme, c'est que la démocratie occidentale est en profonde crise.

L'une des raisons de cette rupture, c'est que les campagnes électorales sont devenues des spectacles où l'on promet à la population le ciel et les étoiles, et une fois au pouvoir, on peut impunément faire la sourde oreille et renier ses engagements. Pour ce faire, il suffit de s'entourer de stratèges des communications pour trouver la meilleure façon de dire à la population qu'on n'a plus de marge de manoeuvre pour aller à la cueillette aux étoiles. Même Trump, qui disait être aux antipodes de cette façon de faire, commence à tourner le dos à ses promesses tant martelées. Mais ici, nombreux sont ceux qui prient sur la planète pour qu'une amnésie profonde efface de son cerveau une partie de ses engagements.

Le mensonge et la duperie sont devenus si endémiques dans l'exercice démocratique que les spécialistes parlent désormais d'une ère post-vérité marquée par le Brexit et l'élection de Trump. C'est-à-dire une période où pendant les campagnes électorales, la vérité est moins importante que la capacité de catalyser une émotion populaire pour transformer un mensonge en certitude absolue.

Pourquoi perdre son temps à chercher la vérité quand on peut désormais la créer de toutes pièces ? Bienvenue dans la démocratie hollywoodienne !

Ici, les fausses nouvelles sont plus partagées que les vraies et les campagnes électorales deviennent des scénarios où les metteurs en scène grouillent autour de l'acteur principal pour l'aider à berner les émotions des électeurs devenus spectateurs. Au diable les codes d'éthique et autres systèmes de valeurs ! 

Pour s'en convaincre, il suffit de regarder les revirements spectaculaires de tous les républicains qui diabolisaient Trump pour ses dires sur les femmes, les Mexicains, les musulmans, etc. Tous ces supposés puritains et gardiens de la morale viennent maintenant faire des courbettes devant lui. Comme quoi mon grand-père avait raison de dire que si le pouvoir poussait au sommet des arbres, certains politiciens n'hésiteraient pas à épouser des singes.

Aujourd'hui, on peut promettre au peuple un gouvernement de gauche et une fois élu, serrer totalement à droite. On peut promettre de changer l e mode de scrutin et remettre en place la distribution du courrier à domicile et une fois élu, virer impunément son capot de bord. Des comportements qui érodent progressivement la confiance de la population et qu'il faut combattre si on veut que l'exercice démocratique garde encore le minimum de crédibilité qui lui reste.

Pour endiguer cette dérive assassine pour la démocratie, je crois qu'il faudrait créer un poste non partisan de protecteur du scrutin. Une personne qui serait alors le gardien suprême de la démocratie et veillerait à ce que les babines de campagne suivent les bottines postélectorales. 

En plus de tenir scrupuleusement une liste bien détaillée de toutes les promesses et de rappeler au gouvernement son devoir envers les électeurs, le protecteur du scrutin s'assurerait aussi, avant chacune des élections, que le parti au pouvoir et les partis de l'opposition aient les mêmes chiffres sur l'état des finances publiques. Une façon d'éviter que l'économiste de service du pouvoir remette en cause tous les chiffres du précédent gouvernement et nous annonce après l'élection que les finances étaient dans un pire état que ne le faisaient croire leurs adversaires politiques. 

Cette arnaque récurrente est aussi, indirectement, une façon de préparer la population à oublier les promesses qu'on lui avait faites.

Des fois, j'ai d'ailleurs l'impression que la météo est plus précise que les prévisions économiques et les sondages.

La démocratie est arrivée à un tel niveau d'érosion qu'il lui faut un sérieux coup de barre pour la redresser. Et à voir le nombre de personnes qui semblent n'avoir rien à cirer de cette culture de la duperie, on ne peut qu'avouer qu'on a les dirigeants qu'on mérite. Je pense ici à ces élus qui font des promesses aux électeurs et en font d'autres aux groupes d'intérêt et amis donateurs du parti. 

Quand on y pense, Donald Trump a utilisé son argent pour acheter la Maison-Blanche, mais Hillary a emprunté à des prêteurs usuriers pour sa campagne électorale. Cette dernière façon de faire est certainement la plus dommageable pour la démocratie, car lorsque les gens d'affaires misent sur un candidat à l'élection, c'est avant tout pour se faire ouvrir dans l'ombre des portes que le peuple voudrait garder fermées. Cette dette envers ces donateurs oblige alors à travailler beaucoup plus pour rembourser leur dû qu'à chercher à améliorer les services à la population.

Évidemment, le protecteur du scrutin pourrait aussi ouvrir des possibilités d'accommodements en cas de force majeure. Si une catastrophe comme les incendies de Fort McMurray nécessite un ajustement dans les priorités gouvernementales, le protecteur pourrait, par exemple, accorder au gouvernement une dérogation. Je crois sincèrement qu'installer ce levier a du sens. Quand on nous vend une balayeuse ayant une puissance d'aspiration incomparable et que la publicité est mensongère, nous pouvons saisir l'Office de la protection du consommateur pour réclamer une réparation. De la même façon, le peuple devrait avoir le droit de saisir le protecteur du scrutin pour demander le respect des promesses sous peine de destitution.