Un groupe de recherche indépendant vient de recommander d'implanter des péages sur tous les ponts qui ceinturent l'île de Montréal pour réduire la congestion routière dans la région métropolitaine. Le rapport de cette Commission de l'écofiscalité du Canada propose un tarif qui varierait en fonction de l'heure de passage ou de la densité du trafic, ce qui inciterait les automobilistes à choisir un autre mode de transport ou à utiliser les ponts qui sont moins embouteillés.

Premier hic, aucune de ces alternatives à la congestion n'est possible dans l'état actuel du réseau routier ou du transport en commun dans la région de Montréal. Les ponts sont tous embouteillés en heure de pointe, le réseau de transport en commun est carrément insuffisant pour offrir une solution viable à ceux qui habitent en périphérie de l'île de Montréal.

Deuxième problème, la Commission pense proposer une approche qui traite tout le monde équitablement. Or, ces péages concernent exclusivement ceux qui habitent en dehors de l'île. Pourquoi les citoyens de Longueuil ou de Brossard paieraient-ils une écotaxe de congestion alors que ceux de Sainte-Anne-de-Bellevue ou de Montréal-Est, plus éloignés du centre-ville, en seraient exempts ? Où est l'équité ?

Troisième problème, importer des modèles venant de Londres ou Stockholm n'entraînera pas les mêmes impacts à Montréal. Chaque ville a un caractère particulier. Ces villes modèles ne sont pas de la même taille et n'ont pas la même géographie, elles n'ont pas la même vocation ni la même histoire et surtout elles peuvent s'appuyer sur un réseau de transport en commun extraordinaire par rapport à celui de Montréal. Au passage, une zone à trafic limité (ZTL) comme celle de Stockholm correspondrait plus au territoire du centre-ville de Montréal que celui de l'île.

Quatrième constat, les ponts ne servent pas exclusivement au transport vers le centre-ville de Montréal. Par exemple, le pont Champlain est un passage obligé pour aller à l'aéroport pour les gens qui habitent la Rive-Sud.

Imposer des péages pour limiter la congestion est réaliste si l'offre de transport en commun est au rendez-vous. Or l'analyse des diverses communautés en fonction de leur densité et de l'utilisation de la voiture fait ressortir que la première grande faiblesse de Montréal ne se situe pas dans le Montréal centre, mais en périphérie. L'utilisation de la voiture monte abruptement dans les 60 à 70 %, même si on a des densités de l'ordre de 3000 à 4000 habitants par kilomètre carré.

C'est sans compter que le développement en étoile autour de la station Berri-UQAM sature le métro et allonge impunément le temps de transport pour ceux qui ne vont pas au centre-ville.

La Rive-Sud, Laval, l'est et l'ouest de l'île sont affectés au même niveau par ce manque d'investissement historique en transport en commun. Par où commencer ? Certainement pas par des péages sur les ponts, une mesure inéquitable et sans impact pour la substitution des modes. Préconisons des « épines dorsales » comme des trains de banlieue plus fréquents et plus performants. Prolongeons le métro de Longueuil, notamment pour soulager les secteurs Brossard et Boucherville. Complétons les voies réservées pour les autobus rapides. Etc.

Bref, il est prématuré de proposer des systèmes de péage sur les ponts ou ailleurs sur le réseau routier. C'est mettre la charrue devant les boeufs. Dans 20 ou 30 ans, une fois l'offre de transport en commun comblée, on pourra alors s'inspirer de Londres ou Stockholm pour établir une zone de trafic limité payante, l'objectif étant de forcer les utilisateurs à changer leurs habitudes si besoin il y a.