J'ai rencontré Jean Doré la première fois alors que j'avais 22 ans. Déçu de constater qu'à l'élection municipale de 1982 son parti, le Rassemblement des citoyens et citoyennes de Montréal (RCM) n'avait qu'un candidat « poteau » dans mon quartier, j'avais décidé de donner un coup de main pour bâtir une organisation RCM dans mon coin, le secteur de Mercier-Est.

Quelle n'a pas été ma surprise, en ouvrant la porte du petit local du RCM, au second étage d'une épicerie du Plateau, d'y retrouver nul autre que Jean Doré. Il assurait sa journée de permanence au siège social du parti, en rotation avec les autres membres de l'exécutif. Pas d'argent pour se payer une personne à la réception ! L'engagement était total pour ce passionné de Montréal et l'équipe qu'il dirigeait était du même acabit.

Jean Doré m'a alors fait confiance et remis la (courte) liste des membres de mon secteur, avec la mission de renouveler leur membership et de recueillir un peu d'argent. Sous son leadership, et avec le travail acharné de quelques militants, la liste de membres s'est allongée. À l'élection suivante, elle comptait plus de 1400 membres dans Mercier-Est seulement. Nous avons fait élire les candidats du RCM dans tout l'est de Montréal, sans exception.

Le principal motif de mon engagement politique était alors, comme encore aujourd'hui, la protection et la mise en valeur de l'environnement. Ceci incluant la participation citoyenne aux affaires publiques, condition nécessaire au véritable changement. Avec Jean Doré, mes ambitions n'ont pas été déçues.

Au-delà des illusions de la jeunesse, nous avons réussi à réaliser nos rêves, les rêves portés par une multitude de citoyens dans nos quartiers.

Je dois dire que jamais je n'ai vu autant de progrès en aussi peu de temps dans le quartier qui m'a vu naître. On lui doit tous les programmes environnementaux qui existent encore et les postes de gestionnaires municipaux dans ce domaine ont été créés sous Jean Doré.

Je ne peux pas dire que Jean Doré était un ami personnel. Il a dû être plus d'une fois courroucé par ce jeune impertinent, qui croyait à la démocratie directe assez fort pour ne pas être aveuglé ou intimidé par le poids du pouvoir qui était entre ses mains. Pour moi, le maire était un citoyen comme les autres, simplement investi d'une responsabilité plus importante. Il a composé avec une opposition interne dans son caucus qui a dû le confronter durement, mais il n'en a jamais rien laissé paraître. C'était un grand démocrate. Je crois (j'espère) ne pas en avoir trop abusé.

Pour finir, j'aimerais relever un paradoxe qui m'apparaît intolérable envers un tel personnage. La mémoire et la connaissance des dossiers de Jean Doré sont légendaires. Qu'on ait retenu si peu de son passage à l'hôtel de ville de Montréal au fil des ans me désole. Puisse la disparition de Jean Doré être l'occasion de raviver notre mémoire et notre connaissance de ce grand maire pour Montréal.

Adieu, Jean, adieu, Monsieur le Maire !