Comment le gouvernement peut-il économiser 500 millions de dollars tout en rendant les gens plus satisfaits du service reçu ? Alors que se multiplient les manifestations contre l'émondage des dépenses publiques, la question semble opportune. Voici une réponse : supprimer le dédoublement fédéral-provincial en matière de perception des impôts.

Le Québec est la seule province qui perçoit elle-même l'ensemble de ses principaux impôts et taxes : l'impôt sur le revenu des particuliers, celui sur le revenu des sociétés et la TVQ. Partout ailleurs, sauf une exception, c'est l'Agence du revenu du Canada (ARC) qui assure la perception au nom du gouvernement provincial. En 2009, l'Ontario a délégué à l'ARC la perception de l'impôt sur le revenu des sociétés. Hormis le Québec, l'Alberta reste la seule province qui perçoit elle-même cet impôt.

Selon deux évaluations distinctes, l'une effectuée par l'ARC en 2009, l'autre par le Parti québécois en 2010, ce dédoublement coûterait entre 445 et 500 millions par année. Il s'agit là d'une somme colossale. Pour la mettre en perspective, elle équivaut à trois fois le produit de la hausse des tarifs exigée des parents pour les CPE (160 millions) ou encore deux fois les économies attendues (220 millions) de l'abolition des postes dans le réseau de la santé.

L'économie budgétaire représente seulement l'un des côtés de la médaille. Il faut en effet tenir compte du coût en temps pour les particuliers et les sociétés : remplir deux déclarations, traiter avec deux agences du revenu en cas de question, de vérification ou de contestation. Quand un contribuable confie ces tâches à un comptable, ce coût en temps est monétisé.

En dépit du coût colossal de ce dédoublement, le gouvernement ne s'y est pas attaqué jusqu'à présent.

L'ÉLÉPHANT DANS LA PIÈCE

Quelle serait l'alternative ? Une intégration des deux agences du revenu donnerait lieu, au Québec, à une série unique de formulaires, à un guichet unique, à une seule machine de traitement administrative, et à un processus de vérification intégré. Chaque agence du revenu continuerait d'assumer des fonctions stratégiques et spécialisées, comme la lutte contre l'évasion fiscale par exemple. Chaque gouvernement continuerait d'avoir sa politique fiscale.

Bien sûr, dans un tel scénario d'intégration, il faudra préserver la capacité du Québec de percevoir ses recettes fiscales, quel que soit son statut politique dans le futur.

L'intégration de la perception fiscale permettrait aux deux gouvernements d'économiser et de mieux servir les contribuables. Qui dit mieux ? Mais elle ferait aussi des perdants : moins de travail pour les 12 000 fonctionnaires de l'ARQ et les 6000 de l'ARC (au Québec). Moins de travail aussi pour les comptables privés. Néanmoins, l'Ordre des comptables professionnels agréés du Québec s'est prononcé en faveur d'une déclaration unique.

Comment surmonter ces obstacles et ces résistances ? Un truc simple, à la portée de tous les citoyens : quand vous entendrez un ministre dire que le gouvernement a tout fait pour réduire sa bureaucratie avant de rogner sur un service ou de hausser un tarif, dites-vous que ce n'est pas vrai. Le dédoublement ARC-ARQ est l'éléphant dans la pièce ; il serait temps que le gouvernement cesse de détourner le regard.