M. Pratte,

Un même événement peut être vu de manière différente, selon la philosophie qui dirige notre manière de voir. La vôtre est fédéraliste, celle de M. Jean-François Lisée est souverainiste, deux opinions complètement opposées et irréconciliables. Je penche plutôt vers la thèse du mépris grandissant d'Ottawa (Harper ou Trudeau) envers notre hésitation constante, entretenue bien souvent par une dénégation de notre projet d'indépendance.

Quand Ottawa a annoncé le péage sur le pont Champlain, j'ai écrit au ministère des Transports du Canada pour connaître le nombre de ponts au Canada qui sont financés par les usagers. La réponse était tellement enveloppée dans des textes n'ayant aucun rapport que j'en ai conclu qu'il n'y avait aucun pont dans cette situation. Pourtant le pont de la Confédération reliant le Nouveau-Brunswick à l'Île-du-Prince-Édouard est payant, mais... ce n'est pas vraiment un pont, c'est une autoroute sur mer mesurant quelque 12 km de longueur.

Érigé en 1962, le pont Champlain n'a pas duré 20 ans sans nécessiter des réparations majeures, ce qui veut dire qu'il a été mal construit sous la gouverne exclusive du Canada. Après 61 ans, sa vie est déjà terminée parce que le béton original n'a pas bénéficié d'un mélange de première qualité. Le pont Champlain a été grevé jusqu'en 1990 d'un péage par les usagers. Et le Canada, qui a construit un pont mal charpenté dans son béton et dans son armature, voudrait encore une fois que les Québécois paient la facture de son incompétence! Comme bâtons dans les roues, on ne fait pas mieux! Si c'était le seul...

Il ne faut pas oublier que le pont enjambe le Saint-Laurent et doit avoir une hauteur qui laisse passer la navigation aller-retour vers les Grands Lacs, au bénéfice des autres provinces. Le Canada oublie de diviser la facture, un oubli involontaire, je suppose.

Le gouvernement fédéral doit arbitrer les besoins des différentes régions de cet immense pays, dites-vous. Le fait-il selon les critères de la justice ou, comme disait Jean Garon dans le cas de l'autosuffisance des denrées alimentaires et des pêcheries, oblige-t-il le Québec à acheter le produit des autres provinces? Dernièrement, on apprenait que 600 000 Québécois étaient imposés selon des critères plus sévères que les autres Canadiens. Les preuves d'injustice sont nombreuses, pour peu qu'on veuille les colliger dans un esprit d'ouverture.

Si les Québécois doivent encore une fois payer le pont Champlain, ils doivent être considérés les vrais propriétaires et avoir le pouvoir de l'administration navale sur le Saint-Laurent avec les conséquences inhérentes au désir d'investir dans un pont sécuritaire très achalandé, de le construire selon leurs critères, et de gérer leurs investissements selon leurs expectatives.