Dans le cadre de la campagne électorale, Pauline Marois a annoncé qu'un éventuel gouvernement du Parti québécois tenterait de rapatrier le régime d'assurance emploi «afin d'établir un parcours intégré de formation pour les travailleurs québécois».

Le Parti québécois prétend également qu'un régime québécois d'assurance emploi «serait une véritable assurance pour les salariés. Il apporterait une solution à la pénurie de main-d'oeuvre spécialisée et viserait une réduction à long terme des taux de cotisation des employeurs et des employés et les employeurs en sortiraient gagnants».

Nous sommes extrêmement déçus qu'un parti politique «sérieux» fasse preuve d'aussi peu de rigueur dans son argumentaire pour convaincre la population du bien-fondé de sa démarche.

Premièrement, il est impossible que la pénurie de main-d'oeuvre spécialisée soit réglée par le rapatriement du régime pour la simple et bonne raison que tout le volet concernant le développement de la main-d'oeuvre de la caisse d'assurance emploi a déjà été transféré au Québec depuis 1997. Ainsi, Québec est pleinement responsable de tout ce qui touche le développement de la main-d'oeuvre depuis plus de 15 ans et reçoit toutes les sommes nécessaires à ce développement directement de la caisse d'assurance emploi.

Si le développement de la main-d'oeuvre pose problème aujourd'hui, les seuls à blâmer sont les gouvernements des partis libéral et québécois qui se sont succédé pendant cette période. De prétendre que le rapatriement de la caisse réglerait les problèmes de pénurie de main-d'oeuvre relève donc de l'ignorance de l'existence de cette entente ou de la mauvaise foi.

On tente également de nous faire croire qu'un régime québécois «offrira un traitement décent, humain et efficace qui répondra aux besoins propres des chômeurs et des entreprises du Québec». Cette prétention que le Québec fera inévitablement mieux que le fédéral n'est fondé sur aucune proposition concrète. Jamais dans ce qui est mis de l'avant, on reconnaît que le véritable problème est que le gouvernement ne cotise plus au régime. Le malheur que vivent les chômeurs depuis plus de 20 ans tire sa source de la déresponsabilisation de l'État quant à la problématique du chômage. Il est impossible d'avoir un régime décent sans contribution du gouvernement. Curieusement, le Parti québécois fait complètement abstraction de cet aspect du problème.

La proposition du PQ occulte complètement l'aspect solidarité de la question. Les fondements du régime d'assurance chômage sont ceux de la solidarité et de la redistribution de la richesse. Le régime a pour but de soutenir le travailleur qui est temporairement sans emploi. Celui qui cotise paie pour celui qui ne peut plus cotiser parce qu'il a perdu son gagne-pain. Les travailleurs des provinces où l'économie va mieux cotisent plus qu'ils ne reçoivent. Ceux des provinces en difficulté reçoivent davantage.

Qu'en est-il du Québec? Selon les dernières données disponibles (2006 à 2009), le Québec a été un bénéficiaire net relativement au régime d'assurance emploi. Bon an, mal an, les travailleurs du Québec reçoivent entre 400 et 800 millions de plus que ce qu'ils paient en cotisations.

Si on nous promet un régime plus généreux en le rapatriant au Québec, si le gouvernement québécois ne cotise pas au régime, si on promet des baisses de cotisations des employeurs et des employés, mais où diable va-t-on prendre l'argent? Un peu de rigueur, de grâce!

Si le PQ veut véritablement rapatrier le régime d'assurance chômage, qu'il engage un véritable débat rigoureux sur la question. S'il veut plutôt demander à Ottawa quelque chose qu'il sait très bien qu'il n'obtiendra jamais, pour se faire du capital politique dans sa perspective de «gouvernance souverainiste», qu'il ne prenne pas en otage les chômeurs. Ceux-ci ont une dure lutte à mener. Ne détournons pas leur énergie et leur attention.