Le G20 n'est pas un gouvernement mondial et sa dernière réunion à Cannes l'aura encore une fois prouvé. L'espoir de Nicolas Sarkozy, président et hôte de l'année, de changer l'ordre du monde est parti en fumée: ses projets de réglementer les cours des matières premières et de taxer les transactions financières ont été évincés par la menace immédiate d'un effondrement de la zone euro. À lire les procès-verbaux des débats et le communiqué final, il en ressort que le G20 opère plutôt comme un forum de discussion général qui, à coût moindre, pourrait être géré par téléconférence. Il reste cependant possible de tirer de ce «sommet» quelques enseignements sur l'état du monde et la pensée économique dominante du moment.

Tout d'abord, le G20 démontre que tous les États sont conscients de leur interdépendance: nul ne préconise le protectionnisme aux frontières ni une solution de rechange à l'économie mondialisée. La démondialisation n'était pas représentée à Cannes, le mouvement Occupy Wall Street non plus. La crise de 2008 qui n'est pas achevée, contrairement aux années 30 ou au choc pétrolier de 1973, n'a pas fait dérailler le consensus économique dominant. Mais à l'intérieur de ce modèle, il existe un débat entre partisans de la relance publique et tenants de la rigueur budgétaire. Dans cette controverse, Barack Obama, tête de pont du clan keynésien, a été nettement dominé par le parti de l'équilibre budgétaire incarné par Angela Merkel et la Corée du Sud. Avec son plaidoyer de relance de l'emploi, Obama s'est retrouvé à Cannes aussi isolé qu'il l'est dans son pays. Nul ne croit plus au G20 que la dépense publique conduise à la prospérité: Nicolas Sarkozy, pro-Obama en 2009, est clairement passé du côté Merkel.

Le nouveau modèle dominant est donc l'expérience allemande que l'on peut décrire ainsi: il appartient aux gouvernements de ne pas réagir à l'excès à la conjoncture mais de procurer aux entrepreneurs une perspective fiscale, sociale, réglementaire prévisible à long terme. Cette expérience, confirmée par la gestion sud-coréenne, exige aussi une flexibilité du marché du travail pour permettre aux entrepreneurs de s'adapter à un marché mondial fluctuant.

Merkel à Cannes aura donc éclipsé Sarkozy puisque cette politique à long terme, stable et prévisible, est celle de l'Allemagne quel que soit le parti politique au pouvoir, une sécurité que peu de nations offrent (hormis la Chine qui ne change jamais de gouvernement!).

Troisième apport du G20 de Cannes, significatif, l'euro en sort vivant: l'engagement clair de la France et de l'Allemagne de perpétuer un euro stable, géré par une banque centrale indépendante, avec ou sans la Grèce, a rassuré ceux qui, avant le G20, imaginaient un éclatement de la zone euro. Ce scénario catastrophe, répandu aux États-Unis et non exempt d'arrière-pensées, est désormais peu crédible. Il est exact que les pays émergents ne se sont pas engagés à voler au secours de l'euro, mais leurs fonds souverains investiront en euros si la devise européenne est stable, pas l'inverse.

On notera enfin, en passant, que la seule décision véritable prise par le G20 a été de renforcer le FMI. Une décision facile et inutile car le FMI est un pompier de service au passé peu glorieux, inapte à restaurer la croissance. C'est plutôt en se mettant à l'école «allemande» que l'on sortira de la récession: les participants au G20 semblent l'avoir intériorisé. Les chefs d'État et de gouvernement ne font jamais d'autocritique, mais la plupart se rallieront sans l'avouer. Au total, un bon G20 mais pas tout à fait celui qui était au menu.