L'opinion de Gaétan Frigon intitulée «Un ghetto francophone?», qui a été publiée dans les pages Forum de samedi dernier a suscité plusieurs commentaires de nos lecteurs.

QUELQUES COMMENTAIRES

Ce sont les anglos qui se ghettoïsent

Il faut vraiment ignorer la réalité pour écrire un texte comme celui de M. Frigon. Ne sait-il pas que plus de 40% des Québécois sont bilingues? On ne trouvera cette proportion de bilingues dans aucun autre pays au monde. Le Québec, un ghetto francophone? Une autre lubie. Lisez L'histoire du français, de Jean-François Nadeau et vous apprendrez que ce sont les anglophones qui se ghettoïsent, et non les francophones. Les anglophones - et ça remonte au temps des colonies (le père Brébeuf parlait six ou sept langues autochtones - n'ont jamais appris d'autres langues. Les anglophones parlent anglais, point final. C'est d'ailleurs ce qui les perdra. De plus en plus de travailleurs étrangers viennent occuper des postes aux États-Unis parce qu'ils parlent anglais, alors que les Américains, handicapés unilingues anglophones, ne peuvent aller travailler ailleurs. Ils sont confinés chez eux, avec leur système désuet de mesures anglaises, ils se replient sur eux-mêmes, et s'asphyxient lentement. On le sait très bien que l'anglais est la langue internationale dans le monde d'aujourd'hui. Vouloir des écoles françaises et vouloir augmenter la présence du français chez nous ne signifie pas écraser l'anglais. J'ai rencontré à Barcelone, en juin dernier, un Suédois qui disait que, si on passait un référendum dans son pays, 90% des Suédois voteraient pour que l'anglais devienne la première langue de leur pays. Quelle ineptie ! Une langue n'est pas seulement un moyen de communication. Une langue est aussi une façon de voir le monde. Voir le monde en français, en allemand ou en swahili n'est pas la même chose. Si le monde entier devient anglophone (ou germanique ou chinois) un jour, la vie sera extrêmement pauvre.

Bernard Marcoux, écrivain

* * *

Avantage concurrentiel

L'opinion de M. Frigon est d'une lucidité écrasante. Il est grand temps, depuis longtemps, que le Québec sorte de l'enclave linguistique dans laquelle certaines élites de centre-gauche et gauche (pour ne pas dire gogauche) veulent le confiner. Oui, je supporte entièrement l'usage du français, je suis fier de le parler et l'écrire, mais il faudrait aussi que nos enseignants, nos artistes et plusieurs personnalités publiques le parlent et l'écrivent correctement pour en assurer la pérennité. Il faut défendre notre langue française, mais ça ne se fait pas en jouant à la victime à coups de lois, de règlements et de contraintes pour l'imposer, tout en la déformant constamment dans son usage courant. Ça se fait plus par l'éducation et la formation. Quand on voit les taux de réussite dans les tests de français pour les futurs enseignants et qu'on lit ce qui s'écrit sur internet, on peut croire qu'il y a place à amélioration. La langue internationale demeure l'anglais et nous avons la chance de vivre dans un environnement (oui en minorité, mais ce n'est pas une tare) où nos jeunes peuvent y être exposés et l'apprendre facilement, ce qui leur confère un avantage concurrentiel indéniable, peu importe la sphère d'activités où ils choisiront d'évoluer. Quel pourcentage de la population francophone du Québec qui ne le peut pas voudrait pouvoir parler l'anglais? Demandez à ceux qui voyagent un peu. Et ça n'empêche personne de parler français chez eux...

Jean Guimond

* * *

Une petite minorité

M. Frigon, vous vous adressez à la nation comme si elle avait terminé son MBA en gestion internationale. Les Québécois dont vous parlez et qui doivent transiger avec la Chine, l'Allemagne, la Corée représentent un peu moins de 1% de la population. Et ils parlent tous anglais. Mon père est professeur d'histoire à l'université, ma mère est psychologue. Ils ont tous les deux eu de très belles carrières et ni l'un ni l'autre ne parle un seul mot d'anglais. Moi qui passe deux mois par année en France pour mon travail, je n'ai jamais rencontré qu'un seul Français qui parlait bien anglais. Je vous invite à traverser l'une de nos trois frontières, l'Ontario, le Nouveau-Brunswick ou les États-Unis,pour constater l'état d'un peuple majoritairement francophone (c'était le cas juste de l'autre côté de ces trois frontières-là) et qui n'a pas protégé sa langue afin d'éviter de devenir un ghetto francophone.

Didier Morissonneau

* * *

Inquiétudes non fondées

Les propos de M. Frigon sur les risques de «ghettoïsation» du Québec sur le plan international, faute de maîtriser la langue des affaires qu'est l'anglais, ne sont aucunement fondés. Bien au contraire, la plupart des jeunes francophones du Québec maîtrisent de mieux en mieux la langue seconde et la plupart d'entre eux la maîtrisent à la perfection quand vient le temps de brasser des affaires à l'étranger. Si j'étais lui, je m'inquiéterais beaucoup plus des allophones et des anglophones qui, après plus de 20 ans passés au Québec, ne comprennent ni ne parlent un niveau de français fonctionnel. Avec la croissance inévitable de l'immigration, c'est là que se situe le vrai risque de ghettoïsation!

André Auger, Île-Bizard

* * *

Dès la maternelle

Je suis tellement d'accord avec les propos de M. Frigon. Il faut que l'anglais soit enseigné dès la première année, voire dès la maternelle. À cet âge, les enfants sont comme des éponges, ils apprennent si facilement. On peut comprendre pourquoi tant de gens veulent que leurs enfants puissent fréquenter les écoles anglaises. En affaires comme en voyage, c'est un must que de parler l'anglais.

Louisa Fortin, courtier immobilier