Les propos tenus par le cinéaste montréalais Jacob Tierney (La Presse, 6 juillet) ont suscité de nombreux commentaires. Voici quelques-uns des courriels que nous avons reçus.

Du mépris

Je tiens à communiquer ma déception par rapport aux prises de position dédaigneuses et provocatrices du réalisateur Jacob Tierney concernant le Québec. Je pense bien humblement que ce type manque de connaissances sociopolitiques et de sensibilité sur la réalité française nord-américaine. Je reçois sa rhétorique comme du mépris à notre égard et cela est profondément blessant. Je ne crois pas que c'est de cette façon qu'il va nous rallier à sa cause.

Stéphanie Chalut

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Préjugés ou réalité?

Comme c'est malheureusement encore le cas, un anglophone montréalais, québécois, canadien véhicule des préjugés non fondés sur les Québécois, et plus précisément sur la manière dont la culture québécoise opprime les «autres» cultures. Le cinéaste Jacob Tierney (Le Trotsky) - présentement à Los Angeles, où on présente son film en première, grâce à la collaboration du gouvernement du Québec, qui a même tenu une réception en son honneur - n'a rien trouvé de mieux à faire avec cette magnifique tribune que de cracher des propos xénophobes sur le cinéma québécois. Il est de mise de se demander sur quoi ces critiques virulentes sont fondées? Sûrement pas sur les films: Le jour avant le lendemain (Marie-Hélène Cousineau et Madelaine Ivau), Un dimanche à Kigali (Robert Favreau), Le Nèg' (Robert Morin), Mambo Italiano (Émile Gaudreault), Littoral (Wajdi Mouawad), La cité des ombres (Kim Nguyen), Bon cop, bad cop (Érik Canuel) et la liste est longue... Et malgré tous ces exemples qui prouvent le contraire, quel est le problème du cinéma québécois s'il se décide à présenter des Québécois qui parlent français? Allons-nous reprocher au cinéma italien de mettre en scène des Italiens ? Nous sommes une minorité et c'est notre droit, si ce n'est pas notre devoir, de nous présenter à l'écran de la manière la plus juste possible. Ce n'est certainement pas le reste du Canada qui va s'en charger.

Jarrett Mann, président du festival SPASM

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La réalité

Encore une fois la majorité québécoise, nationaliste, indépendantiste est réactionnaire. M. Tierney n'a pas dit qu'il détestait le Québec et sa langue. Il a tout simplement dit que le cinéma québécois ne représente pas très bien les minorités de Montréal. Et, selon moi, il a raison. Cela ne veut pas dire que le cinéma québécois est mauvais, mais tout simplement que nous ne voyons pas beaucoup d'immigrés et nous n'entendons pas parler beaucoup l'anglais. Je suis convaincu que si l'on tournait un film sur Montréal, tels que Paris, I love you, ou New York, I love you, films qui jettent un regard sur le quotidien de plusieurs couples, on s'apercevrait que la société moderne de Montréal comprend un grand nombre de gens qui parlent couramment le français, l'anglais et une autre langue. C'est la réalité de la plupart des Montréalais de 45 ans et moins. Je crois que c'est tout simplement ce que M. Tierney voulait exprimer.

Elise Cooper

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Un parcours méconnu

Ce n'est pas seulement dans le cinéma d'ici, mais aussi dans les magazines et dans la publicité qu'on constate l'absence flagrante d'immigrants et d'anglophones. Les revues ne regorgeant pas de publicité avec des visages de femmes d'origine arabe, on ne voit pas sur l'autoroute des mannequins noirs exhibant un énorme sourire. À croire que la perfection, pour le mannequinat, c'est d'avoir des yeux bleus et des cheveux blonds. Comme le dit M. Tierney, on devrait valoriser les gens de différentes origines dans les films d'ici. Il est vrai que le Québec n'exclut pas les Québécois qui ne sont pas de souche, mais je crois qu'un jour, on devrait faire un film sur le parcours d'immigrants pour arriver au Québec. Pour la plupart des étrangers que je connais, dont ma famille, le voyage vers le Québec n'a pas été de tout repos. Nous avons souvent dû quitter nos pays d'origine pour des raisons de guerre ou de famine. Les immigrants ont leur place dans leur société, ils méritent d'être représentés et d'être présents.

Marlène Iradukunda