La voiture électrique est en vedette dans les médias. Quoi de plus séduisant que de recharger les batteries de sa voiture avec de l'électricité propre, d'origine hydro-électrique, puis de se déplacer sans relâcher dans l'atmosphère la moindre particule de CO2 ou de gaz toxiques. Mais, rêve encore inaccessible, nous sommes loin de ce moment!

Il faut éviter de reproduire l'erreur historique du début du XXe siècle!

Jusqu'aux années 20, les automobiles, à moteur électrique ou à explosion, avaient une autonomie limitée à la circulation urbaine. La voiture électrique avait par rapport au moteur à explosion des avantages décisifs: démarrage instantané sans manivelle (le démarreur électrique a été mis en marché en 1912), propreté, silence, pas de vibrations. Ce qui assurait son succès.

 

Puis, la création de réseaux de distribution d'essence permit à tous les véhicules à moteur à explosion de franchir de longues distances. Le véhicule électrique était supplanté.

L'invention de la chaîne de production (Henry Ford) a permis de réduire par 10 les prix des véhicules à moteur à explosion. La voiture électrique est devenue beaucoup trop chère.

En 2008, ces deux points faibles, la faible autonomie de la voiture électrique et son coût trop élevé, sont toujours d'actualité.

La voiture électrique est trop souvent pensée comme une voiture traditionnelle dont on aurait remplacé le moteur. Il faut faire table rase de cette perspective. Un véhicule électrique, dépouillé de l'ensemble pesant et encombrant des organes mécaniques, est plus simple, plus petit, plus léger et pour un poids donné potentiellement plus spacieux. Ce véhicule reste à créer.

Il faut augmenter significativement l'autonomie de la voiture électrique. Le véhicule peut être équipé d'une génératrice de courant électrique rechargeant les batteries. C'est la solution Volt de Chevrolet. Une autre solution serait d'offrir un service de changement rapide de batteries interchangeables, rechargées à partir de sources d'énergie propre. Au lieu de faire le plein d'essence, nous ferions le plein d'électricité.

Il faut inventer le système de production qui permettra de réduire le prix des véhicules. Pour ce faire, il faut s'inspirer de l'industrie des ordinateurs pour baisser les coûts. La simplicité d'un véhicule électrique favorise la conception en architecture modulaire ouverte. Dans ces conditions, un véhicule électrique conçu comme un gros Lego serait produit à bas coût dans de petites usines flexibles (15 000 à 20 000 véhicules par an). Le constructeur norvégien de véhicules électriques Think prouve que cela est possible. La réussite du modèle industriel de Think, ou de tout autre modèle s'y approchant, conférerait à l'industrie de la voiture électrique l'avantage de prix décisif.

Il faut inventer, diffuser, développer les services uniques à la voiture électrique du XXIe siècle.

L'insertion de véhicules électriques communicants dans des systèmes «intelligents» de transports provoquera d'importantes migrations de valeur vers les services. Livrer des services ultraparticularisés dans une voiture sera une activité ultralocale.

Nous sommes à un tournant. Entrepreneurs, municipalités et régions joueront un rôle essentiel dans la réalisation, le financement et l'administration des infrastructures de livraison des services. Des hommes politiques et des entrepreneurs audacieux ont entre leurs mains le pouvoir de réinventer l'espace des transports et de la ville (tout au moins, les façons de s'y déplacer) avec, au passage et en prime, la réinvention de l'automobile et de son industrie.

Avec la perspective de faillites spectaculaires des grands constructeurs américains, un vaste espace d'innovation est ouvert. C'est le moment ou jamais!

L'auteur est professeur à l'École de gestion Telfer et directeur du Car Internet Research Program (CIRP), à l'Université d'Ottawa.