Je suis tellement en colère.

Je suis tellement en colère.

Le 1er mai, j'ai participé pour la première fois à la manifestation anticapitaliste de la journée des travailleurs. J'y amenais ma fille Marianne de 7 mois et ma filleule de 8 ans, Mathilde.  

Avant de partir, Mathilde me demande: «C'est quoi une manif?» C'est un rassemblement de personnes qui veulent défendre une cause, dire ce qu'ils pensent. Nous sommes chanceux au Québec, nous avons le droit de manifester nos opinions. Nous avions concocté ensemble une pancarte pour ma fille qui disait: «Bébé déjà en colère, Bébé déjà solidaire.» Mathilde demande ce que ça veut dire solidaire? Ça veut dire faire équipe, s'entraider.

Arrivés au parc Émilie-Gamelin, on rejoint le contingent familial appelé le «baby bloc». Des policiers sont postés un peu partout. Il y avait aussi quelques médias. Le convoi se met en marche. À mon grand étonnement, le «baby bloc» semblait représenter plus de la moitié du nombre de manifestants.

En marchant, Mathilde me demande: «C'est quoi le capitalisme?» Ouf... comment lui répondre dans des mots simples. Elle demande aussi: «Est-ce que tu crois que le capitalisme a de l'avenir?»

J'étais contente. J'étais venue pour défendre une autre façon de voir et de faire les choses. Je ne souhaite pas vivre dans un monde de consommation basé uniquement sur des valeurs néolibérales. L'ambiance était à la fête. Bon, il semblait y avoir autant de policiers que de manifestants, en vélo, à pied, à cheval, en auto, sur les toits, en hélicoptère, mais je réussissais  à les oublier.

Angle Saint-Laurent et Sherbrooke, le convoi s'arrête. Avec les filles, on se retrouve sur le trottoir à la hauteur des six cavaliers qui ferment la manif. Tout à coup, on voit un peu de fumée en avant. Un cavalier s'énerve et dit «let's go les boys, faut aller les aider», et ils foncent  tout droit dans le «baby bloc»!  Les chevaux sont nerveux et piaffent entre les poussettes. Je vois une personne avec une poussette coincée entre les voitures stationnées et les chevaux! Les parents protestent furieusement. Je ne comprends pas ce qui se passe.

Je suis tellement en colère. Mathilde me dit: «Mais les policiers auraient pu tuer des enfants avec les chevaux.» Effectivement!

Je rentre avec ma pancarte, ma fille et Mathilde, avec la rage au coeur. Mathilde ne comprend pas ce qui vient de se passer, moi non plus. Je suis dégoutée de ce que j'ai vu.

À la télé de Radio-Canada, on montre des gens cagoulés, on parle de grabuge et on fait parler la police. C'est tout. Et le «baby bloc»? Rien à propos de la charge policière dans les poussettes?

Je suis tellement en colère, et grâce à ces médias, c'est ma mère qui me dira: «Mais t'es folle d'amener ta fille dans une manif comme ça!»