Le 22 avril 2002. J'étais dans le train entre Le Mans et Paris, dans le wagon-restaurant. Tout à coup, la commotion. On entendait des «C'est pas possible, je rêve», «Ils vont recompter, ça n'a aucun sens», «Elles sont où, les têtes de noeuds qui ont fait ça?», «C'est la catastrophe!»... Quelques minutes plus tard, le wagon-restaurant était plein à craquer. La commotion étaient devenue consternation. Les passagers regardaient un petit écran et écoutaient, sidérés, les résultats du premier tour de la présidentielle française. La plupart d'entre eux semblaient «de gauche». Ils avaient voté avec leur coeur, à gauche, qui pour les Verts, pour Hue, pour Jospin, même pour Arlette. Sur l'écran s'affichaient les visages des candidats qui passeraient au second tour: Jacques Chirac, du parti de droite Rassemblement pour la République, et Jean-Marie Le Pen, du parti d'extrême droite, le Front national. Les copains avec qui je faisais le voyage étaient dégoûtés («Non mais, qui aurait cru que je serais un jour obligé de voter pour ce type!»): ils se déplaceraient massivement le 5 mai pour voter Chirac au second tour et ainsi éviter le pire.

Le 22 avril 2002. J'étais dans le train entre Le Mans et Paris, dans le wagon-restaurant. Tout à coup, la commotion. On entendait des «C'est pas possible, je rêve», «Ils vont recompter, ça n'a aucun sens», «Elles sont où, les têtes de noeuds qui ont fait ça?», «C'est la catastrophe!»... Quelques minutes plus tard, le wagon-restaurant était plein à craquer. La commotion étaient devenue consternation. Les passagers regardaient un petit écran et écoutaient, sidérés, les résultats du premier tour de la présidentielle française. La plupart d'entre eux semblaient «de gauche». Ils avaient voté avec leur coeur, à gauche, qui pour les Verts, pour Hue, pour Jospin, même pour Arlette. Sur l'écran s'affichaient les visages des candidats qui passeraient au second tour: Jacques Chirac, du parti de droite Rassemblement pour la République, et Jean-Marie Le Pen, du parti d'extrême droite, le Front national. Les copains avec qui je faisais le voyage étaient dégoûtés («Non mais, qui aurait cru que je serais un jour obligé de voter pour ce type!»): ils se déplaceraient massivement le 5 mai pour voter Chirac au second tour et ainsi éviter le pire.

Je vivais en France depuis bientôt deux ans et je partageais la désolation de mes amis qui venaient de réaliser que le vote «avec le coeur» n'existait pas, que le vote devait toujours se faire «avec la tête», être stratégique.

Neuf ans plus tard, à la même période, 6000 km à l'est, la campagne électorale tire à sa fin au Canada. On suit les sondages, on sonde sa conscience, ses valeurs. Le 2 mai, j'espère ne pas lire la consternation sur les visages de mes compatriotes et sur le mien à l'annonce de l'élection d'un gouvernement conservateur majoritaire. Nous avons le pouvoir de ne pas faire élire des candidats conservateurs. Nous avons le pouvoir de faire de notre vote un vote stratégique.

Bloc québécois? Nouveau Parti démocratique? Parti libéral? Parti Vert? J'invite mes amis qui ont la fibre plus socialiste que libérale à réfléchir avant de voter avec leur coeur car, contrairement à mes copains français, ils n'auront qu'un tour pour élire leur député et le prochain gouvernement.