Le récent virage de Lucien Bouchard s'inscrit dans un parcours sinueux qui force à s'interroger sur les motivations profondes de ses incessantes bifurcations. Encore une fois, il a tourné le dos à ses amis d'antan, comme l'a déjà fait Me Guy Bertrand après un cuisant revers à la direction, comme Diane Lemieux après avoir perdu du galon dans l'opposition. Le sentiment d'échec et la frustration peuvent expliquer d'étonnants revirements, les blessures à l'âme produire d'imprévisibles comportements. La dernière pirouette de l'ancien premier ministre a atteint un sommet qui va au-delà de la simple défection. Il s'associe à une industrie sur laquelle pèsent les pires soupçons, s'allie à un gouvernement dont la population se méfie, s'acoquine avec celui qui, sans vergogne, a détruit le grand ouvrage qu'il avait courageusement construit: une métropole unifiée qui se dotait enfin d'une structure digne de son temps. Son coeur meurtri lui aurait-il interdit de dénoncer un tel gâchis? Ce géant impressionnant et inspirant, friand de défis les plus grands, capable de remarquables accomplissements, a du mal toutefois à résister au mauvais temps et peut, à tout moment, au moindre vent de mécontentement, vaciller, changer de cap et de camp. Il semble préférer des lieux où il peut s'exprimer plus librement, avancer plus rapidement, à l'abri de tout dissident, sans souffrir quelque dissentiment.