Pardonnez que je ne partage pas l'enthousiasme collectif à l'égard de la canonisation du frère André... Je n'ai contre lui, rien pour non plus. C'est juste qu'on nous propose un modèle d'humanité qui n'a plus sa raison d'être, un témoin d'une autre époque, une époque dure où l'on se faisait soigner si on avait de l'argent. On devrait moins canoniser le frère André que dénoncer cette époque: non, ce n'était pas mieux avant, non les gens n'étaient pas plus vertueux ou n'avaient de plus belles valeurs. Avant, c'était la misère et le peuple, à genoux, attendait du ciel une improbable délivrance.

Pardonnez que je ne partage pas l'enthousiasme collectif à l'égard de la canonisation du frère André... Je n'ai contre lui, rien pour non plus. C'est juste qu'on nous propose un modèle d'humanité qui n'a plus sa raison d'être, un témoin d'une autre époque, une époque dure où l'on se faisait soigner si on avait de l'argent. On devrait moins canoniser le frère André que dénoncer cette époque: non, ce n'était pas mieux avant, non les gens n'étaient pas plus vertueux ou n'avaient de plus belles valeurs. Avant, c'était la misère et le peuple, à genoux, attendait du ciel une improbable délivrance.

Le vrai miracle est survenu en 1970 quand la société québécoise a convenu de se doter d'un régime d'assurance maladie. Désormais les soins de santé allaient être dissociés de la fortune personnelle. Le plus pauvre d'entre les pauvres aurait accès à des soins médicaux de pointe. Les lépreux n'auraient plus besoin de Jésus mais d'antibiotiques, que la collectivité leur payerait. Ce n'est pas rien et on mesure mal, encore aujourd'hui, ce qu'il y a d'exceptionnel dans un tel effort de dissociation. Ce n'est que très récemment dans l'histoire de l'humanité, et dans quelques pays seulement, qu'on soigne gratis (enfin, avec les impôts). Pour des immigrants issus du Tiers-monde, c'est la réception de la carte-soleil qui suscite le plus d'émotion, semble-t-il, encore plus que l'octroi de la citoyenneté canadienne.

Le miracle de la carte soleil est fragile et appelle à un second miracle: faire en sorte que l'injonction de fonds privés dans le réseau de la santé ne viennent en menacer l'accessibilité.