«De nombreux États introduisent des cours de lecture biblique à l'école, donnant ainsi l'occasion aux élèves d'étudier la Bible. Un retour en arrière? Formidable!»

Ainsi tweetait Donald Trump lundi.

Voir cet homme sans foi ni loi se réjouir du retour de l'enseignement biblique est bien sûr du plus grand comique.

Selon les normes des chrétiens conservateurs à l'origine de cette régression, la vie non repentie de Donald Trump devrait à elle seule le disqualifier pour le royaume des cieux. Une vie de tromperie, de tricherie, de dépravation morale, trois mariages, un langage obscène, des prises de position anciennes favorables à l'avortement, une absence totale du moindre comportement «chrétien», une philanthropie bidon, etc., etc.

Et pourtant, la droite religieuse le soutient.

Pourquoi?

Hier, sa porte-parole Sarah Sanders a dit sur les ondes d'une radio chrétienne que «Dieu a voulu que Donald Trump soit président». Mme Sanders, qu'on voit affronter la presse les sourcils froncés, mais sûre de sa mission, est la fille de l'ancien candidat républicain et pasteur baptiste Mike Huckabee.

Comprenons-nous bien : je ne ridiculise pas les croyances de quiconque ici. Je me demande simplement : comment d'aussi fervents croyants peuvent-ils soutenir un homme comme Trump? Des groupes qui pourfendent l'adultère font l'accolade à l'ancien amant de Stormy Daniels?

Eh oui. C'est le cas. Pas parce que Donald Trump a fait l'objet d'une conversion; pas parce qu'après avoir soutenu la liberté de choix des femmes, il propose des châtiments pour les médecins qui pratiquent des avortements; pas non plus parce qu'il est born-again comme George W. Bush, qui avait tourné le dos à son ancienne vie de bum. Trump n'a rien renié!

Pourquoi alors?

Parce qu'il est le roi Cyrus de notre temps.

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L'automne dernier, bien en dessous du radar médiatique, 1000 salles de cinéma ont projeté The Trump Prophecy. C'est l'histoire d'un pompier qui a vu en 2011 que Trump deviendrait président. Certaines prophéties mettent des siècles à se réaliser. Mais dans le cas du pompier, cinq ans, c'est plutôt rapide.

Le film, auquel ont participé plusieurs membres d'un collège religieux, montre le héros sortir une bible, et lire le chapitre 45 du livre du prophète Isaïe, qui raconte l'intronisation du roi Cyrus. Ce roi perse est crédité de la libération des juifs de Babylone au VIsiècle avant Jésus-Christ.

J'ai déjà parlé ici de cette théorie : Cyrus était du point de vue des juifs un païen, mais il a néanmoins accompli la volonté divine en libérant le peuple élu.

Ainsi de Trump : les électeurs religieux ne sont pas dupes, ils voient comme tout le monde les dehors de ses écarts moraux. Mais il est celui qui a réussi à nommer deux juges conservateurs à la Cour suprême, renversant ainsi l'équilibre idéologique pour une génération. Et si - Dieu la protège - la juge Ruth Bader Ginsburg, bientôt 85 ans, ne survit pas à son xième cancer, l'aile conservatrice passera à six sur neuf...

Oh, et pour les amateurs de numérologie... Trump est le 45président... comme par hasard!

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J'ai l'air de parler d'un truc marginal, mais dans le milieu évangélique, la théorie du roi Cyrus est tout à fait mainstream, acceptée et enseignée. Un jour viendra un leader païen qui accomplira l'oeuvre de Dieu...

La journaliste Katherine Stewart, qui couvre la droite évangélique américaine, va encore plus loin. Citant différentes sources, elle avance que les évangélistes n'aiment pas seulement le fait que Trump ait «livré» les juges conservateurs. Ils aiment aussi son style autocratique, quasi monarchique. Elle raconte avoir assisté à des douzaines de cérémonies religieuses faisant référence à Trump. Si plusieurs lui reprochaient son immoralité, l'idée la plus importante était son arrivée miraculeuse dans la politique américaine. Les «religieux nationalistes» s'abreuvent aussi à l'inquiétude face à l'immigration non chrétienne. Bref, Trump, ce chef mâle comme on n'en voit plus, a, en effet, quelque chose de providentiel à leurs yeux.

Ils ne sont pas aveugles à ses faiblesses terrestres. Ils louent sa mystérieuse connexion céleste.

C'est ce qui explique ces sorties religieuses sporadiques de Trump. Elles sont loufoques, venant de lui.

Mais que voulez-vous, Dieu a choisi Trump.

Alors Trump, pas si fou, a choisi Dieu itou.