À 130 km/h, allongé sur une planche posée sur deux patins qui se promènent sur la glace, le bruit du vent annule tous les autres sons. Couché sur le dos, Sam Edney est tout à la piste, que sa luge épouse selon les légers mouvements de sa tête et de ses épaules... Virage 1, virage 2... attention, le 4 est compliqué... le 9, le 10... le 14... c'est fini.

Mais hier, pour sa dernière descente, lors de l'épreuve de relais par équipes, c'était autre chose. Il a fait Turin, Vancouver, Sotchi, et pour ce dernier trajet du dernier jour de compétition, il a vécu une sorte de moment de grâce.

«L'espace s'est ouvert, je remarquais plein de détails, je me suis surpris à sourire... J'ai vu les visages des spectateurs... J'étais tellement dans un état second, je me suis dit que j'avais perdu ma concentration, que j'étais peut-être sur la mauvaise trajectoire, mais non, c'était bon... Et en arrivant, j'ai explosé de joie.»

C'était très, très bon, oui, assez pour une médaille d'argent. Le relais par équipes, c'est une luge solo homme, une luge solo femme et une luge à deux qui descendent l'une après l'autre, dès que le précédent appuie sur un bouton en franchissant la ligne d'arrivée.

C'était très bon, donc, d'autant plus qu'à Sotchi, l'équipe de relais canadienne avait terminé quatrième. L'équipe russe, qui a obtenu l'argent, a été disqualifiée au mois de décembre... 2017. Ça faisait remonter le Canada rétroactivement et lui donnait le bronze. Mais hop, ce bronze leur fut de nouveau retiré il y a deux semaines quand le Tribunal arbitral du sport (TAS) a annulé cette suspension.

«Honnêtement, cette médaille de Sotchi, on ne s'en soucie pas tellement, qu'on nous la donne, qu'on ne nous la donne pas... C'est le jour même que ça compte, le jour de la course, c'est cette joie-là que tu veux. La médaille qu'on vient de gagner à PyeongChang, c'est une victoire pour le sport propre, et c'est ce qui compte vraiment», a dit la partenaire des débuts d'Edney, Alex Gough, lors d'une rencontre avec les médias au lendemain de l'épreuve de relais.

À Sotchi, elle a fini quatrième en luge solo en plus de cette amère quatrième place au relais. «Ça nous a pris deux ans à nous en remettre.»

En plus de l'argent au relais, elle repart d'ici avec le bronze en luge individuelle.

Ces deux-là ont connu l'époque un peu rustique de la luge canadienne, sans budget et sans personnel. Chaque médaille est le résultat d'un travail colossal, mais pour certaines, le chemin est plus long et plus raboteux.

OK, cette luge-là, mais on conseille quand même de ne pas dépasser 100 km/h sans supervision ni casque approprié.

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En plus de ces deux lugeurs en solo, il y avait donc le duo de la luge à deux. Sachez que pour faire un duo, il faut deux corps assez différents.

«Je pèse 90 kg et Justin [Snith], 70», explique Tristan Walker.

Ils se sont connus à 12 ans et c'est un peu par accident qu'on les a embarqués dans la luge à deux, à 16 ans. Le duo de l'équipe canadienne avait abandonné, tout le monde s'en allait à Salt Lake City pour une compétition, en partance de Calgary. «Si la camionnette avait été plus petite, on n'aurait même pas apporté la luge à deux... Mais l'entraîneur a dit: bon, pourquoi pas, vous essaierez.» Ces deux ados sans la moindre expérience ont remporté le bronze.

Il y a ceci de délicat dans la luge à deux qu'on ne sait pas trop comment vont se développer les enfants. Deux grandes asperges, ça ne fonctionne pas. Deux petits râblés non plus. Ça prend un costaud pas si gros et un plus petit mais pas tant. Ça prenait exactement eux.

Leur mère leur avait préparé un paquet. Dans celui de Tristan, il y avait l'écusson de l'armée de l'air de son grand-père, mort juste avant Sotchi. «C'est sûr à 100% que si je n'avais pas fait de luge, j'aurais voulu être pilote d'avion de chasse... Je rêve d'aller dans un F-18. J'aime la vitesse!»

Oui, on avait cru remarquer...

«La seule peur que j'ai, c'est de laisser tomber l'équipe.»

Dans le paquet de Justin, il y avait une pièce de monnaie chanceuse. «Je ne l'ai pas portée sur moi dans l'épreuve à deux, ça ne s'est pas bien passé...»

Il l'avait pour le relais, bien entendu.

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Rien n'est absolument parfait, en luge comme dans tout le reste. C'est juste que certains jours on touche presque à la perfection. On fait «la descente de sa vie», tout a l'air facile, tout glisse, mais au bon endroit, dans l'angle voulu...

Et ça donne cette sorte d'extase et même, parfois, une superbe médaille d'argent.