Donald Trump n'était pas encore candidat républicain que déjà, en avril 2016, le site Politico publiait un long texte sur l'hypothèse de son impeachment.

Donald Trump n'était pas encore candidat républicain que déjà, en avril 2016, le site Politico publiait un long texte sur l'hypothèse de son impeachment.

Ses déclarations sur l'usage de la torture et l'assassinat des membres des familles de terroristes, disait l'article, pourraient constituer des crimes et enclencher la procédure de destitution prévue à la Constitution américaine.

Trump a été désigné comme candidat républicain. Il est devenu président - même s'il a perdu le vote populaire. Et aussitôt les médias étaient remplis de l'hypothèse. Le prof d'université Allan Lichtman, mis au rang des prophètes pour avoir prédit grâce à un modèle mathématique l'élection de Trump, a prédit également sa destitution au premier mandat. Michael Moore a fait de même. En décembre, le Vanity Fair publiait une analyse disant qu'avant même qu'il prête serment, les preuves s'accumulaient contre le futur président en matière de conflits d'intérêts, assez pour le faire destituer. Le 1er janvier, dans le Huffington Post, un prof d'université américain présidait également une destitution rapide en raison de ses liens commerciaux avec des puissances étrangères et sa collusion avec la Russie, pays ennemi, etc.

Et maintenant, on parle ouvertement d'une « possible » entrave à la justice, car le président « aurait » demandé en février au directeur du FBI James Comey de laisser tomber une enquête sur des membres de la nouvelle administration et leurs liens avec la Russie (en particulier le général Michael Flynn, qui n'a fait que passer). L'enquête a continué et Comey a été congédié la semaine dernière. D'où la relance d'hypothèses surexcitées d'une possible destitution. Hier, on annonçait même la nomination d'un « procureur spécial » pour enquêter sur la filière russe. Et l'on rapportait les propos d'un élu républicain disant en privé (à la blague, dit-il !) que Trump était « payé » par Vladimir Poutine.

Tout cela est fort divertissant, mais la destitution n'arrivera pas. Certainement pas avant deux ans, ne serait-ce que parce que les républicains dominent la Chambre des représentants au moins jusqu'en novembre 2018.***

Ça n'arrivera pas non plus à court terme parce que l'impeachment n'est pas une procédure d'appel après un résultat électoral décevant. Même si, à la fin, ce sont des élus qui décident, il faut reprocher un crime sérieux au président.

La procédure est simple : la Chambre des représentants, sur un vote à simple majorité, peut déclencher le procès en destitution, qui se tiendra au Sénat. Là, les sénateurs doivent voter aux deux tiers pour le destituer. Un débat a lieu entre experts sur la question de savoir s'il faut nommer un procureur indépendant pour mener cette procédure. En pratique, la Chambre nommerait un tel procureur. Ce fut le cas quand Bill Clinton a eu son procès en destitution devant le Sénat pendant son deuxième mandat. On lui reprochait justement une entrave à la justice et un parjure devant un grand jury, où il avait nié sa relation avec Monica Lewinsky. On oublie souvent de dire que l'enquête sur Clinton portait sur un scandale financier (Whitewater), des malversations et même la mort d'un proche conseiller de Bill Clinton. C'est à la onzième heure que le scandale sexuel s'est ajouté à une enquête qui n'aboutissait pas.

Quoi qu'il en soit, la procédure est politiquement difficile à faire aboutir, à moins d'avoir affaire à un cas très clair.

Or, on a beau reprocher à Trump ce congédiement suspect, il serait très surprenant qu'on prouve la moindre entrave à la justice selon des normes juridiques un peu sérieuses.

D'abord, le compte rendu de la rencontre Trump-Comey provient d'une note écrite par Comey, que même le New York Times n'a pas vue. Qu'a dit exactement Donald Trump ? J'espère que l'enquête n'aboutira pas ? Vous feriez bien mieux de cesser cette enquête ?

Deuxièmement, le président a le pouvoir de congédier le directeur du FBI à tout moment. Il est nommé pour 10 ans, mais « au bon plaisir » du président. Le congédiement est suspect, bien entendu, mais ne constitue pas en soi une preuve de rétorsion. Une évidence politique n'est pas une preuve. Le bureau du Procureur général a bien sûr monté son dossier pour justifier le congédiement. Faire la preuve hors de tout doute de l'intention criminelle de Trump serait probablement impossible.

Qu'importe : de nombreux experts y vont d'hypothèses. « Si c'est vrai » et « si on peut prouver que... » Ça fait beaucoup de si.

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Cette présidence est chaotique, incohérente, intempestive, impossible à comprendre ou à prédire pour les analystes comme pour les alliés. Six mois après son incroyable élection, beaucoup aux États-Unis comme ailleurs ne l'ont toujours pas digérée, n'en reviennent pas encore, n'en reviendront jamais et rêvent de voir Donald Trump quitter la présidence.

Mais pour l'instant, dans l'état du dossier et surtout dans l'état du Congrès majoritairement républicain, l'impeachment relève du fantasme. On aimerait donc qu'une puissance supérieure le renvoie à la Trump Tower. Dieu, si tu es là, fais quelque chose !

En attendant un retour d'appel de Dieu, c'est sur le terrain politique plus que judiciaire qu'il peut être combattu - encore que l'impeachment est nécessairement un hybride politico-judiciaire. Bien des républicains doivent commencer à avoir peur : les représentants devront se faire réélire en 2018...