Harcèlement? Inconduite? Agression? C'est sexuel, oui... Mais qu'est-ce que c'est au juste?

Accusons d'abord, laissons planer les rumeurs et cherchons les faits plus tard!

L'affaire des deux députés libéraux à Ottawa suspendus par le chef Justin Trudeau il y a trois semaines dérape chaque jour un peu plus.

Une des plaignantes exige un processus «impartial et confidentiel». Mais voilà qu'elle a commencé une ronde d'entrevues aux médias.

La femme, députée du Nouveau Parti démocratique (NPD), décrit sous le couvert de l'anonymat certains détails d'une «relation sexuelle sans consentement explicite» qu'elle aurait eue avec le député Massimo Pacetti.

Voici sa version résumée: en mars 2014, après un événement social, elle prend un verre avec M. Pacetti et d'autres personnes. Elle accepte l'invitation d'aller dans la chambre du député pour un dernier verre. Il lui fait des avances. Elle va dans les toilettes «pour essayer de réfléchir à comment [s]'en aller, comment régler cette situation-là...» «Mon intention après, c'était juste de ressortir, d'aller boire rapidement mon verre et de dire: «Bon, regarde, finalement je vais y aller.»»

Mais en sortant, «il m'a attrapée» et «il m'a agrippée de manière un peu agressive, je n'ai pas eu le choix de suivre», ajoute-t-elle. Elle ne savait pas quoi dire, elle était «figée» et elle a eu peur. Après la relation sexuelle, elle est partie rapidement.

Si les choses se sont vraiment passées comme ça, quatre lettres résument l'événement. C'est un viol, non?

Sauf que la femme n'a pas porté plainte à la police. Elle ne parle pas non plus d'agression sexuelle. Elle dit que des excuses lui feraient du bien. Elle veut être convaincue que le député a compris qu'il l'a blessée et qu'il entreprendra une thérapie.

Les médias n'en restent pas là et chacun y va de ses détails. Ainsi, on apprend que c'est la plaignante qui a offert un condom à Pacetti. Tout devient un peu plus ambigu.

Pendant ce temps, comment le député visé peut-il se défendre? Un communiqué, un courriel de dénégation...

Tout ceci n'a aucun sens.

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Le problème, nous dit-on, c'est que la députée concernée n'a nulle part où se plaindre. Ah bon? Pourtant, une «relation sexuelle sans consentement explicite», il y a un article dans le Code criminel là-dessus. Ça s'appelle une agression sexuelle.

Est-ce parce que, même dans son esprit, ce n'en était pas une? Peut-être. Peut-être pas.

Si c'est une agression sexuelle et qu'elle justifie une dénonciation dans les médias, il faudrait en saisir la justice.

Si c'est une «inconduite», il faudrait en effet respecter une forme de processus confidentiel pour la plaignante... mais aussi pour celui dont la réputation est entachée à jamais.

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L'autre cas n'est pas du tout du même ordre. Le député Scott Andrews aurait fait des avances à une autre députée du NPD. Elle l'aurait repoussé. Par la suite, il l'aurait insultée à répétition. On sort du Code criminel ici. Ce serait de l'ordre, au pire, du harcèlement sexuel. M. Andrews aussi nie avoir fait quoi que ce soit de répréhensible.

Ce n'est pas du même ordre, mais le 5 novembre, quand Justin Trudeau a annoncé la suspension des deux députés libéraux pour cause de «faute personnelle», les deux étaient dans le même sac.

Il était question d'«allégations sérieuses». Les médias ont vite découvert que les plaignantes étaient des députées du NPD. Le chef Thomas Mulcair a reproché à Justin Trudeau d'avoir rendu ses suspensions publiques. Mais il a dit que «les femmes ont le droit de vivre dans un environnement de travail sécuritaire» et «libre de harcèlement».

On pouvait soupçonner le pire pour les deux!

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Le gâchis est maintenant complet. Car tout ceci, bien sûr, se passe avec en toile de fond politique une nouvelle conscience aiguë des agressions non dénoncées.

Justin Trudeau, en premier, voulait surtout éviter d'être du mauvais côté de l'histoire - le côté du laisser-faire et de l'indifférence. Thomas Mulcair, lui, entend bien se porter à la défense de ses députées et de toutes les députées.

Trois semaines plus tard, nos gardiens de la démocratie ne savent même pas comment faire vérifier les faits de manière impartiale, une manière qui soit juste pour tout le monde, plaignantes et «suspects».

Les demi-dénonciations semi-publiques faites n'importe comment ne font avancer aucune cause.

Tout s'est fait dans la panique, l'imprudence et l'improvisation.

Ils cherchent un «processus». C'est très bien, un «processus». En attendant, des principes clairs de justice, ce serait encore mieux.

Pour joindre notre chroniqueur : yboisvert@lapresse.ca