Cette histoire du psy Mailloux, déjà franchement comique, touche presque au délire.

A-t-on affaire à un cas de «folie à deux» ? À un cas d'hystérie collective?

Il faudrait étendre le Collège des médecins sur un divan pour quelques séances.

- Parlez-moi de vos parents, Collège...

Considérez que depuis 10 ans, le Collège des médecins poursuit et pourchasse le «Doc Mailloux», sans jamais réussir à s'en débarrasser. Et en se faisant régulièrement dire par les tribunaux qu'il charrie.

Mais ça continue! Et allez, une autre poursuite, et qu'on nous le radie encore un peu! Et qu'on annule tout ça! Et au diable la dépense! Cette histoire a coûté au bas mot 1 million, plus probablement 1,5 million, peut-être 2 millions en dépenses et honoraires.

Hier, plus récent épisode: le Tribunal des professions annule une radiation de cinq ans (5, je dis bien 5) infligée au psychiatre récalcitrant. On y substitue une radiation de... trois mois!

Dans cette affaire, Mailloux avait été déclaré coupable de manquements à l'honneur de la profession pour ses propos pseudo-scientifiques sur le quotient intellectuel des Noirs et pour une participation jugée dégradante à l'émission Les Bougons (il simulait une fellation).

Le syndic du Collège, la police déontologique de la profession médicale, recommandait une suspension de licence de trois mois. Mais le Conseil, s'autorisant des autres «affaires Mailloux», a décidé qu'il était temps de sévir face à ce récidiviste impénitent.

Bang! Cinq ans!

Cinq ans, quand les agresseurs de patientes et les incompétents s'en tirent avec quelques mois?

De là à dire que le Conseil de discipline des médecins a déliré, il n'y a qu'un pas que je n'oserais franchir, au risque d'être accusé d'exercice illégal et intempestif de la psychiatrie.

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Pierre Mailloux en a appelé. Étonnamment, le même syndic qui réclamait trois mois de radiation est allé dire au Tribunal des professions que cinq ans, finalement, «ça colle aux faits».

Une «incongruité», dit pudiquement le Tribunal des professions.

Docteur, suis-je normal de trouver que ce n'est pas normal? C'est peut-être moi qui devrais m'étendre...

Les trois juges du Tribunal des professions viennent donc de ramener la radiation à trois mois.

Remarquez bien, la condamnation de Mailloux tient toujours. Il n'a pas obtenu l'acquittement qu'il recherchait. Il n'est nullement «blanchi».

C'est l'acharnement hystérique du Collège qui est ici illustré. Et arrêté.

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Le Tribunal des professions, qui est la cour d'appel de tous les conseils de discipline, aurait été bien mal venu de ne pas réduire la sanction de Mailloux.

Pourquoi? Parce que plusieurs fois l'an dernier, il a annulé des décisions du Conseil de discipline des médecins dans des dossiers autrement plus graves.

Dans l'affaire Claude Gauthier, le Tribunal a annulé une radiation de trois ans pour un médecin qui avait agressé sexuellement une patiente dépressive dans son bureau, et qui avait eu des relations sexuelles avec au moins deux autres. Le Conseil de discipline, faisant une revue des sanctions en matière d'inconduite sexuelle au Québec, en venait à la conclusion qu'un coup de barre s'imposait. Généralement, un règlement à l'amiable entre le syndic et le médecin permettait au professionnel délinquant de s'en tirer avec quelques mois. En Ontario, la sanction minimale est de... cinq ans.

Le Tribunal des professions a jugé que le Conseil avait manqué aux règles de l'équité en s'écartant de la recommandation commune du syndic et de l'avocat du médecin. Il avait ramené la radiation à neuf petits mois. Le problème de ces dossiers est évidemment que personne ne plaide la sévérité en appel: le syndic ET l'avocat du médecin sont du même avis, et veulent faire casser la sanction «trop sévère».

Dans le cas du docteur Kenneth Chan, qui avait négligé de se rendre au chevet d'une patiente venant d'accoucher, malgré des signes critiques, le tribunal a aussi réduit la sanction d'un an infligée par le Conseil. On y a substitué les quatre mois proposés d'un commun accord par le syndic et l'avocat du médecin négligent.

J'ai oublié de dire, léger détail, que la patiente est morte du fait de cette négligence.

Bref, ce Tribunal des professions a refusé au Conseil de se montrer minimalement sévère dans des cas très graves. Il n'était pas pour laisser passer une sanction de cinq ans pour de simples propos, aussi mal avisés fussent-ils. Il n'a tué personne, lui...

Le président du Collège, le docteur Charles Bernard, est lui-même très en colère contre son propre syndic, qu'il trouve trop complaisant envers les médecins délinquants. En particulier dans les cas d'agression sexuelle. Il m'avait même dit qu'il ne laisserait pas sa fille se faire accoucher par le Dr Chan...

Mais le Tribunal des professions ne l'entend pas ainsi. Rien ne doit changer, dirait-on.

Vous comprenez qu'avec une jurisprudence aussi «cool» pour les délinquants, cinq ans pour Mailloux, c'était très, très, très malade.

Vous voyez aussi que l'affaire Mailloux est un pur divertissement, comparée aux vrais et graves cas d'incompétence et de déviance.

C'est fou, non?