Tu as senti la fébrilité en ville cette nuit, Ronald? Eh oui, c'est la fin de la session au cégep.

Le grand Gaspi était venu étudier le dernier examen avec mon fils, et ils s'y sont tenus jusqu'à la troisième. Ce qu'il y a de bien avec Gaspi, c'est qu'il en profite toujours pour faire le ménage du frigo et de la boîte à pain. A-t-on examiné le système digestif des grands maigres de 19 ans? D'après moi, passé un certain nombre de calories ingérées, ça les fait maigrir de manger. Imagine l'énergie considérable que leur corps doit fournir pour digérer tout ça... Ces gens-là sont des alumineries sur pattes.

Tout ça pour dire qu'on a une belle jeunesse, Ronald. On n'en parle pas assez. Pour te dire aussi que le temps nous file entre les doigts, de match en match tout est plus vert. On a droit aux supplémentaires des fois, mais jamais aux temps d'arrêt. Hier, ça jouait atome B dans un tournoi à Saint-Robert, tu te revires de bord, ça finit son cégep, la porte du frigo grande ouverte...

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Notre équipe va-t-elle nous faire le coup?

Hier, on pleurait la perte du meilleur gardien au monde. Ce matin on s'émerveille devant ce Tokarski dont j'ai vérifié le nom cinq fois avant de l'écrire, tiens j'y retourne un dernier coup... Eh oui, c'est ça, Tokarski, juste un r.

S'il y a un joueur, un seul, qu'on était censé ne pas pouvoir perdre sous aucun prétexte, c'est le gardien!

Parfois la vérité se trompe, comme dit Fred Pellerin.

Et ce Galchenyuk, qui n'a pas l'âge légal pour boire la bière légère dans un nombre étonnant d'États américains, lui qui sera obligé de se louer une barbe de séries, lui qui n'a pas joué depuis deux mois... qui vient nous conclure ça...

Le monde se renouvelle sans qu'on y prenne trop garde et au moment où on y croit le moins.

Parce que, entre toi et moi, c'était laborieux, jeudi. On a ramé dans la gravelle toute la soirée.

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Quelques comiques avanceront que la mise en échec vicieuse de Prust a «changé le momentum». Quelle foutaise de l'ancien temps. J'ai pas vu le même match que ces gens-là, Ronald. C'est New York qui était partout!

Deux matchs de suspension, c'est tout à fait correct, pour ne pas dire un minimum.

«Oui mais Kreider, lui!» Quoi, Kreider? Ben oui, il aurait dû être puni aussi. Mais si le couillon devant toi sur la piste cyclable du Plateau-Ferrandez fait un excès de vitesse sans être arrêté par la police du BIXI, ça ne te donne pas le droit d'en faire autant. Les fans ont une conception égalisatrice de la justice, Ronald, on n'y peut rien, ils ont internalisé cette sale notion d'«arbitrage des séries»: à la fin tout le monde doit être puni également, peu importe le nombre et la gravité des infractions.

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Tu me vois un peu stressé pour le match de demain soir, camarade. Seront-ils à la hauteur où se contenteront-ils de quatre tirs en première? Pour me détendre, demi-marathon à Ottawa dimanche matin... anniversaire du beau-père chez nous le soir... Brochettes libanaises... Je compte sur mon beau-frère allemand pour le match, même s'il est plus foot que hockey, comme tu devines. Hé! Je vais bien voir la Mannschaft quand c'est le Mondial...

On n'a pas le choix Ronald, faut faire confiance à cette belle jeunesse - mais aussi à une couple de vieux.

Sois prudent avec ton vélo.