Une autre semaine, une autre mauvaise nouvelle qui arrive de la Cour suprême pour les conservateurs.

Et ce n'est sûrement pas la dernière. À voir aller les choses, on peut penser que le Québec va finalement remporter sa lutte contre Ottawa dans le délicat dossier du registre des armes à feu.

Vendredi, c'est sur un enjeu relativement mineur que la Cour suprême a mis un coup de frein au programme conservateur: le «crédit» accordé aux prisonniers pour la détention purgée avant leur condamnation. 

Relativement mineur mais symboliquement important. Et surtout, il s'ajoute à une longue série noire judiciaire.

La semaine précédente, c'était une affaire de droit carcéral: un détenu a le droit de savoir sur quelle base on le transfère dans un pénitencier plus sévère. Plus tôt cet hiver, la Cour a dit que l'abolition de la libération conditionnelle au sixième n'est pas rétroactive.

Le mois dernier, c'était l'affaire Marc Nadon, où pour la première fois de l'histoire de la Cour, une nomination de juge était déclarée illégale parce que ne respectant pas la loi et «les valeurs sociales distinctes» du Québec.

S'ajoutent à cela: 

- l'invalidation des crimes entourant la prostitution;

 - les deux jugements disant que le gouvernement fédéral a violé les droits fondamentaux d'Omar Khadr, arrêté à 15 ans comme «combattant ennemi» en Afghanistan;

 - l'ordre de maintenir le programme d'injections de drogues illégales supervisées Insite, à Vancouver;

 - l'invalidation en 2008 d'une partie de l'ancienne Loi sur les jeunes contrevenants (votée par les libéraux, mais avec comme conséquence de limiter les projets conservateurs);

 - l'avis voulant qu'une commission canadienne des valeurs mobilières serait inconstitutionnelle.

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Dans l'affaire des valeurs mobilières, la Cour suprême a reformulé sa théorie du fédéralisme coopératif. Il faut désormais au Canada «envisager les problèmes complexes de gouvernance susceptibles de se présenter dans une fédération, non pas comme une simple alternative entre les deux ordres de gouvernement, mais comme une recherche coopérative de solutions».

Dans l'affaire Nadon, la Cour suprême ne s'est pas contentée de constitutionnaliser les trois postes de juges québécois (sur neuf) à la Cour suprême. Elle ne les a pas seulement justifiés par la protection du droit civil, unique au Québec. Elle a référé aux «valeurs sociales distinctes» du Québec et à l'importance de les protéger.

Dans ce contexte, comment ne pas penser que la destruction pure et simple des données du registre des armes à feu, que veut récupérer le Québec, ne serait pas inconstitutionnelle? N'est-ce pas une action unilatérale mesquine, contraire à l'esprit du fédéralisme coopératif?

On aura la réponse d'ici un an...

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Autre gros morceau législatif controversé: les peines minimales automatiques. Les juges canadiens ne sont pas friands des automatismes. Plusieurs cas ont surgi un peu partout au pays où des peines minimales ont été jugées inconstitutionnelles, parce que déraisonnables dans certains cas mineurs. C'est maintenant devant Cour suprême.

En comparaison, la décision de vendredi sur le «crédit» donné aux délinquants pour leur détention préventive n'est qu'un amuse-bouche. Elle donne néanmoins le ton.

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Le gouvernement conservateur a mis fin en 2009 au «deux pour un» pour les délinquants détenus préventivement.

Exemple: on arrête un homme pour un vol à main armée. Il est détenu en attendant son procès. Il plaide coupable un an plus tard. Le juge lui inflige une peine de cinq ans. Il doit évidemment tenir compte du temps déjà purgé. On avait coutume de compter en double ce temps-là. On allait donc soustraire deux ans du total, ce qui fait une peine de trois ans à compter du jour de la sentence.

Cela passait comme une sorte de cadeau aux yeux de bien des gens. Depuis 2009, le Code criminel commande aux juges de compter «un pour un» les jours purgés. La loi prévoit cependant qu'on peut donner 1,5 jour de crédit par jour purgé «si les circonstances le justifient».

Conclusion de la Cour suprême vendredi? Inutile de prouver des circonstances extraordinaires.

Pourquoi? Parce que les détenus purgent très rarement la totalité de leur peine. Ils sont admissibles à une libération conditionnelle entre le tiers et les deux tiers de leur peine, tandis que la détention préventive est purgée à 100%. C'est pour tenir compte du fait que la détention préventive n'est pas divisée par une libération conditionnelle que les juges accordaient un crédit.

Crédit qui allait parfois dans d'autres provinces jusqu'à trois jours pour un, quand les conditions de détention préventive étaient particulièrement dures - surpopulation, etc.

On n'ira plus au-delà du 1,5 pour 1. Mais la Cour suprême (7 juges à 0) vient cependant dire que les juges sont tout à fait justifiés d'appliquer cette «exception» dans la majorité des cas, et d'en élargir énormément la portée.

Ce n'est clairement pas comme ça que le gouvernement Harper l'entendait.

Encore une fois...