La scène tenait presque du comique mais elle résume à peu près tout le débat.

Il restait environ 10 minutes à ces «face à face» de TVA, et c'était au tour de François Legault et Pauline Marois. Il était question d'identité et de langue.

Au lieu de s'attaquer tout de suite, ils ont pris une petite pause anti-Couillard bien sentie.

C'est incroyable de voir quelqu'un aspirer à devenir premier ministre incapable de reconnaître le problème du français à Montréal, a tonné Legault, qu'on aurait dit très caféiné.

- Je suis d'accord, c'est incroyable, renchérissait Pauline Marois.

Inacceptable, jamais vu ça, etc., les deux se pompaient mutuellement tandis que le chef libéral n'avait pas de droit de parole.

C'est fou comme une semaine peut changer les choses... Cette fois, le meneur est clairement Couillard, c'est chez lui que les déserteurs de la CAQ sont passés. Et Legault comme Marois savent où faire porter les coups.

S'il faut compter ces coups, c'est sans doute François Legault qui s'en est le mieux sorti. Sur les finances publiques, sur les régimes de retraite, sur les commissions scolaires, il était clair dans le propos, dur dans les attaques.

Exiger les états financiers de la société mort-née de Philippe Couillard et d'Arthur Porter était un coup en bas de la ceinture, mais il a déstabilisé le chef libéral.

Quand vient le temps de parler de santé, par contre, Legault trouve beaucoup de chiffres à déplacer mais est moins convaincant. Couillard a une connaissance intime de ce réseau inextricable, on ne le coince pas facilement là-dessus.

Sur la Charte, Legault joue sur tous les tableaux. Il avait commencé l'an dernier par défendre les seules restrictions de Bouchard-Taylor quant aux signes religieux (juges, procureurs de l'État, policiers, gardiens de prison); il a ajouté les enseignants, sous prétexte qu'ils sont en autorité. Il reproche à Couillard d'être «mou» et à Marois d'être intransigeante pour des fins politiques. Mais il est malvenu d'invoquer le trio souverainiste Parizeau-Bouchard-Duceppe, qui défend strictement Bouchard-Taylor à ce sujet.

La réplique des deux principaux partis à ses appels au «courage»: ses solutions sont superficielles et simplistes.

Legault fait campagne avec une équipe qui n'a pas le panache de celle de 2012, il le sait. Pour faire «neuf», il puise beaucoup dans son passé d'entrepreneur, étonnamment peu dans son expérience de ministre, comme si ça n'avait pas existé.

Quoi qu'il en soit, encore une fois, Philippe Couillard a eu grand-peine à défendre sa position subtile sur la Charte - ce serait aux chefs de police de décider de l'uniforme, par exemple. Il en revient à l'idée que les Québécois ne veulent pas que l'on congédie des gens pour cette raison et que le problème est théorique pour le moment. C'est clairement le moment le plus pénible du débat pour lui.

Ça lui a tout de même donné l'occasion d'un élan bien senti de «fierté» nationale, qui ressortait dans un discours généralement documenté mais cérébral.

Pauline Marois était beaucoup moins nerveuse que la semaine dernière et a aussi débattu avec plus de mordant. Son moment de plus grand agacement a été sur la référendum, mais cette fois, c'est Françoise David qui lui a reproché de ne pas «assumer pleinement» son souverainisme. Sa ligne d'attaque, commune avec Legault d'ailleurs, consistait à dire que les libéraux que les sondages donnent gagnants sont les mêmes que ceux de Jean Charest.

Françoise David, qui défend ses principes sans jamais déraper, demeure dans le registre moins punché du «désaccord raisonnable» et de l'intelligence. Facile quand on ne risque rien? Un peu plus, sans doute. Mais elle tire toujours les discussions vers le haut.

On n'a pas eu le combat extrême annoncé. Tant mieux. Ce que ça changera? Ah! ça, vous me le direz...

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