Lundi, le plus important leader syndical au Québec dénonce les attaques des «requins de la finance».

Mercredi, on voit à la commission Charbonneau comment il a fermé les yeux sur une opération de prête-nom pour sauver «un bon deal» impliquant un proche des Hells.

Car Michel Arsenault était président de la FTQ. Mais il était un peu banquier aussi, puisqu'il était président du conseil du Fonds de solidarité.

Ah, banquier de gauche! Mais banquier quand même. Et quand on est banquier, mesdames et messieurs, de droite ou de gauche, c'est pas toujours facile de refuser un «bon deal»... Même si ça implique des gens... des gens... Comment dire? Un peu moins bons...

Quand on est banquier de droite, on fait ça pour le rendement, les actionnaires, les primes... Quand on est banquier de gauche, on fait ça pour l'intérêt des travailleurs, pour les épargnants, pour l'économie du Québec...

Ramenons-nous à ce jour de mars 2009. Les journaux s'intéressent à un certain Denis Vincent, actionnaire d'une entreprise qui tente d'obtenir un investissement du Fonds. Vincent est un homme d'affaires mystérieux, près des Hells Angels.

La police intercepte une conversation entre Michel Arsenault, Yvon Bolduc, le PDG du Fonds (il l'est encore), et Guy Gionet, qui dirigeait le bras immobilier du Fonds, SOLIM.

Les trois semblent d'accord sur un point: Vincent n'est pas montrable. Le Fonds ne peut pas faire affaire avec lui... Pas directement, du moins. Sauf que... l'entente est conclue, et Gionet ne veut pas défaire ce «deal».

Yvon Bolduc suggère que l'entente ne soit qu'avec le «chum» de Vincent, un homme au-dessus de tout soupçon. Et Bolduc d'ajouter: «Tu dis écoute Vincent là, tu ramasses ton 25 pour cent comme tu voudras.» En fait, «y s'arrangera comme y voudra, ce qu'on veut pas, c'est de voir la face, le nom de Denis Vincent dans le document.»

Bloduc veut tout de même s'assurer que le prête-nom a une bonne réputation: «Le chum, y est clean, lui, Guy?»

- Oui, oui, oui, oui, oui, oui, oui, oui! répond immédiatement Gionet.

Après tout, Vincent n'a qu'à former une société à numéro, enfin bref, il fera ce qu'il voudra, on s'en fout, l'important, c'est que «quand quelqu'un pèse su' un piton, y va arriver, y va dire OK, y a pas de Denis Vincent là-dedans.»

Michel Arsenault, tout de même, s'interroge: où diable ce Denis Vincent prend-il son argent?

Gionet explique: «Ben, y a à peu près 2880 compagnies! Dans l'automobile, je pense sa famille est dans l'automobile. Y vend aussi des hélicoptères, y est en immobilier, écoute, ça serait plus facile de savoir qu'est-ce qu'y fait pas que qu'est-ce qu'y fait, parce que y est dans toute!»

Et Bolduc de renchérir: «Écoute, un moment donné y appelle: y est en Turquie; après y m'appelle: y est en Europe; après y est en Europe de l'Est... Écoute, y chasse l'ours à l'hélicoptère pis y ramasse les peaux, y vend les peaux hey, y fait toute pis y fait rien. T'sais, vraiment, y a rien à son épreuve là! C'est pas... C'est pas pas un gars avec l'éthique la plus extraordinaire là, ça c'est clair.»

Je vous rappelle que c'est l'actuel président-directeur général du Fonds de solidarité qui parle ici de ce type qui chasse l'ours en hélicoptère mais n'a pas l'air d'être un champion de l'éthique. Pas grave: pourvu qu'il soit un actionnaire secret, on s'en fout, le Fonds reste dans cette affaire.

Ce Vincent fait-il l'objet d'une enquête? A-t-il un casier judiciaire? «J'pense pas, t'sais, euh», répond Bolduc à sa propre question.

Alors... Dans ces circonstances...

«Ça marche», conclut Arsenault.

Hier, dans un communiqué où l'on rappelait tous les changements de gouvernance survenus en 2009 après ces événements, le Fonds de solidarité a dit être sorti de tous les dossiers toxiques. Et en sortant, «aucune manoeuvre de «camouflage» n'a été exécutée».

En sortant, peut-être pas, mais en entrant?

Comment se fait-il que ce Vincent ait eu accès au dirigeant de SOLIM? Comment se fait-il qu'il parle comme s'il était le patron de Michel Arsenault? Au point de dire qu'avec l'aide de Tony Accurso, le roi de la construction, il a «installé» Arsenault à la présidence! Au fait, Michel Arsenault était-il l'ami de Tony Accurso, ou sa marionnette? Tony Accurso, qui se tenait très près des dirigeants de la FTQ-Construction, a toujours entretenu des liens étroits avec les patrons de la FTQ, et pas seulement pour parler de mouches à pêche. Ça servait ses entreprises, c'était une des clés de son succès fulgurant. On voit dans les conversations qu'il n'a pas tout dit à Arsenault sur sa relation avec Vincent.

On n'est pas au bout de nos découvertes sur ce monde malsain tissé serré.

Mais si on appliquait aujourd'hui à la FTQ le test de réputation imposé aux firmes de construction ou de génie-conseil qui veulent obtenir des contrats du gouvernement, la FTQ aurait bien de la difficulté à obtenir son certificat.

Photo Le Soleil

Michel Arsenault