Je suis allé au magasin de politiciens, chercher un maire.

«Vous voulez quoi? On a toutes sortes de modèles...

- Pour résumer, je cherche une sorte de Jean Drapeau, mais pas vraiment... Quelqu'un avec de la vision, comme on dit, mais pas trop autoritaire... Un faiseur de grands projets qui ne serait pas dépensier, un boucheur de nids-de-poule qui serait un ami des arts... Un oeil sur les infrastructures souterraines, l'autre sur l'électrification des transports... Un rêveur de Copenhague, mais avec plus d'autos... Ça nous prend un passionné de patrimoine qui stimule le développement immobilier... Un jeune expérimenté, qui connaît la ville à fond, mais qui poserait un regard tout neuf... un vent de fraîcheur sur deux pattes... sans être naïf! Un leader fort qui consulte... Un homme qui serait une femme autant que possible... Un maire qui a le courage de dire "non! ", mais qui dirait "oui! " aux projets porteurs... Quelqu'un capable de redonner sa fierté à la fonction publique, d'en regarnir les rangs, mais qui tiendrait tête aux fonctionnaires, et qui couperait dans le gras... Je cherche quelqu'un à l'aise en autobus comme en taxi, honnête, évidemment, travaillant, toujours disponible pour les citoyens et près de sa famille.»

C't'à peu près ça. Me semble que ça devrait pas être trop, trop compliqué à trouver?

Le commis est parti fouiller partout, et jusque dans l'entrepôt, et m'est revenu avec Denis Coderre, Richard Bergeron, Marcel Côté et Mélanie Joly.

«Euh... C'est pas vraiment ce que j'ai commandé!

- C'est ce qu'on a en magasin en ce moment. Voulez-vous que j'appelle à notre succursale de Laval pour voir ce qu'ils ont en stock?

- Laissez donc faire...»

Ces maires, il est plus facile de les congédier que de les remplacer. Pour les électeurs de maires. Et pour les candidats-maires.

Le «cas» Marcel Côté est particulièrement éloquent. Voici un homme qui, intellectuellement, dépasse probablement les autres candidats. On n'a pas fait de test de QI, mais il faut le rencontrer ou voir sa feuille de route pour s'en convaincre. Il en sait long sur la gestion de la chose publique, sur la gestion de Montréal précisément, pour s'y être penché en profondeur.

Ce printemps, poussé par ce fort courant «surtout pas Coderre», alimenté par plusieurs personnes du milieu des affaires, il se fait offrir la tête d'une coalition par Louise Harel. Elle lui livrerait l'Est, il conquerrait l'Ouest.

C'était très bien parti. Autant des gens d'affaires en vue que des vedettes du milieu culturel l'ont appuyé. Il avait quelques experts de la chose politique avec lui - des anciens combattants libéraux comme Mario Bertrand, ex-chef de cabinet de Robert Bourassa.

Il avait sous-estimé son principal problème: personne ne connaît Marcel Côté hors des cercles du pouvoir. Les premiers sondages, à la fin de l'été, le plaçaient dans une très décevante troisième place, même pas proche de Richard Bergeron. La discorde s'est installée pour trouver l'issue. La vieille garde a imposé sa voie. Et un mois plus tard, ça ne va pas seulement mal. C'est un début de désastre où se mêle l'inexpérience politique et la vieille politique cheap.

Qu'on utilise des appels automatisés pour faire un sondage n'a rien d'immoral. Ça dépend de ce que dit le robot!

Si, en plus de ne pas s'identifier (ce qui est illégal), le robot dit qu'il fait un «sondage indépendant», c'est bêtement malhonnête. S'il en profite pour dénigrer les autres candidats avec des informations bidon, il est vraiment à congédier, ce robot.

C'est vrai que Richard Bergeron et Denis Coderre se sont un peu trop enthousiasmés dans la dénonciation. Allez donc les blâmer, quand on voit que depuis ce temps, M. Côté présente encore ces appels comme un "sondage" et réduit l'incident à une sorte d'oubli technique. C'est agaçant.

On a pourtant affaire ici à un homme supérieurement intelligent, tout aussi respectable qu'au jour 1 de sa campagne, qui a des choses à dire - pas mal plus que Denis Coderre. Il a vu neiger, il a fréquenté des politiciens parmi les meilleurs de sa génération...

Probablement voyait-il aussi clairement que nous leurs travers, leurs faiblesses, leurs vices et leurs vertus... Il est prévenu, non? Il devait se dire: ah, si j'étais là, je saurais y faire!

Ce n'est pas fini.

Mais son parcours, comme toutes les campagnes en cours dans ces élections historiques "post-Charbonneau", nous rappellent que c'est un dur métier que celui de s'offrir à l'étal du magasin de politiciens, pour convaincre les gens de vous choisir pour gérer leur argent et leur ville...

Pour joindre notre chroniqueur: yves.boisvert@lapresse.ca