Au point où nous en sommes, je propose que Montréal adopte le concept de maire rotatif.

On le change chaque semaine jusqu'aux élections. Il reste 20 semaines: on a besoin de seulement 20 maires temporaires. Ça ne devrait pas être très compliqué: on a la chance d'avoir des conseillers municipaux à ne plus savoir quoi en faire.

Juste une semaine, pas plus: beaucoup trop court pour qu'une enquête policière aboutisse. S'il est pris dans un scandale, nul besoin de démissionner: le maire se déclare en «réflexion» jusqu'au samedi.

Et au suivant!

Michael Applebaum a été choisi en novembre pour apaiser cette ville meurtrie par les scandales... La police va le réveiller sept mois plus tard.

Non, mais quel flair il avait, Gérald Tremblay, pour choisir son entourage!

Applebaum était le numéro deux à l'hôtel de ville. Il n'a l'air de rien, il ne menace rien, il ne parle pas trop fort, bref c'était l'homme de la situation.

Ce qui est catastrophique dans cette histoire, ce n'est pas seulement ce nouvel épisode de honte municipale.

Ces arrestations laissent supposer que la corruption, peut-être, est encore plus répandue qu'on ne le croyait à Montréal. Non seulement il y en avait des étages entiers dans le domaine de la construction publique; il y en a ailleurs: des élus et des fonctionnaires monnaient leur pouvoir de zonage ou d'émission de permis, dit la police.

Si Michael Applebaum a bien fait «ça», comment a-t-il pu avoir le culot de se présenter comme maire par intérim?

Parce que, s'il a fait «ça», il ne pensait pas se faire prendre, tout simplement. Comme tous les autres qui partagent la corruption en secret. Pendant des années, on n'a arrêté strictement personne, ou presque, pour des affaires de corruption.

Pourquoi le système Vaillancourt a-t-il pu durer si longtemps à Laval, même s'il impliquait des dizaines de personnes? Parce que les victimes (le public) ne savent rien. Et que ceux qui savent sont complices. Celui qui parle s'accuse.

Mais... dès qu'un des complices parle, tout s'écroule.

Le degré de collaboration des gens accusés à Laval est assez époustouflant. Ils ne disent pas tout, mais ils parlent!

«On leur dit: le train passe, c'est le temps de décider si vous embarquez», dit Robert Lafrenière. Autrement dit: allez-vous collaborer avec la justice ou pas? Les professionnels sont étonnamment plus collaborateurs que les motards. L'idée d'une peine de cinq ans de pénitencier les énerve un peu plus.

À Laval, après 40 ans d'omerta, ils se mouchardent les uns les autres d'une manière spectaculaire à la télévision - imaginez en coulisse.

Ailleurs aussi, on dirait bien...

Mais ces arrestations en cascade, Michael Applebaum ne pouvait pas les prévoir l'automne dernier, quand il est devenu maire.

Il a même créé en janvier une «Escouade de protection de l'intégrité municipale», et a prétendu remettre les clés de l'hôtel de ville à la police.

Cette «EPIM» n'est pas un grand succès jusqu'ici. Les enquêteurs se font tirer l'oreille pour y travailler. Elle semble faire double emploi avec l'Unité permanente anticorruption (UPAC). Et... six mois après sa création, voyant son fondateur arrêté par la police, l'EPIM apparaît de plus en plus comme une opération politique de désespoir du maire. L'annonce, en effet, a eu lieu le jour où des enquêteurs de l'UPAC allaient rendre visite à Michael Applebaum. Il pourrait dire: je n'ai tellement rien à cacher que je crée une escouade pour enquêter sur nous!

Hier, Robert Lafrenière, commissaire de la lutte contre la corruption, a dit qu'il y a présentement «plusieurs enquêtes en cours à Montréal». Visent-elles des élus? Il ne le nie pas, ne le confirme pas non plus. Sauf que l'UPAC enquête... sur la corruption. Dites-vous donc que le ménage policier n'est pas fini à la Ville de Montréal. Ça laissera l'endroit un peu plus propre pour le jour des élections.

Jusqu'ici, 106 personnes ont été arrêtées par l'UPAC depuis sa création. Parmi eux, six ex-maires, et pas seulement des deux de pique, des dirigeants de grandes entreprises et des professionnels.

Ça commence à faire beaucoup de corruption au Québec, ça...

À la visite qui vous en fera la remarque, cet été, on peut toujours répondre: oui, mais au moins, on la combat. On enquête. On arrête. Bientôt, on jugera.

De ça au moins, on peut être fiers - en attendant le troisième, puis le quatrième maire de Montréal en 12 mois...

Pour joindre notre chroniqueur: yboisvert@lapresse.ca