Il n'y pas de doute, c'est bien Gérald Tremblay. Il distille encore cette exaspérante niaiserie sur fond de bons sentiments.

En 15 petites minutes à la fin de cette première journée de témoignage, l'homme s'est résumé malgré lui en tant que maire de Montréal. Toujours en retard de deux scandales.

En 2006, le maire Tremblay apprend que le « directeur du financement » de son parti, Union Montréal, a tenté de soutirer un million de dollars à une entreprise de Toronto qui voulait installer un Walmart à Montréal. Gros !

On ne sait pas si c'était une tentative de fraude ou d'extorsion (ce qui supposerait des menaces ou de la violence). Mais c'est à coup sûr un crime grave.

Gérald Tremblay a donc raison d'aller voir Trépanier pour le congédier.

En 2007, 2008 et 2009, le même Trépanier s'occupera pourtant encore du financement du parti, mais à titre bénévole. M. Tremblay nous assure qu'il n'en savait rien. « J'ai appris ça en écoutant la Commission », dit-il.

La chose est invraisemblable, mais supposons que ce soit vrai.

En 2008, donc deux ans après le congédiement de Bernard Trépanier, Gérald Tremblay rencontre ce dernier dans un cocktail de financement d'Union Montréal.

« J'ai rempli la salle ! », dit fièrement Trépanier.

Que fait le maire ? Le fout-il à la porte à coups de pied au cul, sachant qu'il a utilisé son nom pour une fraude ? S'informe-t-il de ce que signifie « remplir la salle » ? Consulte-t-il des gens du parti : hé, il fait quoi ici, cet escroc ?

Mais non ! Gérald Tremblay, qui nous serine sans arrêt ses « valeurs », lui dit « Merci ! »

Merci ? À ce type qui a sali sa réputation et celle de Montréal ?

Parlez-moi d'un homme qui « agit » !

« Sachant ce que je sais aujourd'hui », dit-il, il admet qu'il y a un problème de perception.

Comment ça, « sachant ce qu'on sait aujourd'hui » ? Une tentative de fraude d'un million faite sur son dos, ce n'est pas assez ?!

A-t-il appelé la police ? Non. Il en a parlé au chef de police de l'époque, Yvan Delorme, lors d'une rencontre sur un autre sujet. Celui-ci lui aurait dit qu'aucun crime n'avait encore été commis, et qu'il n'y avait pas lieu de faire enquête.

Voilà qui est absurde. Un étudiant en technique policière sait qu'une « tentative » ou un complot pour commettre un crime est aussi un crime. Pas besoin que la fraude soit consommée. Que ce soit difficile à prouver, c'est une autre histoire. Généralement, les policiers montent une opération pour piéger l'auteur de la tentative de corruption. Mais il y a bel et bien crime. Yvan Delorme a nié la version du maire hier, d'ailleurs.

De toute manière, une telle affaire aurait dû être confiée à la Sûreté du Québec, comme le sait très bien Gérald Tremblay. Il n'a pas appelé la SQ. Pourquoi ?

Alors qu'il ne vienne pas nous dire encore que « chaque fois » qu'il a appris des faits, il a « agi ».

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Gérald Tremblay nous affirme par ailleurs que JAMAIS il n'y a eu de système de cote de 3 % versée à son parti payée par ceux qui obtenaient des contrats de la Ville.

Pourtant, il ne se mêlait pas de financement. Comment le sait-il, alors ? Parce que c'est impossible, son parti n'avait pas besoin de tout cet argent, les affaires allaient très bien.

Sous-entendu : si Trépanier a collecté 3 %, c'est pour d'autres choses, d'autres gens...

M. Tremblay a ensuite eu cette phrase énigmatique, quand la procureure Lebel lui a demandé pourquoi il n'a jamais dit à Trépanier la vraie raison de son congédiement : « Je suis très content de ne pas l'avoir dit, sachant ce que je sais aujourd'hui. »

C'est qu'il y a eu des menaces autour de cette histoire, a dit l'ancien maire. Par qui, quand, comment, envers qui ? Mystère.

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Ce fut une première journée échevelée. Gérald Tremblay a été aussi souriant qu'il peut l'être. Et c'est vrai qu'il dégage cette bonhommie, cet air sympathique.

Mais il en a trop laissé passer pour être convaincant. Si, après le départ forcé de son directeur de financement, de Zampino, de trois directeurs généraux, il n'a rien soupçonné, il faisait partie du problème. Sa passivité innocente était nécessaire à la survie du système.

Il se scandalise de la passe ratée d'un million de Trépanier : « Je ne veux pas que la réputation de Montréal soit entachée ! », dit-il.

Ah oui ? Pourtant, il le laisse remplir ses salles politiques deux ans plus tard.

Voilà pourquoi les pourris ont pris tant de place. Tout en haut, quelqu'un voulait en savoir le moins possible.