Avec ce qu'on sait aujourd'hui, Michel Dumont n'aurait jamais dû être envoyé en prison. Mais ça ne suffit pas pour qu'il obtienne une compensation financière.

La Cour d'appel vient en effet elle aussi de rejeter la requête de cet homme condamné apparemment à tort pour une agression sexuelle survenue en 1990.

Je dis apparemment à tort parce qu'on n'aura jamais de preuve scientifique de son innocence et que des zones d'ombre subsistent.

L'homme a été déclaré coupable d'agression sexuelle en 1992 et la Cour d'appel a confirmé ce verdict en 1994. Mais la victime a renié sa version par la suite, si bien que la même Cour d'appel, après une procédure extraordinaire, a annulé cette condamnation sept ans plus tard.

M. Dumont et sa conjointe ont alors poursuivi la police de Boisbriand et le procureur général du Québec pour ces 34 mois de détention. La police a réglé à l'amiable. Devant la Cour supérieure, M. Dumont n'a pas réussi à démontrer que l'avocate responsable de la poursuite criminelle et l'État canadien avaient commis une faute. La Cour d'appel vient de confirmer cette décision dans un jugement unanime. Et convaincant.

On pourrait résumer tristement l'affaire en une ligne: autant la condamnation ne tient plus en 2012, autant, en 1992, il y avait des raisons valables de faire un procès à Michel Dumont.

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Depuis que la Cour d'appel a annulé sa condamnation, en 2001, on tient pour acquis que Michel Dumont a été victime d'une erreur judiciaire. On vient d'ailleurs de faire un film fondé sur cette thèse.

Logiquement, si l'État a envoyé en prison pendant presque trois ans un innocent, cela devrait donner lieu à une compensation.

Eh bien... pas nécessairement.

Pas nécessairement, parce que l'annulation d'une condamnation n'est pas une preuve d'innocence. Si chaque personne acquittée avait droit à une compensation, le ministère public se trouverait vite en difficulté. Une immunité relative protège l'État contre les poursuites. Il faut prouver une intention malicieuse ou une incompétence très grave pour obtenir gain de cause.

Or, dans le cas de Michel Dumont, cette preuve n'existe pas.

Il est vrai que la femme qui a accusé Michel Dumont de l'avoir violée en novembre 1990 n'a plus aucune crédibilité. Elle a renié plusieurs fois son témoignage depuis le procès, aux policiers comme aux médias. Elle a d'abord exprimé des doutes, puis dit que «c'était clair que c'était pas Michel Dumont». Une autre fois, elle a manifesté une «certitude de doutes à l'intérieur» et même dit qu'elle est «sûre» que ce n'est pas lui en le regardant sortir de prison.

Depuis la sortie du film, elle est revenue sur ces déclarations et semble... douter de son doute.

La preuve reposait uniquement sur son identification. Elle n'avait porté plainte à la police que deux jours après l'événement et disait avoir fait le ménage complet de son appartement. Ni ADN, ni preuve médicale, ni aucune trace du suspect n'ont été découverts par la police de Boisbriand.

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Au moment du procès, elle jurait que le coupable était bien Dumont. Elle l'avait identifié formellement.

Elle avait fait dresser un portrait-robot et des gens ont identifié Dumont. Celui-ci était d'ailleurs un voisin. Il a fourni un alibi erroné lors de son arrestation et ne l'a changé que le mois suivant, disant s'être trompé de date.

Difficile de dire que la poursuite n'avait pas de motifs de faire accuser Dumont, dont la version n'a d'ailleurs pas été crue au procès.

Les doutes sont nés quand la femme a cru voir Dumont au club vidéo, au printemps de 1992, juste après sa condamnation. Comme elle le croyait en prison, elle s'est dit qu'elle s'était peut-être trompée sur l'identité de son agresseur. Elle en a parlé à l'avocate, qui a fait enquêter la police. Conclusion: c'était peut-être Dumont, qui était en liberté en attendant son appel.

La Couronne a transmis cette information à l'avocat de la défense. Mais celui-ci a choisi de ne pas parler de ces doutes exprimés par la victime en Cour d'appel. Peut-être parce que l'enquête a aussi révélé que Dumont est allé une autre fois à ce club vidéo de Boisbriand, même si la Cour lui avait interdit d'être en ville.

Quoi qu'il en soit, ici la Couronne a transmis l'information dès qu'elle l'a obtenue, et à ce moment-là ces premiers doutes de la victime pouvaient encore être considérés comme non fondés.

Ainsi s'achève probablement l'affaire Dumont, sauf appel en Cour suprême.

Reste à nous demander s'il ne faudrait pas un mécanisme de compensation pour les très rares et troublants cas de personnes condamnées qui réussissent à obtenir une annulation de condamnation comme Michel Dumont. À défaut d'être des innocents officiels, ce qui est souvent impossible à prouver.